Confiez le remake d’un monument comme Silent Hill 2 aux Polonais de Bloober Team, cela semblait un choix incongru de la part du japonais Konami. Entre des éclairs remarquables (Couches de peur, Observateur), adaptation cinématographique (Blair sorcière) et l’échec (Le médium), les productions inégales du studio faisaient craindre qu’il ne soit pas le meilleur chef de projet pour un tel projet. Car au-delà du défi technique, il s’agit de redonner un nouveau souffle à l’une des œuvres les plus respectées de l’histoire du jeu vidéo, une œuvre qui a changé le récit.
Au terme de cette refonte complète, le soulagement prévaut cependant : l’esprit du jeu de 2001 est bien préservé. Colline silencieuse 2 reste ce voyage glaçant aux confins de l’horreur et du psychisme humain, convoquant un monde infernal amalgamant les œuvres de Francis Bacon, le cinéma de David Lynch et les romans de Stephen King. L’histoire d’un homme qui se rend dans la petite ville de Silent Hill, répondant à l’invitation de sa femme, décédée trois ans auparavant. Maladroit, le regard terne, l’inconsolable James promène sa silhouette courbée dans une ville fantasmagorique engloutie par le brouillard d’où s’échappent d’autres âmes perdues et des menaces indescriptibles. Bercé par les sons électriques et envoûtants d’Akira Yamaoka qui insufflent un profond sentiment de solitude, cette errance pleine de mélancolie macabre a participé à la construction d’une tragédie intime déchirante, livrée sous la forme d’un jeu d’angoisse paralysant.
La rediffusion de Bloober Team donne une place prépondérante aux combats, sans pour autant dénaturer le caractère étouffant du jeu. Comme les remakes à succès de Resident Evil (l’autre géant de l’horreur japonaise à l’esprit B-movie assumé), le studio adopte le standard d’une vue à la troisième personne plus immersive et confortable. Il parvient surtout à adapter la direction artistique de Team Silent à l’ère du photoréalisme, sans rien perdre de la poésie des images dont le pouvoir d’évocation tenait aux limitations techniques. Accroché à son sacro-saint modèle, le remake souffre parfois de s’accrocher à certaines mécaniques dépassées qui auraient gagné à être dépoussiérées. Mais rien ne vous empêche d’apprécier cette pochette, qui capte et perpétue la quintessence de la série dans son firmament. On craignait un accident industriel, c’est un monstre sacré qui se réinvente.