Armures colossales, canons énormes, guerres contre des races extraterrestres : bienvenue dans l’Imperium, l’empire conquérant du monde au cœur de la saga « Warhammer 40,000 ». Cet univers de science-fiction, né en 1987 d’un jeu de figurines, revient dans le jeu Espace Marine 2publié le 9 septembre. Et le succès inattendu de ce titre pourrait continuer à propulser la franchise Warhammer sur le devant de la scène.
« Je crois que Espace Marine 2 est le jeu le plus vendu sur lequel nous avons travaillé », a déclaré Tim Willits, directeur artistique de Saber Interactive, sur X. Focus Entertainment, distributeur du jeu, a annoncé environ deux millions de joueurs lors du lancement. Le tireur a connu un succès critique auprès de la presse et des fans.
Un univers en expansion
«Pendant longtemps, la croissance de Warhammer s’est faite par à-coups», se souvient Thibaut Claudel, fan depuis vingt ans et auteur de Dans les rebondissements de Warhammer 40,000 aux troisièmes éditions. Le jeu L’aube de la guerre a fait exploser la popularité de l’univers. Au début, les adaptations, comme les romans de Black Library, étaient réservées aux initiés. Or, les partenaires extérieurs qui éditent ces produits dérivés sont de très gros acteurs. Les engrenages interagissent et la machine démarre. »
Julien Kirszenbaum, animateur de la chaîne YouTube française Wargame Studio et autoproclamé « passionné le plus fou de France » le confirme. Sa chaîne YouTube compte 80 000 abonnés, sa chaîne Twitch rassemble 5 000 spectateurs pour les championnats du monde de wargame, le jeu original de miniatures, le nombre de membres de la fédération compétitive a explosé. Naturellement, il ne tarit pas d’éloges sur cette passion partagée par des milliers de fans, chacun pour ses raisons. « Il y a des gens qui aiment le modélisme, ceux qui aiment la peinture, ceux qui aiment la stratégie », explique-t-il. Il y a aussi une dimension physique : vous partagerez quatre ou cinq heures avec quelqu’un qui a une alchimie avec vous. C’est un véritable exutoire sain. Pour beaucoup, Warhammer est une madeleine de Proust. »
Pour Julien Kirszenbaum, « Warhammer » est une passion d’adolescent, redécouverte dans les années 2010 une fois qu’il avait plus de pouvoir d’achat. Pour Thibaut Claudel, c’était « quelque chose qu’on faisait en cachette au collège ». Pour Jean-François, un autre fan, c’était un prétexte à « la sortie du samedi entre copains du lycée ». Il observe également : « Il y a eu une évolution depuis dix ans pour que le hobby parle au plus grand nombre. »
Trajectoire de style « Fallout »
Ainsi, depuis un changement de président en 2015, Games Workshop travaille de plus en plus à faire de « Warhammer » une licence transmédia. Des discussions sont même en cours avec Amazon pour une série, produite par Henry Cavill, lui-même fan et endosseur « geek ». « Les propriétaires de la licence font tout pour que cela réussisse », analyse Gabriel, un autre fan de « Warhammer ». Aujourd’hui, les adolescents ont du pouvoir d’achat, mais ils ont aussi une voix sur les réseaux sociaux ou les services de vidéo en ligne. Toute grande nouvelle à ce sujet peut être discutée par les relais d’opinion et pénétrer dans des strates que la licence n’aurait pas atteinte dans les années 2000.
La trajectoire rappelle un peu « Fallout ». La licence a débuté avec des jeux vidéo de rôle pour les amateurs du genre, pour s’ouvrir à un public plus large, et même sortir une série en 2024. « ‘Warhammer’, c’est ‘Fallout’ puissance 40 000, plaisante Thibaut Claudel. Il existe un grand potentiel pour un univers élargi, et le public a un appétit pour les univers encyclopédiques de ce type. »
« C’est un véritable champ de mines »
Cependant, l’esthétique de « Warhammer », à mi-chemin entre dark fantasy et pulp science-fiction, avec une touche d’impérialisme et une satire de xénophobie conservatrice, ne convient pas à tout le monde. « C’est un peu une folie Soldats de l’espace », se défend Julien Kirszenbaum. « Les vendeurs de figurines de Games Workshop rendent leurs fascistes de l’espace extrêmement cool à acheter », résume cyniquement Gabriel.
Le public sera-t-il capable de saisir la parodie et d’embrasser une histoire sombre où, comme l’admettent les créateurs, « il n’y a pas de gentils » ? « Cela demande un bagout et une finesse qu’on ne retrouve pas dans toutes les adaptations », juge Thibaut Claudel. D’un point de vue extérieur, Warhammer semble ultra-machiste, raciste et impérialiste. C’est un véritable champ de mines, surtout en 2024. Je ne vois pas des millions de personnes s’initier à cet univers cynique. » « Cet univers doit-il se déguiser ou rester ce qu’il est ? Cela montre les travers de l’humanité, reconnaît Julien Kirszenbaum. Mais il met également en avant les notions de bravoure et de chevalerie. »
Dernier défi : cet univers multimédia émergent saura-t-il aussi convertir au wargaming ? «Je ne mise pas sur une grosse conversion, ce sont des loisirs assez différents», juge Jean-François. « ‘Warhammer 40,000’ n’est pas un bon point d’entrée, car il incite à jouer beaucoup de figurines », ajoute Gabriel. Comptez au moins 500 euros pour une armée très complète, qui pourra certainement tenir deux ou trois ans de jeux. Malgré tous les spin-offs et formats plus accessibles, Games Workshop se multiplie. Et surtout, ce n’est plus seulement un hobby de geek. «Le côté matériel et créatif du loisir est plutôt bien vu», estime Thibaut Claudel. C’est le meilleur moment pour commencer, donc vous pouvez dire que vous le saviez avant, c’était cool.