« Le handicap est agréable aux Jeux paralympiques, mais dans la vie de tous les jours, c’est une souffrance »
jeInspirez, expirez, tournez. Philippe saisit à deux mains les roues latérales de son fauteuil roulant et s’élance sur la pente du parking du mail André-Malraux, à La Rochelle. « Pour moi, c’est le col du Tourmalet ! » ironise-t-il, nous incitant à nous accroupir pour jauger le dénivelé du parking : une belle montée, décidément. « …
jeInspirez, expirez, tournez. Philippe saisit à deux mains les roues latérales de son fauteuil et s’élance dans la pente du parking du mail André-Malraux, à La Rochelle. « Pour moi, c’est le col du Tourmalet ! » ironise-t-il, nous incitant à nous accroupir pour jauger le dénivelé de la place de parking : une belle montée en effet. « C’est une pente de 4 à 5 % », estime l’entrepreneur. Rayons jaunes, pneus noirs, les roues de son fauteuil sont aux couleurs du Stade Rochelais. À 57 ans, ce fan de rugby a développé un mental d’acier. « Je fais dix fois plus d’efforts qu’un valide avec mes bras », assure-t-il.
Philippe souffre de sclérose en plaques, une maladie auto-immune qui touche le système nerveux central. Diagnostiquée en 2006, il se déplace en fauteuil roulant depuis 2017. « Tout est une contrainte, imaginez perdre 50 % de vos capacités », exhorte le quinquagénaire. Il énumère : « Si je voyage en train, je dois appeler la SNCF, pour qu’ils envoient quelqu’un installer le quai qui me permettra de monter ; et encore, il faut que la personne vienne. Pour me rendre au centre-ville, je peux prendre un bus adapté, mais il faut prendre rendez-vous trois jours à l’avance… Je demande juste à avoir la même fluidité que les personnes valides. »
Je demande juste d’avoir la même fluidité que les valides.
Il n’est pas le seul à s’agacer de l’adaptation du centre-ville aux personnes à mobilité réduite. Camille, 30 ans, souffre de douleurs chroniques, un handicap invisible qui l’empêche de fournir des efforts physiques sur la durée. Elle a exclu le centre-ville de ses recherches d’emploi. « Je ne peux pas prendre le temps de faire des heures de route dans l’espoir de trouver une place », écrit-elle par mail. « La Ville de La Rochelle propose 8 % de places PMR, soit plus que le seuil national fixé à 2 % », assure Olivier Prentout, adjoint en charge des mobilités à la mairie de La Rochelle.
Grands espaces PMR
Philippe a récemment acheté un grand camping-car avec une plateforme pour les personnes en fauteuil roulant. Un investissement de 40 000 euros pour rester indépendant. Le problème, c’est que le véhicule nécessiterait deux places de parking pour handicapés. « Les gens n’ont déjà pas assez de place pour ouvrir leurs portes, alors imaginez-moi avec mon van et ma plateforme », soupire l’entrepreneur. Olivier Prentout reconnaît que « ce serait bien que d’ici 3 ans, 1/4 des places pour handicapés de l’agglomération rochelaise soient des places adaptées aux personnes de grande taille ».
Pour l’heure, Philippe doit se garer à 100 m, en haut du parking. « On ne peut pas privatiser des places sur un espace public. Mais dans ce cas, la Ville pourrait le louer (au syndic de copropriété) », rappelle Olivier Prentout. Lorsque nous l’avons rencontré, il n’avait pas reçu de demande du gestionnaire immobilier de Philippe.
Alors que les Jeux paralympiques débutent mercredi 28 août, Philippe estime que le quotidien des personnes handicapées n’est pas encore assez médiatisé. « Le handicap, c’est très joli aux Jeux paralympiques, mais dans la vie de tous les jours, c’est un combat », confie-t-il. Selon lui, le handicap a un coût financier important. « Un fauteuil roulant coûte pas moins de 8 000 euros. Tout l’argent que je gagnais, je l’investis dans du matériel », explique le quinquagénaire. « Le handicap n’est pas une tare, il faut juste qu’on soit davantage inclus. »