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le grand oral des candidats devant les patrons

C’est une rencontre attendue, redoutée aussi. Ce jeudi 20 juin, les représentants des différents partis engagés dans la campagne législative feront une grande présentation orale devant les organisations patronales, salle Gaveau à Paris. « Nous voulons faire comprendre aux candidats qu’en matière économique rien ne peut se faire sans les entreprises et que compte tenu de l’état des finances de la France, toute aventure budgétaire non financée entraînerait le pays vers un avenir qui risque de désillusionner »explique François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

Les enjeux de ce rendez-vous sont particulièrement importants pour le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front populaire (NFP), dont les programmes économiques sont jugés peu crédibles par le patronat et les milieux économiques. Ces derniers jours, les deux projets ont été la cible de critiques. Le CPME a écrasé le programme du Nouveau Front Populaire, dénonçant le « des conséquences catastrophiques » avec un « explosion de la dette » leader français « à court terme (…) vers un scénario identique à celui vécu par la Grèce ».

Le Mouvement des entreprises françaises (Medef), quant à lui, soutient les programmes du NFP et de l’extrême droite, tous deux « dangereux pour l’économie » selon son président Patrick Martin. Discours similaire à l’Afep : l’Association française des entreprises privées, qui regroupe les 117 plus grandes entreprises françaises, a alerté le 17 juin sur « le risque majeur (…) du déclin durable de l’économie française et européenne.

Le RN adopte une posture de sérieux budgétaire

Dans ce contexte, l’exercice oral devant les patrons s’annonce délicat pour Jordan Bardella. D’autant que le président du RN n’a pas toujours brillé par le passé par sa maîtrise des dossiers économiques. Pour le parti d’extrême droite, cette rencontre avec le capitalisme français sera l’occasion de prononcer un discours rassurant. « Nous allons présenter notre programme tel qu’il est réellement, pour aller au-delà des caricatures et des fantasmes », » affirme Renaud Labaye, ancien secrétaire général du groupe RN à l’Assemblée nationale.

Depuis dix jours, le parti multiplie les rencontres avec les chefs d’entreprise. Et il s’emploie à afficher un visage de sérieux budgétaire, reléguant au second plan les dépenses qu’impliquerait son programme – 101,8 milliards d’euros selon les chiffres réalisés par l’Institut Montaigne en 2022.

Au lendemain des élections européennes, est née l’idée d’un audit qui serait lancé dès les premières semaines d’exercice du pouvoir, en cas de victoire, pour dresser un état des lieux des comptes publics, et définir ainsi un calendrier de réformes. Si le parti entend abroger à l’automne la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, les modalités de mise en œuvre de son propre projet (réduire l’âge de la retraite à 60 ans pour les personnes entrées dans la vie active avant 20 ans) dépendraient des résultats de l’audit. , précise Renaud Labaye.

Le RN a également revu l’une de ses mesures phares : la baisse de la TVA à 5,5% sur les produits essentiels qui n’entrera en vigueur qu’en « une seconde fois », a déclaré Jordan Bardella dans Le Parisien18 juin. La baisse de la TVA sur l’énergie et les carburants serait mise en œuvre cet été dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificatif.

Au Nouveau Front populaire, les dissensions sur le chiffrage

Du côté du Nouveau Front populaire, l’heure est à la défense d’un programme largement inspiré de celui du Nupes, lui-même influencé par celui de Jean-Luc Mélenchon en 2022. La riposte a débuté en début de semaine avec plusieurs prises de position de économistes. Même si la plupart sont connus pour leur engagement à gauche, leur voix alimente toujours le discours de légitimité.

La réunion de jeudi apparaît comme l’occasion pour la gauche de défendre le sérieux de son programme, malgré des désaccords fondamentaux avec certains patrons.. « La question n’est pas de convaincre ou pas, limoge Aurélie Trouvé, députée insoumise sortante. Nous voulons démontrer que notre programme est solide, qu’il vise à garantir l’emploi de tous et à préserver un réseau dense de TPE-PME. »

La veille de cette réunion, c’est la spécialiste des comptes publics du Parti socialiste, Valérie Rabault, qui a tenté de désamorcer les procès pour irresponsabilité budgétaire. Dans Les échos, l’ancien rapporteur général du budget a rappelé que l’objectif de réduction du déficit n’était pas abandonné mais reporté, avec 3,6% du PIB en 2029 comme horizon. Elle a également détaillé ses calculs sur le coût du programme NFP. « Je pense qu’il est important de prouver qu’il existe une voie économique raisonnable »elle explique à La Croix.

Loin des 287 milliards d’euros estimés par les macronistes qui écrasent le projet NFP, le socialiste évalue la dépense à 106 milliards d’euros. Côté recettes, Valérie Rabault prône notamment un retour de l’impôt sur la fortune mais s’oppose à « toute augmentation d’impôt sur le travail ». Certains points sont néanmoins exclus du décompte, comme la question des retraites.

Le chiffrage détaillé du socialiste, à peine présenté, a été remis en cause… par La France insoumise. « Cela ne dure que deux ans, la réalisation définitive sera forcément plus importante », prévient Aurélie Trouvé. Le PFN devrait présenter des chiffres détaillés et communs en fin de semaine.

Pour la majorité, faire oublier le déficit de 2023

Entre les deux blocs, la majorité jouera son rôle. Ses représentants, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, et Édouard Philippe, ancien Premier ministre, ne devraient pas être trop poussés devant les organisations patronales. Mais le souvenir des mauvais chiffres du déficit de 2023 demeure. Ils se précipitent dans le camp présidentiel entre promesses électorales – pour ne pas échouer face à leurs adversaires – et garanties de sérieux financier. Ligne de crête fragile. Gabriel Attal, premier ministre en campagne, a annoncé quelques mesures en faveur du pouvoir d’achat, comme la suppression des frais de notaire inférieurs à 250 000 euros. Une mesure estimée à deux milliards d’euros par an. Cher mais financé, « notamment grâce à la taxe sur les rachats d’actions des entreprises »a certifié le ministre de l’Économie, le 18 juin, dans les colonnes du journal Le monde.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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