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Nouvelles

derrière la logique politique, un risque économique

En septembre 2023, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont signé la Charte créant l’Alliance des États du Sahel (AES). Ces trois pays ont annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le 28 janvier 2024.

Le général Tiani, chef de la junte nigérienne, a annoncé le 11 février 2024 le lancement d’une réflexion de l’AES sur la sortie de la Zone franc et la création d’une monnaie commune, pour retrouver leur « souveraineté totale » et cesser d’être la « vache à lait ».  » de France. Si les raisons de la sortie de la Zone Franc sont avant tout politiques, cette sortie aura des conséquences économiques et financières importantes.

Ce n’est pas la première fois qu’un pays sort de la zone franc CFA (Guinée en 1960, Mauritanie et Madagascar en 1973 ou encore Mali entre 1962 et 1984). Toutefois, la spécificité de cette annonce réside dans la volonté de créer une monnaie commune à trois États, relativement homogène en termes de PIB par habitant ou de structures économiques. Ils ont en commun une croissance démographique très rapide, un certain isolement, l’importance de l’agriculture céréalière et de l’élevage, mais aussi la production minière, notamment aurifère. A cela s’ajoutent le coton pour le Burkina et le Mali, et l’uranium et le pétrole pour le Niger. Enfin, pour ces trois pays, les revenus issus de la migration vers les pays côtiers jouent un rôle très important. L’AES est donc plus proche de constituer une zone monétaire optimale que la CEDEAO, qui est beaucoup plus hétérogène.

Financer les États

Mais ces structures économiques assez proches ne doivent pas occulter des performances macroéconomiques contrastées, qui nécessiteront un effort de convergence. Les déficits budgétaires en 2022 sont de 7,2% du PIB pour le Burkina Faso, 4,8% pour le Mali et 6,8% pour le Niger, tandis que les déficits du compte courant atteignent respectivement 6,2%. ,9% et 14,4%. Pour le Niger, des perspectives de reprise existent grâce aux exportations pétrolières qui atteindront 90 000 barils par jour en 2024.

Compte tenu des difficultés de financement des Etats et de l’importance des besoins existants (jeune population, infrastructures déficientes, nécessité de lutter contre l’insécurité, de rémunérer le Corps Africain et de satisfaire les élites locales, anciennes ou nouvelles, etc.), les Etats de l’AES être poussé à exercer une forte pression sur la nouvelle banque centrale pour qu’elle finance ses dépenses par la création monétaire, avec pour conséquence une inflation élevée, ce qui se traduirait par une pression en faveur d’une dépréciation plus ou moins rapide de la nouvelle monnaie.

Comme lors de la dévaluation de 1994, la hausse des prix (principalement des produits importés) pourrait contribuer à assainir les finances publiques, grâce à la croissance des recettes générées par l’augmentation de la valeur de l’assiette fiscale. Mais la non-indexation des dépenses s’est faite au prix d’une réduction du pouvoir d’achat, notamment pour les fonctionnaires et les classes moyennes.

Gérer l’instabilité

A fin décembre 2023, les réserves constituées par la BCEAO pour le Burkina et le Mali sont négatives, et légèrement positives pour le Niger. Les réserves de ces pays restent positives, mais elles sont détenues par des banques commerciales soutenues par leurs maisons mères, qui seront sans doute rebutées par le risque de change accru. Il existe donc un risque de pénurie de devises en cas de sortie du franc CFA. Ce danger pourrait être atténué par de nouvelles exportations de pétrole du Niger (200 000 barils/jour attendus) et éventuellement par un contrôle plus strict des exportations d’or du Mali et du Burkina.

La pénurie de devises étrangères est ainsi susceptible d’entraîner une dépréciation du prix de la future monnaie commune, à l’image de ce qui a été observé dans des économies comparables en Afrique de l’Ouest. Ainsi, sur 12 mois au troisième trimestre 2023, le franc CFA s’est apprécié de 75,8% par rapport aux autres monnaies de la région (+96,6% par rapport au Naira nigérian, +48,8% par rapport au Cedi ghanéen, +6,7% par rapport au franc guinéen). Cependant, comparés à des pays comme le Ghana (ou le Bénin) où l’importance du service de la dette, notamment sous forme d’euro-obligations, pèse lourdement sur la balance des paiements, les pays de l’AES bénéficient d’une dette plus modérée et plus concessionnelle.

Mécaniquement, les pays sortants seraient plus dépendants des financements publics internationaux, le recours au marché des euro-obligations étant a priori impensable pour des pays aussi risqués. Cependant, la détérioration des relations avec les États-Unis et la France, avec lesquels la coopération militaire est rompue, n’augure rien de bon pour une attitude positive des institutions de Bretton Woods. Les financements de la Banque ouest-africaine de développement devraient disparaître.

Les systèmes bancaires sous pression

Par ailleurs, la Chine ne semble pas encline à accroître ses financements en Afrique. Une annulation « politique » de la dette par la Chine aurait un faible impact : en 2022, elle ne détient plus que 3 % de la dette publique du Burkina, 4 % de celle du Niger et 9 % de celle du Mali. Resterait alors l’augmentation de la pression fiscale. Les États AES ne bénéficient pas d’un consensus social permettant des réformes profondes. La pression sur le secteur aurifère s’est déjà accrue ; il rencontre des limites.

La principale contrainte de l’UMOA dont veulent sortir le Burkina Faso, le Mali et le Niger est de freiner le crédit bancaire à l’Etat et à l’économie pour limiter la croissance de la masse monétaire et l’inflation. Il s’agit aussi de maintenir des réserves de change compatibles avec le maintien de la parité avec l’euro. Mais ces règles n’ont entravé ni l’expansion d’un marché de titres publics, ni les facilités de refinancement accordées aux banques par la BCEAO. La perte d’accès à ce marché serait d’autant plus dommageable pour les sortants qu’elle est relativement importante : l’encours des titres publics par adjudication représente plus de 20% de la dette publique totale des pays de l’AES, à des taux d’intérêt plutôt avantageux. .

Un resserrement de la liquidité bancaire pourrait encore se produire, dans la mesure où le refinancement par la nouvelle Banque centrale des pays de l’AES sera limité par ses impératifs de politique monétaire. Les banques des trois pays devront alors se refinancer sur un marché interbancaire restreint. Cela peut peser sur l’octroi de crédit aux entreprises, même si le premier facteur limitant est – comme dans l’UMOA – le risque d’impayés.

Le commerce extérieur légèrement touché

Dans l’UEMOA, les échanges intra-zone représentent moins de 18% du commerce total en 2023 (la part informelle très importante étant peu ou pas comptabilisée). Les principaux fournisseurs sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal (56% de l’offre intracommunautaire) et les principaux acheteurs le Burkina Faso et le Mali (45,3% du total). Les échanges concernent principalement le pétrole, les préparations alimentaires, les céréales, les animaux vivants, les huiles alimentaires et les matériaux de construction. Mettre des barrières pourrait réduire ces échanges, voire les rendre plus coûteux. La Côte d’Ivoire serait modestement impactée, ses exportations vers les pays de l’AES représentant moins de 15% de ses exportations totales en 2022. Le Sénégal serait plus touché, le Mali étant son principal client avec près de 20% du total de ses exportations.

Les exportations du Burkina Faso, du Mali et du Niger vers les autres pays de l’UEMOA représentent respectivement 12,3%, 4,4% et 25,8% des exportations totales de ces pays en 2022. Les marchandises exportées par les pays de l’AES vers les pays de l’UEMOA, actuellement exonérées de taxes, seraient normalement soumises à le tarif extérieur commun. Les pays côtiers pourraient également adopter des mesures de rétorsion telles que l’ouverture aux importations de viande à bas prix en provenance de l’Union européenne ou d’Amérique latine.

Cependant, une dépréciation de la monnaie AES rendrait ces exportations plus compétitives, sans que cela puisse relancer durablement les exportations ni favoriser la diversification des économies. Dans tous les cas, les montants en jeu sont limités (même si une grande partie des exportations sont informelles et mal enregistrées). Mais dans la mesure où la production céréalière et l’élevage seraient affectés, une certaine aggravation de la pauvreté rurale est probable.

Les pays de l’AES pourraient tenter de diversifier leurs routes d’approvisionnement. Le trafic transitant par les ports vers l’AES représente 52% du trafic pour Cotonou, 18% pour Dakar, 13% pour Lomé et 8% pour Abidjan. Mais l’activation de routes passant par l’Algérie, la Libye, la Mauritanie, le Maroc ou la Guinée n’est pas une alternative attractive dans les conditions sécuritaires actuelles.

123 milliards de transferts de migrants menacés

Une autre conséquence de cette éventuelle sortie concerne les transferts effectués par les migrants. Le traité de l’UEMOA garantit la liberté de circulation, d’installation et l’accès à l’emploi des personnes. Le retrait des pays de l’AES priverait leurs nationaux de cet avantage. Or, les transferts de migrants constituent une ressource essentielle pour les trois pays : ils représentaient, en 2022, 5% du PIB pour le Mali, plus de 3% pour le Burkina Faso et le Niger. Les migrants des pays de l’AES ont envoyé en 2021 123 milliards de francs CFA depuis la Côte d’Ivoire, 36 du Sénégal, 15 du Bénin et 14,6 milliards du Togo.

Ces transferts (189 milliards de francs CFA, contre 140 dans l’autre sens) seraient réduits dans des proportions difficilement prévisibles en fonction de la réaction des États d’accueil, surtout si ces derniers prenaient des mesures restrictives en matière de migrations ou de transferts.

De la souveraineté monétaire retrouvée à la CFisation ?

La sortie du franc CFA dans ses conditions actuelles s’inscrit dans une dynamique historique et politique fondamentale qui la rend probable à une date plus ou moins précoce selon les pays. Cela ne doit pas se faire dans des conditions défavorables à la majorité. À cet égard, la création d’une zone monétaire limitée à trois pays très pauvres apparaît globalement très risquée.

Ironiquement, cette création susceptible de provoquer une dépréciation incontrôlée de la nouvelle monnaie pourrait renforcer à court terme l’attractivité du franc CFA, à l’image de ce qu’on voit au Nigeria et au Ghana (et au Mali entre 1962 et 1984). Dans les pays où la monnaie est difficile à convertir, la stabilité du franc CFA est appréciée. Une « CFAisation » rampante (comme on parle de « dollarisation ») des pays de l’AES est donc possible. La monnaie ne peut pas être décrétée, en particulier dans les économies où dominent le commerce informel et la corruption. Même les Kalachnikovs ne font pas le poids !

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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