le grand « flou » sur le coût du nucléaire
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le grand « flou » sur le coût du nucléaire

le grand « flou » sur le coût du nucléaire

Les prix de l’électricité explosent : ils ont bondi de 43 % % en France dans deux ans —, et les coûts futurs sont incertains. Comment garantir qu’ils soient raisonnables alors que le prochain projet de loi nucléaire laisse présager des coûts pharaoniques ? ? L’examen attentif du projet de loi de finances (PLF) actuellement en discussion à l’Assemblée nationale donne une idée de la réponse : personne ne le sait vraiment.

Toutefois, l’article 4 du PLF prévoit la mise en place d’un mécanisme qui permettrait de partager «  des revenus historiques du nucléaire auprès des consommateurs » et, de fait, freiner l’explosion des factures. Le sujet a retenu l’attention du député La France insoumise (LFI) Maxime Laisney, qui a livré un rapport le 29 octobre «  pour avis » à la commission des questions économiques.

Un nouvel appareil nécessaire

Un petit flash-back. 2007 : le marché de l’électricité s’ouvre à la concurrence. De nouveaux fournisseurs arrivent pour proposer leurs offres aux ménages. Problème, la plupart ne produisent pas d’électricité ! En 2010, la loi impose EDF de vendre une partie de sa production nucléaire à de nouveaux fournisseurs, au tarif réduit de 42 euros par mégawattheure (MWh), dans le cadre d’un système appelé «  Arenh » Pour «  Accès réglementé à l’électricité nucléaire historique ». Ce mécanisme permet aux consommateurs d’obtenir des offres compétitives, mais pénalise EDF qui doit vendre une grande partie de son électricité à bas prix.

Au plus fort de la crise en 2022 (une vingtaine de réacteurs ont été arrêtés), EDF devait livrer au total 100 à 120 TWh au tarif de 46,5 euros le MWh. La compagnie électrique assure que cela lui a coûté plus de 9 milliards d’euros. Par ailleurs, Arenh n’a pas encouragé de nouveaux fournisseurs à acquérir des capacités de production d’électricité. Compte tenu de ses résultats médiocres, le dispositif prendra fin le 31 décembre 2025.

«  Tout le monde est d’accord pour un nouvel appareildit Maxime Laisney, mais il faut concilier des objectifs très complexes : un prix accessible aux ménages, aux collectivités et aux entreprises ; bénéficier de la rente d’un portefeuille déprécié ; protéger les consommateurs en cas de crise… » L’idée principale retenue consiste à taxer une partie des revenus desEDF au bénéfice des consommateurs.

«  C’est de la folie »

Du 1euh janvier 2026, EDF commercialisera donc la totalité de sa production sur les marchés de gros de l’électricité selon les prix en vigueur. Il appartient alors à l’État de capter une partie de ces recettes pour réduire la facture des consommateurs français. Mais comment ? Grâce à un nouvel appareil, appelé le «  après Arenh »qui doit être fixé à l’article 4 du PLF.

Pour le député, ce n’est ni le texte approprié ni le moment de valider un système aussi engageant : «  C’est de la folie ! Pour ce type de sujets, il faudrait au moins un projet de loi dédié qui permettrait d’examiner en détail tous les coûts du nucléaire actuel et futur. » C’est pourquoi le rapport du député s’efforce d’établir un audit nucléaire, malgré les informations fragmentaires qu’il parvient à glaner auprès desEDF.

«  C’est flou ! »

Au fil d’une cinquantaine d’auditions, le député reste insatisfait. Sur les coûts de l’énergie nucléaire existante, EDF indique une enveloppe globale de 4 à 5 milliards d’euros par an, pour la période 2014-2028. «  Après ? C’est flou ! » dit Maxime Laisney.

Compliqué, car au vu des enjeux climatiques, il a été décidé qu’il fallait prolonger le parc nucléaire existant à 50 ou 60 ans d’exploitation. Conçus initialement pour une durée de 40 ans, les réacteurs français doivent donc faire l’objet d’un «  grand carénage »approuvé en 2015. Ce programme nécessitera 55 milliards d’euros sur la période 2014-2025 pour les vingt réacteurs de 1 300 MW et le trente-deux de 900 MW. Par ailleurs, tous les dix ans, les réacteurs font l’objet d’un contrôle technique, le contrôle décennal (VD), à l’issue de laquelle il est décidé de poursuivre l’exploitation pour les dix années suivantes.

«  Pour la majeure partie du parc, nous entrons dans la quatrième visite décennale, qui coûte quatre fois plus cher que la troisième.prévient le député. Difficile de dire combien coûteront les prochains. » Son rapport indique queEDF a prévu des investissements d’environ 33 milliards d’euros sur la période 2022-2028 pour préparer les cinquièmes inspections décennales des 900 réacteurs MW.

EDF doit aussi trouver près de 70 milliards d’euros pour financer son programme sexennal EPR2. Maintenant, il le sait et l’admet, «  le marché privé n’est pas en mesure de répondre à une demande de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissement sur une longue période ». La contribution de l’État est donc inévitable.

Trois solutions se dessinent : la création d’une société de projet, une subvention de l’État, ou encore un système d’avances remboursables. «  On se dirige peut-être vers quelque chose d’hybride : en complément d’un prêt ou d’une avance remboursable, il serait envisagé de mettre en place un contrat sur différence (CFD) pour exploitation, comme l’a récemment accepté la Commission européenne pour le projet tchèque Dukovany. »

Quoi qu’il en soit, cette aide ne couvrirait que la moitié du budget prévu, soit 34 ou 35 milliards d’euros selon les derniers chiffres évoqués. La Caisse des Dépôts et Consignations a indiqué qu’elle serait prête à accorder ce financement. «  La gestion des intérêts, celle du risque industriel représenté par le programme EPR2la possibilité que l’État lui-même emprunte pour prêter à EDFpèsera lourdement sur le budget de l’État, sur sa dette éventuellement, et in fine sur les contribuables français »précise le rapport. Mais sans nous dire à quel niveau. Une quasi-certitude, en tout cas : le nucléaire coûtera cher.

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