Un texte qui risque d’ouvrir grand la porte à des polémiques. Dans un entretien aux Echos ce jeudi, le ministre chargé du Logement, Guillaume Kasbarian a mis le feu aux poudres en promettant à travers un futur projet de loi de mettre fin au logement social « à vie » pour tous.
Le gouvernement entend encourager la sortie des logements sociaux des locataires ayant « largement dépassé les plafonds de revenus », dans le but de dynamiser la mobilité locative, a-t-il précisé. L’exécutif veut exiger des bailleurs sociaux une évaluation régulière et obligatoire de « la situation personnelle, financière et patrimoniale » des locataires de logements sociaux.
Ces dispositions seront intégrées au projet de loi destiné à accroître l’offre de logements abordables, qui sera présenté en Conseil des ministres début mai – a priori le 7 mai – avant d’être examiné au Sénat mi-juin. Mais ils suscitent déjà de nombreux commentaires négatifs.
Cette « notion de logement pour la vie (…) n’a aucune réalité juridique », a taclé dans un communiqué l’Union sociale pour l’habitat (USH), l’organisation représentative du secteur HLM, appelant à « ne pas céder à la démagogie ». La proposition phare du gouvernement pour favoriser la mobilité des locataires existe déjà dans les textes, et plusieurs personnalités de la gauche et du monde du logement n’ont pas tardé à la critiquer.
« Enquête sur les ressources »
« J’ai découvert avec consternation que le ministère du Logement lui-même propage l’idée qu’il y aurait des « logements sociaux pour la vie ». Je l’invite à lire les arts. L.441-9 et L.442-3-3 du code de la construction et de l’habitation. La première impose une enquête annuelle sur les revenus», a écrit sur X, Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du Logement sous le quinquennat Hollande et présidente de l’USH.
Actuellement, les locataires des HLM doivent répondre annuellement à une « enquête ressources » pour attester de leur situation économique. Au-delà d’un certain plafond de ressources, leur bailleur peut dans certains cas refuser de renouveler son bail. Des dispositions entrées en vigueur avec la loi Molle (mobilisation pour le logement et lutte contre l’exclusion) de 2009.
« Pitoyable démagogie du gouvernement qui veut expulser les « locataires trop riches » des logements sociaux. C’est déjà possible depuis la loi Molle. Seules les personnes âgées et les personnes handicapées sont protégées. Propose-t-il de les expulser ? », a écrit sur X, Ian Brossat, sénateur communiste et ancien adjoint à la maire de Paris chargé du logement.
« Faciliter l’expulsion des classes moyennes des HLM accusées d’être trop riches, c’est organiser la ghettoïsation de nos HLM », a-t-il également déclaré dans un communiqué. Cela reviendrait à ses yeux à « passer d’un modèle généraliste à un modèle résiduel dans lequel le logement social est réservé aux seuls plus précaires et exclut totalement les salariés ». Cette proposition, a-t-il ajouté, « est d’une hypocrisie indicible puisqu’elle suggère que les locataires des HLM ne pourraient aujourd’hui pas être expulsés ».
« N’importe quoi ! Depuis la loi Molle notamment, le bail viager en HLM n’existe plus en cas de sous-occupation, de dépassement des plafonds de ressources, et bien sûr de démolition, d’impayés ou de troubles de voisinage… », a également critiqué Manuel Domergue, études de directeur de la Fondation Abbé Pierre.
Augmenter le montant du loyer
Mais selon Guillaume Kasbarian, ces contrôles ne sont pas efficaces. Plus de 8 % des locataires HLM ne seraient plus éligibles au logement social s’ils en faisaient la demande aujourd’hui. Un argument repris par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, selon lequel certains locataires peuvent parfois même posséder une « résidence secondaire » tout en étant bénéficiaire d’un logement social.
Ce dernier évoque, comme Guillaume Kasbarian, un deuxième outil à disposition des propriétaires : la possibilité d’augmenter le montant du loyer en fonction des revenus du locataire. « On ne peut pas avoir quelqu’un au même niveau que le RSA et quelqu’un qui a un patrimoine conséquent et qui paie le même loyer à la fin du mois », a-t-il déclaré sur Public Sénat.
Un système de loyer supplémentaire déjà possible, et qui peut être réclamé au locataire lorsque ses revenus dépassent d’au moins 20% le revenu maximum à respecter pour l’attribution d’un logement social. « Oui, mais il faut le dynamiser », a répondu le ministre du Logement aux « Echos ». L’année dernière, les députés ont proposé d’abaisser ce seuil de 20 %.