Selon le projet de budget de la Sécurité sociale, le gouvernement Barnier souhaite réduire les exonérations de charges sur les salaires les plus bas. Une première depuis plus de 30 ans en France.
« Un tabou est brisé. » Les économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer ont dévoilé la semaine dernière leur rapport sur les baisses de cotisations patronales afin de fluidifier l’évolution des rémunérations. Leur idée est de permettre des exonérations plus linéaires, en douceur, afin d’éviter la création d’hypothétiques pièges à bas salaires.
A peine dévoilées, leurs recommandations se retrouvent déjà dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale 2025 (PLFSS 2025). Au moins en partie puisqu’il y a surtout ceux qui permettent d’économiser de l’argent.
Augmentation du coût du travail sur les bas salaires
Alors que Bercy vise un effort budgétaire de 60 milliards d’euros en 2025, la facture de baisse de charges qui devrait représenter 78,4 milliards d’euros cette année est une manne versée aux employeurs que l’exécutif entend réduire.
Afin de lisser la courbe d’exonération, les économistes proposent dans leur scénario central d’augmenter les cotisations patronales entre 1 et 1,2 SMIC, de les réduire entre 1,2 et 1,9 SMIC et de les augmenter entre 1,9 et 3,5 SMIC. Le gouvernement souhaite dans un premier temps ne retenir que les allègements d’exonération, augmentant donc le coût du travail sur les bas salaires, selon le projet de budget que nous avons consulté, confirmant une information des Echos.
Le PLFSS prévoit ainsi une réduction de deux points des exonérations au niveau du Smic (40 % actuellement) puis une nouvelle réduction de deux points en 2026. Parallèlement, les mesures d’allègement dites « bandeaux » seront réduites à partir de 2025. Le point de sortie de la tranche santé (réduction des cotisations d’assurance maladie) serait ramené de 2,5 à 2,2 SMIC. Celle de la tranche familiale (réduction des cotisations destinées à la branche « famille » de la sécurité sociale) serait réduite de 3,5 à 3,2 SMIC.
Libérer 5,1 milliards d’euros
Concrètement, le gouvernement propose d’augmenter, à partir du 1er janvier, les charges (donc le coût du travail pour les employeurs) aussi bien pour les salariés payés au niveau du Smic que pour ceux qui gagnent 2,2 Smic et plus, et ceux qui sont à 3,2 SMIC et supérieur.
L’objectif à court terme est de générer une économie de 5,1 milliards d’euros en augmentant les recettes des différentes branches de la Sécurité sociale. La réduction des exonérations de charges devrait se poursuivre jusqu’en 2027 afin de faire rentrer 15 milliards d’euros dans les caisses de l’Etat sur trois ans.
Le scénario des économistes Bozio et Wasmer prévoyait certes d’adoucir le système d’exonérations en augmentant notamment les charges pour les salariés au niveau du SMIC, mais il compensait ce surcoût pour les entreprises en les réduisant entre certains intervalles.
Ce que le gouvernement compte faire mais dans un second temps. Le montant des exonérations augmentera pour les salaires compris entre 1,3 et 1,8 SMIC mais pas avant 2026.
« La mesure intègre le souci de maîtriser les coûts des régimes d’exonération, dont le coût a augmenté de manière très significative ces dernières années dans un contexte où les finances sociales se sont dans le même temps sensiblement détériorées », peut-on lire dans le projet de budget de la Sécurité sociale.
« Tabou brisé »
Reste la question centrale des conséquences sur l’emploi d’une telle mesure d’augmentation du coût du travail. Pour lutter contre le chômage de masse parmi les moins qualifiés, les gouvernements se sont efforcés de réduire les cotisations sociales sur les bas salaires. Des allègements Balladur aux exonérations Fillon, en passant par celles de Martin Aubry ou du CICE de François Hollande transformés en baisses de charges durables par Emmanuel Macron en 2017… Jamais, en trois décennies, un gouvernement n’a augmenté le coût du travail sur les bas salaires.
D’où le « tabou brisé » évoqué par Antoine Bozio et Etienne Wasmer. Même si le taux de chômage en France reste supérieur à celui de la zone euro (7,3% contre 5,9%) et encore loin du plein emploi visé par le chef de l’Etat (5% ou moins), les deux économistes considèrent que la création des emplois faiblement rémunérés ne doit plus être une priorité mais plutôt « viser des emplois de meilleure qualité ».
Alors que le montant du Smic aura augmenté au 1er novembre de 16 % depuis 2021, ces hausses de cotisations seront-elles de nature à améliorer la qualité des emplois sans pénaliser les moins qualifiés, qui sont aussi les plus éloignés de l’emploi ? C’est ce que veut le gouvernement.