La question des chaudières à gaz, appelées à se raréfier afin de décarboner la consommation énergétique des bâtiments, est un sujet très sensible et illustre toute la complexité de la transition énergétique. Après avoir abandonné l’idée d’une interdiction de la vente de chaudières à gaz neuves, qui avait provoqué un tollé quasi général, le gouvernement revient à l’attaque par une autre porte. Celle de la fiscalité.
20% TVA
Dans son projet de loi de finances 2025, l’exécutif compte augmenter la TVA sur l’installation de chaudières à gaz à 20 % lors d’un renouvellement ou dans le cadre de travaux de rénovation, contre 5,5 % actuellement pour les modèles à condensation et 10 % pour les chaudières les moins performantes. Une telle mesure augmenterait les recettes de l’Etat de 200 millions d’euros, précise le document. En revanche, une augmentation de la TVA pour l’entretien des chaudières existantes est exclue.
Le gouvernement justifie cette augmentation de taxe en mettant la France en conformité avec la directive européenne relative à la performance énergétique des bâtiments. Lequel, dans son article 17, exclut la fourniture et l’installation de chaudières à combustibles fossiles des taux réduits de 5,5% ou 10% de TVA.
« Une interdiction déguisée »
Ce projet d’augmentation des impôts n’est pas vraiment une surprise pour le secteur. Déjà, l’année dernière, un amendement du gouvernement au projet de loi de finances 2024 avait été discuté, avant d’être catégoriquement rejeté par Bercy. Pourtant, sa réapparition promet, une fois de plus, des débats animés. » Le passage à 20% correspond à une augmentation d’impôts injustifiée, contre-productive et risquée », dénonce Jean-Charles Colas-Roy, président de l’association Coenove, qui défend la place du gaz dans les bâtiments. » Cela pénalisera financièrement les ménages les plus pauvres et cela favorisera les solutions électriques peu efficaces car moins chères. Je pense ici aux radiateurs à effet Joule, qui affichent des taux de pertes monstrueux. », poursuit-il.
« L’acquisition de chaudières ne donne déjà droit à aucune aide publique. Cette revalorisation de la TVA à 20% apparaît donc comme une surtaxe »acquiesce Madeleine Lafon, déléguée générale de l’association France gaz. « Passer à 20 % s’apparente à une interdiction déguisée »critique, de son côté, Jean-Christophe Repon, à la tête de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). « Une augmentation de la TVA à 10 % nous paraissait raisonnable compte tenu des enjeux de la transition énergétique, mais pas à ce niveau »il explique.
Un sujet délicat même pour les écologistes
Preuve s’il en était que le sujet est très sensible, de nombreux interlocuteurs contactés par La Tribunen’avons pour l’instant pas souhaité faire de commentaires. C’est notamment le cas de GRDF, gestionnaire du réseau de distribution de gaz, dont le modèle économique dépend directement des volumes de gaz consommés. Mais aussi l’association de consommateurs UFC Que Choisir et le réseau Cler, qui promeut l’efficacité énergétique, la sobriété et les énergies renouvelables et dont les travaux portent notamment sur la question du bâtiment.
Le sujet apparaît même délicat du côté des écologistes, même s’ils ne devraient pas s’opposer à cette mesure. « Il doit y avoir une politique fiscale pour encourager la consommation d’énergie dans les bâtiments à s’éloigner des énergies fossiles, donc nous n’allons pas nous opposer à cette mesure, mais c’est quelque chose que nous n’aurions pas défendu dans le contexte actuel »confie l’un d’eux.
25% des émissions de gaz à effet de serre
Pour rappel, le secteur du bâtiment représente environ 25% des émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau national, dont 18% liés à l’exploitation des bâtiments. Cette même opération représente 47% de la consommation énergétique annuelle des Français. L’Union européenne prévoit d’éradiquer les chaudières fossiles en 2040. Bruxelles mise notamment sur l’électrification des usages grâce aux pompes à chaleur. Mais ce marché rencontre de grandes difficultés sur le Vieux Continent et particulièrement en France où l’usine Saunier Duval a récemment annoncé la suppression de 225 postes.