JEFF PACHOUD / AFP
Pourquoi les débuts cauchemardesques du gouvernement Barnier risquent de perdurer (photo prise en septembre 2024 en Haute-Savoie)
POLITIQUE – Un hoquet spectaculaire et un premier coup d’armes. En demandant à ses ministres fraîchement nommés de cultiver une forme d’humilité, voire de discrétion dans l’action, lundi, lors d’un petit-déjeuner de rentrée à Matignon, Michel Barnier n’imaginait sans doute pas de tels premiers pas.
En trois jours, le gouvernement a montré à peu près tout le contraire. D’un côté, le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a réactivé en un rien de temps le clivage police-justice, avec son offensive contre la « laxisme judiciaire. « D’autre part, le ministre de l’Economie a été réprimandé pour son positionnement à l’égard du Rassemblement national.
Autant de querelles publiques qui seront à l’ordre du jour de la réunion des chefs des groupes parlementaires de la « noyau commun » Les débats ont commencé autour de Michel Barnier ce mercredi après-midi. L’occasion de tourner la page de ces débuts cauchemardesques ? Rien n’est moins sûr, tant ces premières tensions traduisent les fragilités de l’alliage qui soutient l’exécutif et mettent en lumière les contradictions qui le traversent.
Là » erreur » par Barnier
La journée de mardi et l’humiliation infligée à Antoine Armand promettent de laisser des traces dans la Macronie. Le nouveau ministre de l’Economie a en effet été vertement réprimandé par Michel Barnier, après avoir exclu le Rassemblement national de l’arc républicain quelques minutes plus tôt dans la matinale de France Inter.
Le chef du gouvernement a même pris soin d’appeler Marine Le Pen pour la rassurer et calmer la fronde naissante à l’extrême droite. Résultat : le RN se régale bruyamment de tenir le gouvernement entre ses mains, la gauche se moque d’un exécutif qui confie à la fille du fondateur du FN le rôle de « présidente du Conseil des ministres ». Premier ministre bis » et certains, au sein du camp présidentiel, s’expriment.
Si les dirigeants à plumes restent silencieux, plusieurs députés ont apporté leur soutien à Antoine Armand et dénoncé, là aussi publiquement, les méthodes « RPR » du Premier ministre. « Je n’ai pas fait d’alliance avec Mme Le Pen, j’ai été élu à l’issue d’un front républicain qui disait les choses clairement. Sinon, il faut que le Premier ministre nous dise aujourd’hui qu’il a un accord avec le RN. »a par exemple tonné le député MoDem Erwan Balanant dans les couloirs de l’Assemblée mardi. Pour lui, Michel Barnier a commis une » erreur. «
Des lignes incompatibles ?
Dans la même lignée, plusieurs macronistes expriment leur colère en coulisses, et certains expriment leur malaise sur les réseaux sociaux. Antoine Armand est légitime, comme moi, comme les millions de Français qui ont voté pour le Front républicain, de considérer que le RN ne fait pas partie de l’arc républicain. « , écrit par exemple la députée Stella Dupont. Pourtant, cette position n’est pas celle de Matignon.
En réalité, le coup de fil de Michel Barnier à Marine Le Pen n’est pas le premier geste de ce dirigeant envers le Rassemblement national. Sans doute pas le dernier non plus, compte tenu du rôle accordé aux lepénistes et de la situation précaire du chef du gouvernement, qui doit sa nomination, avant tout, à la clémence du parti d’extrême droite, qui l’a placé « au second plan ». sous surveillance. »
Une sorte de fragilité originelle qui contribuera encore à exposer au grand jour les fissures, entre les macronistes – notamment ceux de tendance gauche – qui ont fait du combat affiché contre le RN l’une des raisons de leur engagement et les représentants de la droite dure. Surtout quand ces derniers ne tardent pas à revêtir leurs habits et à faire pression sur la ligne de l’exécutif.
Retailleau met déjà la pression
C’est le cas de Bruno Retailleau. Le nouveau ministre de l’Intérieur a mis le gouvernement sous pression, notamment son collègue de la Justice, quarante-huit heures seulement après sa nomination. Lundi soir, le chef du parti Les Républicains est allé dans les pieds de Didier Migaud en appelant TF1 à « changer une politique pénale qui a laissé s’installer depuis très longtemps ce droit à la non-exécution des peines ».
Réponse immédiate du ministre de la Justice, seul parti de gauche (il a quitté le PS en 2010), depuis le JT de 20h sur France 2 : Bruno Retailleau « Il faut savoir que la justice est indépendante dans notre pays. » Puis, le lendemain : « Il n’existe pas de justice laxiste. » Des échanges, là aussi, qui témoignent de désaccords profonds… et sans doute durables.
Ce mercredi, le ministre de l’Intérieur a encore insisté sur « développer notre arsenal juridique « , après l’arrestation du suspect du meurtre d’une jeune étudiante à Paris, un Marocain dont l’obligation de quitter le territoire a suscité de nombreuses réactions, notamment à l’extrême droite. En attendant, plusieurs cadres du parti de Macron, dont Yaël Braun-Pivet et Élisabeth Borne, ont pris à partie les dirigeants LR sur la suppression de l’AME. Une énième source de tension au sein de la nouvelle coalition. Dommage pour le mantra du Premier ministre, « agir avant de communiquer. »
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