Le garde du corps Thierry Légier se présente comme un fidèle « couteau suisse » de Jean-Marie Le Pen
L’actuel chef de la sécurité de Jordan Bardella a été interrogé lundi sur ses missions auprès de l’ancien député européen Fernand Le Rachinel, alors qu’il était également, à l’époque, garde du corps de Jean-Marie Le Pen.
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Il assume le « double casquette ». L’ancien garde du corps de Jean-Marie Le Pen, Thierry Légier, est le premier ancien assistant parlementaire européen à avoir été interrogé au procès du Rassemblement national et de 25 de ses actuels ou anciens membres. En costume-cravate, ce sexagénaire au gabarit massif – 1,90 et 97 kilos – s’est présenté à la barre du tribunal correctionnel de Paris, lundi 7 octobre, pour expliquer son travail avec l’ancien député européen Fernand Le Rachinel entre 2005 et 2009, alors qu’il était en même temps le garde du corps du président du parti d’extrême droite, qui s’appelait alors Front National. Pour l’entendre, le point de départ de ce « double » la mission est très simple : « C’est Jean-Marie Le Pen qui m’a demandé d’aller le voir pour signer le contrat. »
A cette époque, Thierry Légier était l’ombre du patron frontiste depuis plus de dix ans. Cet ancien militaire a été engagé en 1992 pour assurer la sécurité de Jean-Marie Le Pen en remplacement de Robert Moreau, ancienne gloire du catch des années 60 surnommé « le bourreau de Béthune », raconte Le Figaro. « J’ai débuté au Parlement européen pour remplacer mon prédécesseur, qui occupait le même poste depuis huit ansexplique l’auteur du livre Mission Le Pen. C’est pour ça que je suis surpris que personne ne soit venu me dire que j’étais illégal. »
Comme les 12 assistants parlementaires dans cette affaire, Thierry Légier est poursuivi pour recel de détournement de fonds publics. La justice lui reproche notamment d’avoir bénéficié d’un salaire confortable versé par l’institution européenne – plus de 5 000 euros par mois – pour assister l’élu Fernand Le Rachinel alors qu’il protégeait « 365 jours par an » Jean-Marie Le Pen, comme son ancien partenaire l’a assuré aux juges. Cette dernière a également déclaré qu’elle ne l’avait jamais vu écrire des notes, lui qui ne savait pas écrire. Thierry Légier hausse les épaules, impute ces déclarations à un « divorce conflictuel » : « Cela fait cinq ans que mon fils ne vient plus chez moi. »
Pas de quoi attendrir la justice ou le parquet, qui tentent de comprendre la nature de ses interventions en tant qu’assistant parlementaire. « Que pensez-vous du fait de devoir signer un contrat avec quelqu’un qui n’est pas vraiment votre employeur ? »demande la présidente, Bénédicte de Perthuis. Le prévenu ne cache pas qu’il « entendu dans la presse » parler de « partage d’emploi » pour les députés FN. « J’ai fait confiance au député »ajoute-t-il. Lequel ? Jean-Marie Le Pen, également député européen à l’époque, ou Fernand Le Rachinel ?
« Compte tenu des menaces qui pesaient sur le groupe (des députés FN), j’ai assuré la sécurité pendant les déplacements. Je travaillais entre 12 et 16 heures par jour.
Thierry Légier, ancien assistant parlementaire de Fernand Le Rachinelau tribunal
« J’étais le couteau suisse de la sécuritépoursuit le garde du corps au cuir chevelu parsemé de cheveux décolorés. Je m’occupais également des visiteurs, des rencontres avec des députés européens d’autres nationalités ou encore des rencontres dans l’un des cinq bars du Parlement européen. » Le procureur insiste : « Mais tu étais plus souvent à Saint-Cloud (où se trouvaient le domicile de Jean-Marie Le Pen et le siège du parti) ou à Bruxelles ? Thierry Légier, qui racontait dans son livre avoir suivi Jean-Marie Le Pen en Irak pour rencontrer le dictateur Saddam Hussein, illustre une nouvelle fois sa loyauté sans faille envers son ancien patron, aujourd’hui âgé de 96 ans : « J’accompagne M. Le Pen à chaque session parlementaire, une fois par mois à Strasbourg, et aux mini-sessions à Bruxelles chaque mois. » « Quand Jean-Marie Le Pen n’est pas à Bruxelles, n’êtes-vous pas à Bruxelles ? »note le magistrat. « Assez. » « Donc vous ne travaillez pas pour M. Le Rachinel quand Jean-Marie Le Pen n’est pas à Bruxelles ? » « Assez. » Un point pour l’accusation.
Un peu plus tôt dans la journée, Fernand Le Rachinel a reconnu avoir écrit en 2008 à Thierry Légier pour lui demander de « réaffecter » ses activités à son service. « Il faut que vous m’apportiez directement votre aide »peut-on lire sur cette missive, projetée à l’audience. L’ancien élu de 82 ans, alors en conflit avec le Front national, avait reçu un refus par courrier. Face au document affiché sur grand écran dans la salle d’audience, le garde du corps ne se souvient pas de l’avoir écrit ni signé.
Peut-être que la réponse lui avait été suggérée par l’ex-trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, suggère le tribunal ? « Je n’ai plus de souvenirs, c’est vieux »murmure l’accusé. « Je te rafraîchis la mémoire »» rappelle le procureur, en lui rappelant qu’il a bénéficié, au passage, d’une indemnité de licenciement de 29 000 euros versée par le Parlement européen. « C’est la loi! »grogne depuis son banc l’ancien député européen et autre prévenu Bruno Gollnisch, qui sera entendu mardi.
Aujourd’hui, Thierry Légier n’est plus salarié du parti. Mais il est toujours garde du corps du président du Rassemblement national, Jordan Bardella. Il risque dix ans de prison et 375 000 euros d’amende.