Le « gagosien » français du design continue de conquérir le monde

Le Gagosian français de l’art design – tables, chaises, fauteuils, luminaires, élevés au rang de sculptures fonctionnelles – ne cesse de s’étendre. Carpenters Workshop Gallery est encore loin de la taille du marchand d’art le plus puissant de la planète, mais en avril, elle ouvrira un espace de 4 000 mètres carrés à Londres. Ladbroke Hall est l’ancienne salle d’exposition de Sunbeam Talbot Motorworks, construite en 1903 à Notting Hill.

Il a été repensé pour accueillir des expositions, des concerts, des performances, pour abriter des salons privés, un studio photo, un studio de prise de son par celui de Brad Pitt (Miraval), un restaurant par Pollini, chef de l’année 2020, une boutique, un bijouterie de créateur. « Cela va permettre d’attirer un public plus jeune et plus large, des collectionneurs passionnés », précise Julien Lombrail, co-fondateur avec Loïc Le Gaillard de la galerie.

Le nouveau fleuron de cette « business story » démarrée en 2006 à Chelsea dans un ancien atelier de menuiserie, a nécessité 25 millions d’euros et l’entrée au capital de Carpenters du fonds Montefior à hauteur de 30%. La marque s’est agrandie en 2011 à Paris sur 500 mètres carrés dans le Marais, auxquels viennent s’ajouter 300 mètres carrés supplémentaires, puis en 2012 à New York, avec 700 mètres carrés sur la Cinquième Avenue et une vue sur le Moma, enfin en 2022 à Los Angeles, avec 900 mètres carrés.

Entre-temps, en 2016, Menuisiers a installé un site de production de 8 000 mètres carrés près de Roissy, où travaillent une cinquantaine d’artisans expérimentés, du prototypage à la sculpture : graveurs et doreurs sur métaux, ferronniers d’art, ébénistes… « C’est un outil d’innovation pour designers et artistes contemporains », mais aussi un lieu de transmission de savoir-faire » explique Julien Lombrail qui, avec son acolyte, n’a pas hésité à reprendre l’équipe et le matériel de la fonderie Blanchet Landowski lors de sa fermeture pour préserver son savoir-faire.

« C’est la clé de voûte de notre écosystème, sans égal, qui nous vaut le leadership mondial sur notre marché », précise Julien Lombrail. Ce marché, Carpenters l’a aidé à se développer. De plus en plus de maisons de vente aux enchères s’y intéressent et la clientèle ne cesse de croître. Mais cela reste un créneau qui ne connaît pas la crise car l’offre se réduit. « Nous suivons le modèle de l’édition en bronze créée par Rodin, pour rester dans le régime des œuvres d’art : huit exemplaires auxquels s’ajoutent quatre épreuves d’artiste et deux hors commerce. La rareté repose sur des pièces très élaborées, par des artisans d’exception », poursuit-il.

Il fréquente une dizaine de prestigieuses foires d’art contemporain, d’Art Basel à Tefaf Maastricht en passant par le Pavillon des Arts et du Design, pour rencontrer ses 50 000 clients, Nord-Américains, suivis des Anglais, Allemands, Suisses, Néerlandais, les Français ne pesant que 5% d’un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros.

Les prix pratiqués à la galerie oscillent entre 5 000 et 650 000 euros. Au contemporain, Carpenters a ajouté le design vintage comme actuellement dans l’entité parisienne avec 90 pièces d’envergure muséale de 1950 à 1990 de la brésilienne Zanine Caldas, fruit de trois années de recherche. Car désormais la galerie compte 50 artistes vivants dans son stock, l’une des plus cotées est Ingrid Donat (mère de Julien Lombrail, son père Francis étant un ancien commissaire-priseur à la tête du Théâtre Hébertot) et autant d’historiques, et pas moins plus d’un millier de pièces acquises.