Le fournisseur d’électricité Ohm Energie s’est vu infliger une amende inédite de six millions d’euros pour pratiques abusives dans le cadre de la crise énergétique de 2022, a annoncé lundi 15 juillet la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Grâce au mécanisme « Arenh », qui contraint EDF à vendre à bas prix sa production nucléaire à ses concurrents, Ohm a pu acquérir des volumes à un moment où il avait approché de nombreux clients, dont il se séparait lorsque les prix étaient au plus haut pour revendre cette énergie au prix fort sur les marchés, explique le régulateur.
La CRE avait ouvert une enquête sur ces pratiques en septembre 2022, en pleine crise énergétique alimentée par la relance post-Covid et la guerre en Ukraine, période où les prix de gros de l’électricité en Europe étaient à leur plus haut. A l’époque, Ohm avait nié toute revente d’Arenh sur les marchés.
Suite à cette enquête, la CRE a transmis l’affaire à son Comité de résolution des différends et des sanctions (Cordis), qui a décidé le 11 juillet de « pénaliser la société Ohm Energie à hauteur de 6 millions d’euros pour avoir commis un abus du droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) au cours des années 2021 et 2022 ».
La CRE, chargée de « assurer le bon fonctionnement du marché de détail de l’électricité et garantir une protection efficace des consommateurs », « se félicite de cette décision importante qui sanctionne pour la première fois un fournisseur d’électricité pour abus de droits de l’Arenh »a-t-elle déclaré dans un communiqué lundi. « Il s’agit de la sanction la plus importante émise par la CRE Cordis, et la première concernant le marché de détail »elle ajoute, assurant « faire preuve de la plus grande vigilance pour détecter les pratiques abusives de certains opérateurs ».
«Carton rouge» du médiateur de l’énergie
Le Cordis est composé de deux conseillers d’Etat et de deux conseillers à la Cour de cassation, les plus hautes juridictions du pays ; il peut prononcer une sanction financière représentant jusqu’à 8% du chiffre d’affaires hors taxes du fournisseur. La flambée des prix avait conduit la CRE, autorité administrative indépendante, à renforcer en 2022 son contrôle des opérateurs alternatifs, qui bénéficient d’une électricité subventionnée de facto.
Début 2022, face à la flambée des prix de l’énergie, le gouvernement a contraint EDF à vendre davantage d’Arenh. Ohm Energie, fondée en 2018, est également citée dans le dernier rapport annuel du médiateur de l’énergie, qui lui attribue, ainsi qu’à trois autres fournisseurs, une » Carte rouge « pour ses pratiques commerciales, car elles « sous-estiment parfois volontairement le montant des mensualités de leurs clients, ce qui donne lieu à des factures de régularisation de plusieurs centaines, voire milliers d’euros ».
Quant aux abus présumés d’Arenh, deux autres fournisseurs font également l’objet d’une enquête de la CRE. EDF, qui a vu revenir un certain nombre de clients avec cette crise, avait demandé une « une plus grande fermeté des pouvoirs publics »dénonçant par la voix de Marc Benayoun, directeur du centre client, la « comportement opportuniste » de certains fournisseurs, « qui poussent leurs clients dehors dès le début de l’hiver »aux prix les plus élevés.
« Notre rôle est de veiller à ce que tous les acteurs respectent les règles du jeu et leurs engagements envers leurs clients »a souligné lundi la présidente de la CRE, Emmanuelle Wargon. « Nous maintenons notre surveillance renforcée pour garantir aux consommateurs le fonctionnement équitable et optimal des marchés de l’électricité et du gaz »elle a prévenu.