On se souvient des attaques menées par le hedge fund Muddy Waters sur Solutions 30 et Casino, aujourd’hui c’est Eurofins Scientific que vise le vendeur à découvert, dans lequel il a également des positions. Avec de lourdes pertes sur le titre à la clé : l’action a plongé de 19% ce lundi matin après avoir été réservée à une baisse. De quoi porter la chute du titre à près de 30% depuis le début de l’année et même la sanction à plus de 50% sur les trois dernières années.
Muddy Waters est ainsi « short », ou vendeur à découvert du leader mondial de la bioanalyse en raison de contradictions que le fonds a détectées dans le cadre des comptes financiers et des activités opérationnelles qui laissent penser que tout ne se passerait pas. conventionnel » dans la conduite des affaires du groupe.
Muddy Waters s’en prend également à l’actionnaire majoritaire de l’entreprise (la famille Martin à la tête de près de 32,7% du capital, selon Cofisem), qui « au mieux, siphonne l’argent de l’entreprise depuis deux décennies « . » Nous pensons cependant que les états financiers d’Eurofins peuvent surévaluer considérablement les résultats, les soldes de trésorerie et d’autres valeurs d’actifs. », conclut Muddy Waters.
Un chiffre d’affaires par salarié à un « cas aberrant »
Depuis de nombreuses années, Eurofins Scientific réalise des acquisitions, certes modestes (environ 5 millions d’euros de chiffre d’affaires en moyenne en 2019, à environ 3 millions en moyenne en 2023). Le groupe nie que son organisation soit trop complexe, mais en 2023, le commissaire aux comptes de l’entreprise a dû reclasser 682 millions d’euros de créances et dettes dans les comptes 2022, souligne Muddy Waters. Le Dr Martin, actionnaire majoritaire de l’entreprise via sa holding familiale, est également accusé d’avoir utilisé les fonds de l’entreprise pour acquérir des biens immobiliers.
Le chiffre d’affaires par employé se situe depuis longtemps à un niveau nettement aberrant dans le secteur (environ 50 à 70 % de plus), estime le hedge fund, même si les marges semblent en ligne avec celles du secteur. La comptabilité de caisse d’Eurofins semble sujette aux erreurs, juge le vendeur à découvert, et une grande partie de l’information financière interne semble sujette à la manipulation.
» À notre avis, il existe une explication qui résume ces contradictions et d’autres : Eurofins est optimisé pour le détournement de fonds, conclut Muddy Waters. Nous ne savons pas exactement à quel point cette pratique est répandue, mais nous pensons que cela s’étend à la déclaration des revenus, des bénéfices, des flux de trésorerie et d’autres comptes d’actifs. »
Des réactions brûlantes
» Le principal argument avancé par Muddy Waters repose sur le fait que le dirigeant fondateur (propriétaire de 32,7% du capital) détient une part importante (15%) du patrimoine immobilier de l’entreprise (murs des laboratoires qu’il loue à cette dernière sur la base d’un prix jugé trop élevé, cela crée un conflit d’intérêts entre la famille et l’entreprise. », explique Rémy Jeanneau, manager chez Gutenberg Finance.
Concernant les accusations d’un turnover par salarié très élevé par rapport à la concurrence, « il est difficile de comparer Eurofins avec SGS et Bureau Veritas », rétorque Rémy Jeanneau. » Eurofins se concentre sur les méthodes d’analyses biotechnologiques nécessitant du personnel de haut niveau tandis que l’activité des deux sociétés comparables concerne le domaine industriel avec une part significative réalisée en Chine. Les modèles économiques sont complètement différents « .
Néanmoins, la tempête que traverse la société risque de durer un certain temps. » Une opération blanche s’impose de sa part avec des éléments précis concernant les conventions réglementées, un détail des biens immobiliers détenus par la holding de Gilles Martin, les rémunérations qu’il perçoit par rapport aux prix des transactions réalisées. Des réponses claires sont également attendues au sujet de l’encaissement des espèces par la holding au Luxembourg. Cependant, le marché ne se pose pas de questions et préfère vendre. Le prochain communiqué de l’entreprise, qui devrait être diffusé rapidement, ne sera sans doute pas suffisant et des rebondissements sont à prévoir. », conclut Stéphan Dubosq.