Le flou et le clair – Editorial de Stéphane Sahuc – 2 septembre 2024

Aujourd’hui, des millions d’enfants prennent le chemin de l’école. La rentrée est un mélange d’excitation et d’appréhension. Quels amis retrouverons-nous ? Quel professeur ? Quel professeur de maths ou de français ? Mais cette année, ces questions se doublent d’une inquiétude plus générale. Car c’est peu dire que la rentrée s’annonce encore plus chaotique que les autres années. Aux problèmes systémiques de manque de moyens et de manque d’enseignants s’ajoute la grande incertitude quant à la mise en œuvre de la fameuse réforme du « clash des savoirs », avec sa mesure phare : les « groupes de besoins », joli euphémisme pour éviter l’expression groupe de niveaux.

Et ce matin encore, aucun élève ne savait à quelle sauce il allait être mangé. En effet, chaque établissement fera comme bon lui semble. Si, grâce à la mobilisation des enseignants et des parents, l’option du « tri social » semble avoir du plomb dans l’aile, une chose reste claire : pour le gouvernement macroniste, c’est la seule voie à suivre, de gré ou de force. Malgré l’absence de ministre, le gouvernement compte sur une frange zélée de directeurs d’école pour lancer le mouvement.

En refusant de s’attaquer à la crise du recrutement et au manque de moyens, l’objectif reste de ne pas permettre une éducation de haut niveau pour tous. Et peu importe si, ce faisant, on assigne à l’école le rôle d’une grande machine à laver sociale. Chaque étape de la vie scolaire devient un moment d’exclusion d’une partie des élèves. Un tri continu tout au long du parcours scolaire et pour orienter vers des voies sans issue et surtout pour favoriser l’in-groupage dans les filières d’élite. Pour une partie des classes supérieures, c’est aussi le secteur privé qui remplit cette fonction. Le surfinancement public de cette « école » et les récents scandales autour du collège Stanislas à Paris en sont la preuve. La logique des groupes de niveaux telle que la conçoivent les macronistes n’est qu’un rouage de plus dans cette machine à fabriquer l’échec.