Le film Borgo sort ce mercredi sur les écrans des cinémas de Corse, accompagné d’une polémique
Inspiré d’un fait divers qui a défrayé la chronique en Corse en 2017, le film de Stéphane Demoustier, avec Hafsia Herzi et Louis Memmi, sort ce mercredi 17 avril au cinéma. L’occasion, enfin, de vous forger votre propre opinion sur un film qui continue de faire beaucoup parler.
Melissa est gardienne de prison à Borgo. La jeune femme récemment arrivée en Corse, avec son compagnon et ses deux enfants, cherche à trouver sa place dans une société corse dont les codes lui sont étrangers.
Au fil des mois, une proximité se crée avec certains détenus, dans cette prison dont le fonctionnement est différent de tous les autres centres pénitentiaires où Mélissa a travaillé auparavant.
D’abord, quelques paquets de cigarettes distribués discrètement, un ventilateur amené dans une cellule pendant les chaleurs de l’été, du côté du gardien. Quelques services rendus à ces derniers, sans même avoir été sollicités, par une poignée de détenus qui semblent tout savoir de ce qui se passe dehors…
Et puis, comme c’est souvent le cas dans ce genre d’histoires, la machine va s’enclencher, implacablement, jusqu’à l’assassinat de deux anciens détenus, à la sortie de l’aéroport d’Ajaccio. Un double homicide dans lequel Melissa va jouer un rôle central.
Borgo est le nouveau film de Stéphane Demoustier, avec Hafsia Herzi, Louis Memmi, Michel Fau et Cédric Appietto. Mais si la production, en ouverture du film, prend soin de préciser que le long-métrage ne reflète pas la réalité, son histoire ne peut manquer de paraître familière aux spectateurs corses.
Cela évoque forcément la mort d’Antoine Quilichini et de Jean-Luc Codaccioni, le 5 décembre 2017. Les deux hommes, considérés comme proches de Jean-Luc Germani, présenté comme une figure du banditisme des grandes îles, avaient été assassinés à leur sortie de l’aéroport de Poretta. .
La justice soupçonne Cathy Sénéchal, une gardienne pénitentiaire de Borgo, d’avoir désigné les deux cibles des assassins au moyen d’un baiser…
Il y a quelques mois, Stéphane Demoustier, dans une interview qu’il nous accordait, assurait que le film était avant tout « le portrait de quelqu’un qui, en quelques mois, passe d’une vie ordinaire à celle d’une personne qui se retrouve plongée dans le crime organisé. Je me demandais comment nous pouvions changer en si peu de temps, j’ai trouvé qu’il y avait là quelque chose de très mystérieux.
Le directeur de Borgo le reconnaît, « le fait divers fait l’étincelle au départ, il y a des événements qui sont courants, qui ont été rapportés dans la presse, mais les personnages sont entièrement inventés, ils n’ont rien à voir avec les personnages du fait divers ».
Borgo sort ce mercredi 17 avril. Même si le procès pour le double homicide de Poretta n’a pas encore eu lieu.
Cette dernière débutera le 6 mai, à Aix en Provence, devant le tribunal correctionnel des Bouches-du-Rhône, alors que le film sera encore en salles. Un problème majeur pour certains avocats de la défense, comme Maître Julien Pinelli, qui ne cesse de répéter, depuis plusieurs mois, que « LLa justice pénale n’est ni un spectacle ni un divertissement, bien au contraire, elle est la réalité dans tout son drame. Nous parlons de familles endeuillées, de prévenus détenus depuis plus de cinq ans et qui passeront le reste de leur vie devant un tribunal pénal. »
L’avocat porte « un regard prudent » sur « la distribution du film, prématurée par rapport au délai légal qui s’approche », et s’interroge sur « L’« influence de cette œuvre de fiction sur les jurés et magistrats qui doivent comprendre l’affaire dans toute sa réalité ».
Au-delà de cette question légitime, reste à savoir quel accueil sera réservé à Borgo en Corse.
Sa projection en avant-première l’automne dernier à Arte Mare a été perturbée par une alerte à la bombe, qui a provoqué l’évacuation du théâtre municipal de Bastia.
Mais si l’on laisse les polémiques à la porte du cinéma, Borgo s’impose comme un film de très grande qualité, remarquablement écrit et réalisé. Des rôles principaux aux silhouettes, tout sonne juste.
Stéphane Demoustiers l’a répété, ce n’est pas tant le fait divers qui l’intéresse, mais plutôt le « pourboire ». Et Demoustiers se garde bien de donner clairement les raisons du changement de Mélissa. Il laisse libre à chacun de se forger sa propre opinion sur la jeune femme et ses motivations.
A travers le parcours de son héroïne, c’est avant tout la complexité d’un univers à la porosité douloureuse, où chacun est toujours prisonnier de quelque chose ou de quelqu’un, qui Borgo montre.