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Le Festival de Cannes et #MeTooCinéma : « On tombe dans la tyrannie horizontale » – par Chloé Morin et David Lisnard

Mardi s’ouvre le Festival de Cannes, un rendez-vous incontournable pour tous les amateurs de cinéma du monde entier. Il y a quelques jours à peine, une rumeur promettait des révélations chocs sur dix acteurs, producteurs et réalisateurs de renom accusés d’agression sexuelle. Il n’en fallait pas plus pour que l’ensemble de l’industrie du cinéma s’enflamme.

Le simple fait qu’une rumeur répandue sur la toile puisse déclencher des réunions de crise et faire réagir même la présidence du festival de Cannes témoigne de la légitimité désormais accordée à des processus qui, il y a à peine trois ou quatre ans, auraient semblé illusoires.


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Malheureusement, nous n’en sommes pas au premier dérapage dans cette vaste entreprise qui, sous le masque bienfaisant du label « #MeToo » et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (SGBV), terrorise une grande partie du cinéma français.

Féminisme. Tout cela serait insignifiant si les destins frappés par l’injustice ainsi que l’avenir du féminisme et de la lutte contre ces violences n’étaient pas en jeu.

Chloé Morin et David Lisnard – Serge Picard – Agence VU et Sipa Press

Car ce serait une erreur regrettable, confortable et détestable que de réduire cette histoire de rumeurs à la conspiration opportuniste de quelques comptes Twitter. Ils sont le symptôme d’une dérive plus profonde. De plus en plus, la presse semble tentée de se substituer à une justice jugée trop lente et défaillante. Sans le moindre souci de nuance et de discernement, tous les faits et accusations sont jetés dans le même panier d’indignité. Hier, un chroniqueur de gauche appelait avec joie à « un grand ménage de printemps », banalisant la gravité de telles accusations et remplaçant ainsi les injustices flagrantes par d’autres injustices. Il faut le répéter ici : cette tentation du procès médiatique est une impasse, et ce sont des innocents et les victimes des violences elles-mêmes qui en paieront le prix.


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Il est également permis de se demander à quoi sert la culture cinématographique si elle ne nous immunise plus contre les pires défauts humains, qui refont invariablement surface lorsque les élites s’échauffent et que la culture s’effondre. A quoi sert d’avoir vu et applaudi « Le Corbeau » d’Henri-Georges Clouzot ou de s’être surpris à trembler devant le mécanisme destructeur exposé dans « La Vie des autres », si l’on veut trouver acceptable – et même souhaitable – c’est ce qu’il y a de plus délétère à notre époque ?

La différence entre l’Allemagne de l’Est et la France d’aujourd’hui réside dans le fait que la Stasi a officiellement agi au nom d’un gouvernement aux objectifs clairs alors que les inquisiteurs d’aujourd’hui le font au nom d’une « pression populaire qui n’est jamais acceptée au grand jour ». De la dictature verticale, nous sommes passés à la tyrannie horizontale

Inquisiteurs. Quelle est la différence entre un dramaturge allemand dont la vie privée est espionnée en raison de soupçons sur sa loyauté envers le régime communiste et un acteur dont tout le passé est exploré, ses amis, sa famille, ses anciennes relations remis en question, en raison de tout doute sur son comportement avec les femmes. ? La différence entre les pratiques oppressives qui ont eu lieu en Allemagne de l’Est et celles d’aujourd’hui en France réside dans le fait que la Stasi a officiellement agi au nom d’un gouvernement avec des objectifs clairs alors que les inquisiteurs d’aujourd’hui le font aujourd’hui au nom de l’opinion publique. pression qui n’est jamais acceptée au grand jour. De la dictature verticale, nous sommes passés à la tyrannie horizontale.


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Les purges peuvent être menées au nom d’idées nobles, ou servir les pires idéologies, elles n’en restent pas moins arbitraires tant qu’elles s’affranchissent des principes de l’État de droit au nom de l’idée qu’elles sont moralisatrices.

Il est facile pour les « enquêteurs » de prétendre respecter le contradictoire : à quoi bon quand chacun sait qu’à l’ère des réseaux sociaux, une accusation publique vaut une condamnation de l’opinion publique, rendant vaine toute défense ? Où sont « l’égalité des armes » et le respect de la présomption d’innocence, principes vitaux de l’État de droit, dans ces lynchages arbitraires ? Se disculper des ravages causés en prétendant avoir « donné la parole à l’accusé » relève d’une hypocrisie redoutable ! Car nos chasseurs de sorcières modernes détruisent volontiers les carrières, les condamnent à la mort sociale, mais veulent aussi préserver leur bonne conscience.


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Pourquoi s’indigner, répondra le lecteur : après tout, nous parlons d’une élite complètement anecdotique, dont les mœurs sont bien différentes des nôtres !

Désormais, c’est la rumeur sur la possibilité que des accusations soient un jour relayées qui a de quoi faire trembler agents, diffuseurs et producteurs, et interrompre les projets.

Ravages. D’abord parce que les ravages provoqués par les méthodes utilisées n’ont plus de limites. Jusqu’à présent, une accusation relayée par la presse suffisait à interrompre la carrière d’un acteur ou d’un réalisateur. Désormais, c’est la rumeur sur la possibilité que des accusations soient un jour relayées qui a de quoi faire trembler agents, diffuseurs et producteurs, et interrompre les projets. Les gens dont les noms figurent sur la fameuse « liste noire » (à croire que nous avions été ridiculisés pour avoir chacun de notre côté parlé du maccarthysme !) ne dorment plus.

L’enquête sur les « VSS » de personnages célèbres (puisque c’est ça qui fait vendre, ce qui peut arriver dans d’autres métiers n’intéresse pas les inquisiteurs médiatiques) est devenue une affaire journalistique à part entière, soigneusement orchestrée pour que les révélations tombent en pleine promouvoir un film ou une série.

Ensuite, parce qu’après les « stars », n’en doutez pas, la mécanique s’étendra à nous tous. C’est la logique même d’une révolution de n’avoir aucune limite… puis de dévorer, à terme, ses enfants. Le savent-ils au moins ?

Chloé Morin est politologue et essayiste (dernier ouvrage publié : Quand il a vingt ans). David Lisnard est président de Nouvelle Energie et maire de Cannes

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.

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