« Le fer de lance d’une guerre totale est l’islamisme radical et le judaïsme radical »
Professeur de science politique à l’Université ouverte d’Israël (Raanana), Denis Charbit concentre ses recherches, entre autres, sur le sionisme et Israël. Parmi ses publications en français : Sionismes : textes fondamentaux (Albin Michel, 1998), Qu’est-ce que le sionisme ? (Albin Michel, 2007), Retour à Altneuland ou la traversée des utopies sionistes (Éditions de l’éclat, 2018), Israël et ses paradoxes (Le Cavalier Bleu, 2023).
L’impact du massacre du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas a été terrible en Israël et a donné lieu à une condamnation largement unanime. Pourtant, près de neuf mois plus tard, nous nous trouvons dans une sorte d’impasse stratégique et diplomatique. Vous êtes israélien, comment analysez-vous cette situation ?
Le massacre du 7 octobre marque un tournant dans la perception israélienne du conflit israélo-palestinien. Jusque-là, ils n’étaient pas divisés sur ses causes profondes – le refus arabe d’Israël – mais sur la solution à y apporter. Il y a toujours, d’un côté, les partisans d’une solution à deux États et, de l’autre, les partisans de l’annexion de la Cisjordanie. Les premiers, qui votent à gauche et au centre, s’opposent de toutes leurs forces à la colonisation de la Cisjordanie ; les seconds, qui votent à droite et à l’extrême droite religieuse, réclament une expansion sans entrave des colonies.
Cet article est tiré du « Hors-série Le Monde : 40 cartes pour comprendre le conflit israélo-palestinien »Juillet 2024, en vente en kiosques ou en ligne en visitant le site de notre boutique.
Le conflit s’est réduit à des tensions sporadiques avec le Hamas et à des soulèvements de courte durée en Cisjordanie, qui n’ont jamais atteint l’ampleur d’une Intifada. Finalement, un modus vivendi a été établi en vertu duquel Israël a permis au Qatar de subventionner le Hamas. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a déclaré avec assurance que le problème palestinien était devenu marginal, qu’il n’intéressait plus personne. Les accords d’Abraham, en 2020, ont confirmé que ce qui préoccupait les pays signataires était leur prospérité respective, et non le sort des Palestiniens qui, par leur refus et leur radicalisme, avaient fini par se lasser.
De plus, faute de paix, de la création cinématographique et littéraire à « nation start-up »de l’excellence scientifique aux bars gays de Tel Aviv, la société affichait un dynamisme indéniable qui contrastait avec le blocage du côté palestinien. Le retrait des territoires prôné par la gauche comme l’annexion réclamée par la droite étant invraisemblables, les notions de droite et de gauche prirent alors un autre sens, opposant ceux qui souhaitaient mettre sous tutelle l’indépendance de la justice à ceux qui croyaient sincèrement que cette « réforme » La démocratie israélienne est en danger. L’avenir de la démocratie est au cœur des débats, à l’image de ce qui se passe en Europe : démocratie illibérale versus démocratie libérale (au sens politique du terme). Le réveil est brutal.
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