Marine Le Pen, impassible, a assisté pendant huit longues heures, mercredi 30 octobre, à Paris, au lent naufrage de ses cabinets comptables. Le tribunal correctionnel, au quinzième jour du procès des assistants FN au Parlement européen, s’est penché sur la machine financière du parti, et la question est essentielle : s’agit-il d’une somme d’embauches individuelles et aléatoires d’assistants fictifs, ou d’un système rigoureusement organisé par le mouvement ?
La réponse ne fait aucun doute. Il y a deux cabinets d’expertise comptable qui se sont succédé, le premier, de 2004 à 2011, est celui de Christophe Moreau, qui se targue de n’avoir jamais appartenu à aucun parti. Le cabinet est tiers payant, c’est-à-dire qu’il rédige et signe les contrats des députés et de leurs adjoints, demande leur soutien à Bruxelles, puis perçoit la manne européenne – soit 21 000 euros par mois et par député, puis 26 000, aujourd’hui 30 000 –, le distribue aux intéressés et publie les fiches de paie.
La tâche n’était pas insurmontable : il n’y eut que sept députés FN de 2004 à 2009, puis trois jusqu’en 2014 et l’affaire ne représenta que 1 à 3 % du chiffre d’affaires du cabinet Moreau. . Un adjoint lui remet la liste des contrats, alors arbitrés par Jean-Marie Le Pen ; il effectuait le travail, sans trop se soucier des déplacements des assistants d’un adjoint à l’autre. « C’était beaucoup de chaises musicales, est d’accord avec l’expert, mais je ne connaissais pas la motivation. Des instructions m’ont été données. »
L’objectif était-il d’apurer les enveloppes budgétaires européennes, insiste le président ?
– « Pas nécessairement »dit le comptable qui se corrige. » Certainement « . Il n’a rien vu de choquant : « Quand j’étais à l’armée, on laissait les moteurs tourner pour épuiser les stocks de carburant »…
Il y a du travail. Le parti lui a dit, « les montants en rouge sont les modifications : trois mois de Légier sur Marine (Thierry Légier, garde du corps de Jean-Marie Le Pen, assistant parlementaire comme Marine Le Pen est évêque)Le complément de Légier sur Jean-Marie Le Pen, les primes sur le président. » Christophe Moreau ne se soucie de rien, et surtout pas de savoir si les députés et assistants ont été mis devant le fait accompli, ou s’ils ont travaillé pour le parti ou pour le Parlement européen ; « J’ai continué ma mission, je n’allais pas prendre de mesures policières, je ne vois pas pourquoi j’aurais été méfiant ». Pas même lorsqu’il fait signer au garde du corps de Le Pen un faux contrat, avec une fausse fiche de salaire pour récupérer 41 504 euros en trois mois et des sommes dues sur un autre contrat.
Il vous reste 56,48% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.