Dans cette affaire de la vague #MeToo au théâtre, l’ancien secrétaire général de la Comédie Française a été mis en examen pour viols de 2004 à 2005 sur Alban K., le 25 avril 2024 à Paris. L’adolescent avait alors 17 ans. Le dramaturge, de 18 ans son aîné, a également été placé sous le statut plus favorable de témoin assisté pour viols conjugaux, de février 2005 à décembre 2011, alors qu’Alban K. était majeur.
» Écart «
Le 4 juillet, la plaignante a été entendue par la juge d’instruction en charge de cette affaire. Elle lui a fait part d’échanges au cours desquels il exprimait, selon elle, « clairement (ses) sentiments amoureux » et faisait « des propositions sexuelles ». Elle lui a également montré un de ses mails, envoyé au dramaturge en janvier 2010, dans lequel Alban K. s’était photographié en érection. « Je suis sidéré par le décalage entre les souvenirs que j’ai, l’état dans lequel j’étais, cette posture, et juste cette photo… C’est l’inverse de moi », a répondu Alban K., aujourd’hui âgé de 37 ans.
Il ne s’agit pas d' »une divergence », estime l’avocat de Pierre Notte, Jean-Baptiste Riolacci, dans ses observations, mais d’une « incompatibilité fondamentale » avec les déclarations du plaignant à la justice.
« Le juge d’instruction doit observer attentivement ces échanges, leur contexte, car ce n’est pas parce qu’il y a des mots d’amour qu’il n’y a pas d’abus. C’est justement parce qu’une relation s’est établie que l’abus a été possible, par décalages successifs », rétorque l’avocate d’Alban K., Léa Forestier.
Relation « réifiante »
Les deux hommes ont été confrontés le 24 avril, avant la mise en examen du dramaturge. Pierre Notte a décrit leur première rencontre, chez lui, comme un moment amusant : « Je comprends qu’Alban K. ne puisse pas se lever parce qu’il a une grosse érection. Je me souviens que ça nous fait rire, qu’il est gêné. »
« Je suis étonné qu’on puisse imaginer qu’un élève mineur dans cette situation se retrouve avec une érection sur la chaise longue de son professeur », a répondu Alban K., qui a dénoncé une agression sexuelle. Trois mois plus tard, le plaignant est resté cohérent devant le magistrat et a refusé de parler de « couple », décrivant une relation « réifiante ».
Pierre Notte « décidait même quand et comment je devais me laver, et ne supportait pas que je prenne l’initiative », avait-il déclaré en mai lorsque l’affaire avait été rendue publique, décrivant une situation d’enfermement.
Courriels affectueux
Faux, réfute la défense. « Le plaignant déclarait constamment son amour pour l’accusé », « parlait de cet amour » aux proches de Pierre Notte, « partait régulièrement en voyage » avec lui, assène Me Riolacci, courriels à l’appui.
Le magistrat a également présenté des photographies où Alban K. apparaît aux côtés de la famille de Pierre Notte. Pourquoi sourit-il ? « Par obligation de présentation », a-t-il justifié.
Et s’il écrivait des mails affectueux aux amis de Pierre Notte, c’était par mimétisme : dans ce « noyau », il n’y avait « rien de plus ordinaire et de plus dénué de substance que les expressions : je t’aime, je t’embrasse fort ».
Le magistrat l’interroge sur une relation sexuelle au printemps 2004 :
– Monsieur Notte est-il conscient que vous n’êtes pas consentante ?
– Je raisonne à l’inverse : j’entends la question, mais je me demande ce qui, à l’inverse, m’a fait donner un signe de consentement. Spontanément, c’est toujours la même chose : il est seul dans son action, il est seul dans son monde.
– Est-ce que vous parlez de ce rapport sexuel, avant, après ?
– Pas du tout. Il n’y a pas de dialogue.