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le double jeu de la FNSEA

le double jeu de la FNSEA

21 novembre 2024 à 9h09

Temps de lecture : 5 minutes

«  Agri, acte 2. Nous sommes de retour. JAFDSEA ». Le grand panneau noir, accroché à un tracteur sur le rond-point de la Paix au Cannet-des-Maures (Var), le 18 novembre, offrait un bon aperçu de la situation. Selon les autorités, 6 836 agriculteurs dotés de 1 898 machines agricoles ont été mobilisés ce jour-là, à l’appel du FNSEAle syndicat majoritaire et productiviste, et les Jeunes Agriculteurs (JA).

«  Cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu autant d’anticipation et de chaleur sur le terrain. On voit bien que le gouvernement Barnier ne va pas assez vite et pas assez loin. »a observé le président des Jeunes Agriculteurs, Pierrick Horel. Le mouvement va continuer «  jusqu’à mi-décembre »a prévenu le président du syndicat majoritaire. Avec trois revendications : l’abandon du projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et les pays du Mercosur, la cessation des contraintes environnementales, ainsi que les prix et revenus agricoles.

Lire aussi : Pourquoi les agriculteurs se remobilisent-ils ?

Il peut paraître surprenant que le FNSEA relance des manifestations et porte un message de fermeté, au vu des concessions déjà obtenues. Mis sous pression par les mobilisations de l’hiver dernier, le gouvernement de Gabriel Attal s’est engagé sur 70 mesures de soutien à une agriculture productiviste, intensive et mécanisée tournée vers l’exportation, correspondant aux principales revendications du syndicat majoritaire. Beaucoup d’entre eux figuraient également dans le projet de loi Entreprenariat dans l’agriculture, présenté fin août par le FNSEA et le JA.

Beaucoup ont également déjà été mis en œuvre. Le projet d’augmentation du diesel agricole non routier a été abandonné. Le plan Écophyto visant à réduire l’usage des pesticides se dote d’un nouvel indicateur, moins ambitieux. Un fonds hydraulique doté de 20 millions d’euros a été créé, accompagné d’un premier appel à projets pour la création de retenues d’eau pour l’irrigation et d’un décret facilitant leur installation dans les zones humides. Un décret assouplit les règles d’évaluation environnementale pour les élevages intensifs de volailles, de porcs et de truies.

Selon le ministère de l’Agriculture, 67 % de ces mesures avaient déjà été mises en œuvre au 13 septembre. C’est d’ailleurs le rythme de mise en œuvre qui FNSEAbien plus que les mesures concédées. «  65 % des mesures annoncées ne sont toujours pas arrivées dans les cours de ferme »a déploré le syndicat dans un communiqué daté du 17 novembre.

Des liens étroits avec l’État

FNSEAcréé en 1946, devient rapidement co-gérant de l’agriculture française. Les lois de modernisation de 1960 et 1962 «  ont été co-construites entre pouvoirs publics et syndicats »expliqué à Monde Véronique Lucas, sociologue rurale à l’Institut de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).

Aujourd’hui encore, le FNSEA est présent dans de nombreux organismes parapublics, contrôle la quasi-totalité des chambres d’agriculture et une grande partie de la presse professionnelle. Certains de ses dirigeants entretiennent des liens extrêmement étroits avec les plus hautes sphères du pouvoir, comme l’a révélé le média d’investigation Splann. ! en mai dernier. Exemple emblématique de ce mélange des genres, le adjoint de la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, Éric Liégeon, qui l’a remplacée à l’Assemblée nationale, a été secrétaire général et vice-président de l’Assemblée nationale. FDSEA du Doubs.

D’où cette position paradoxale : consultation du pouvoir d’un côté, soutien et encouragement aux mobilisations populaires de l’autre. Le syndicat tient cette ligne de crête «  depuis la fin des années 1950 »explique l’historien agricole Anthony Hamon. «  La direction centrale parisienne a toujours été opposée aux manifestations et au folklore qui les accompagne — barrages routiers, dégâts, etc. Mais elle est hantée par le risque d’un séparatisme syndical, si elle ne suivait pas les fédérations départementales et le terrain. »il explique. Il s’agit donc de conserver sa position d’interlocuteur privilégié du pouvoir, tout en ne perdant pas le lien avec le terrain pour éviter de se laisser déborder par la base.

Des agriculteurs sèment des céréales menacées de disparition devant les remparts d’Avignon, le 18 novembre 2024.
© David Richard/Reporterre

Toutefois, l’exercice devient de plus en plus complexe. Là FNSEA compte 212 000 membres et 31 fédérations de producteurs. Mais son hégémonie s’érode. Lors des élections à la Chambre d’Agriculture de 2019, marquées par un taux d’abstention record de 54 %, il a fallu s’associer aux Jeunes Agriculteurs pour atteindre 55 % des suffrages exprimés. «  En effet, les mesures productivistes prises ne profitent qu’à une minorité d’agriculteurs.analyse Anthony Hamon. La majorité, moins riche, moins favorisée, qui n’est pas présente dans les instances décisionnelles des coopératives, ne voit pas la couleur des aides publiques obtenues. »

Le président du FNSEA depuis 2023, Arnaud Rousseau présente en effet un profil atypique, peu représentatif de la plupart des agriculteurs : à la tête d’une exploitation céréalière de plus de 700 hectares, il préside le conseil d’administration du groupe agro-industriel Avril.

Les prochaines élections aux Chambres d’agriculture, le 31 janvier, seront décisives pour le syndicat majoritaire, menacé par la montée de la Coordination rurale. «  D’où l’escalade démagogique de la part du FNSEA »explique Anthony Hamon.

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