le double chagrin de Marie qui a perdu son bébé à cause d’un cancer du sein
DDans la vie de Marie Alanet, rien ne s’est passé comme prévu. Pourtant, au départ, tout allait bien pour cette jeune femme dynamique de 37 ans aujourd’hui. Éducatrice à la maison d’enfants Puilboreau, elle vivait à Aytré, avait beaucoup d’amis et de nombreuses activités. Depuis 2015, elle savait qu’elle était porteuse du gène BRCA1, qui augmente le risque de cancer du sein et de l’ovaire, elle avait également un fibroadénome bénin au sein gauche, mais elle était étroitement surveillée. Elle a même envisagé une mastectomie bilatérale prophylactique, recommandée avant l’apparition de tumeurs.
Le miracle
En 2022, l’horloge biologique tourne. En mars, Marie Alanet s’est rendue au centre de fertilité de La Rochelle pour conserver ses ovules pour peut-être avoir un bébé plus tard. « On me dit que je suis quasiment stérile. » Plus de contraception. Surprise, un mois plus tard, elle est enceinte. C’est la grande nouvelle.
Sauf que la grossesse augmente le risque de cancer. «J’ai été choqué. Être enceinte était à la fois un miracle et un risque. » Marie choisit d’être mère célibataire mais très soutenue par sa mère et sa grand-mère. Lyah est née par césarienne le 23 novembre 2022. C’est le bonheur.
J’avais tellement peur de laisser ma fille orpheline que j’ai dû faire un testament immédiatement
À l’été 2023, tout change. Diagnostic : cancer du sein. Et pas des moindres : « la plus agressive et la plus mortelle, c’est celle qui présente le plus grand risque de récidive avec des tumeurs qui évoluent très vite ». Fini l’ablation prophylactique, il y aura 16 séances de chimiothérapie et 17 d’immunothérapie, auxquelles s’ajouteront des injections et des médicaments. « Le monde s’est effondré. De peur de laisser ma fille orpheline, j’ai immédiatement fait un testament. »
Pas le choix, Marie se soumet au lourd protocole. « J’étais épuisée, même si j’avais laissé ma fille à la crèche et avec ma mère. Je me sentais coupable. Lyah allait bien, je lui ai dit que je l’aimais et que ce n’était pas de sa faute, mais que ressentait-elle ? »
Avant sa chimio du 15 septembre, Marie n’en peut plus. «Je pleure, je me sens comme de la merde. » Pour la soulager, sa mère emmènera Lyah chez elle à Marennes le 13. « Pour ne pas l’inquiéter, j’ai quitté ma fille en lui disant que j’allais me faire soigner, que je l’aimais et que je ne l’abandonnerais pas. »
Le drame
Le soir même, Mamie poste des vidéos du petit et Marie envoie des bisous à sa fille via FaceTime. C’est le rituel, comme il aurait dû l’être au réveil du 14 septembre. Mais rien. « Ma mère n’a pas répondu au téléphone. J’ai senti qu’il y avait un problème. » Elle décroche à 11 heures : « C’est Lyah, ma chérie. Je suis entré dans sa chambre et elle était partie. » Le bébé de 9 mois et demi vient de subir une mort infantile inattendue.
Ma fille m’a été enlevée alors que je ne pouvais pas avoir d’enfants
Le monde fragile de Marie s’effondre. « Pendant une heure, j’ai crié : ‘c’est pas possible’. » J’étais abasourdi. Ma fille m’a été enlevée alors que je ne pouvais pas avoir d’enfants. » Bien sûr, la maman souhaite voir son bébé, mais son corps est déjà en route vers l’institut médico-légal de Poitiers. Visites interdites. Exceptionnellement, Marie est autorisée à voir Lyah, mais pas à la tenir. «Je l’ai embrassée et caressée, je lui ai parlé. Elle était belle et paisible. Et pourtant, à l’autopsie, ils allaient ouvrir ma fille. »
Le lendemain, une chimio est programmée. L’oncologue est surpris de voir Marie. « J’ai promis à ma fille que je ne mourrais pas pour elle. Si je n’y étais pas allé, j’aurais abandonné. » Ce n’est pas le moment. Marie, « en mode robot », doit déjà préparer les funérailles de Lyah.
« J’ai choisi ses vêtements, son cercueil, la plaque, la musique, les fleurs. » Le corps du bébé est restitué le 16 septembre aux pompes funèbres de Marennes. « J’allais voir Lyah tous les jours pour lui lire ses histoires et lui apporter ses peluches. J’ai recréé un endroit confortable pour elle. »
Le jour des obsèques, le 21 septembre 2023, c’est Marie qui referme le cercueil de Lyah après avoir enfin pu la prendre dans ses bras, une dernière fois. «Je voulais prendre soin de ma fille jusqu’au bout», raconte celle qui a demandé au public de porter un turban, comme Lyah.
Le combat
Le lendemain, Marie s’est rasé la tête. « Avant de perdre mes cheveux, je chassais ma douleur. » Depuis, elle a suivi une chimiothérapie et une immunothérapie, s’est fait retirer le sein gauche, en attendant que son sein droit soit retiré par prophylaxie et deux autres opérations. Elle est en rémission. Bonne nouvelle, malgré la dépression, la fatigue, la douleur et le manque infini de Lyah.
Marie tente d’avancer dans sa maison de Marennes, « Casa Lyah », visitée deux semaines avant la mort de son bébé. « Je l’ai quand même acheté parce que c’était notre projet de vie de famille », raconte la « Mam’ange de Lyah » qui a fait tatouer le prénom de sa fille sur sa trachée « pour crier son nom. »
C’est pour exprimer cela que Marie a créé un compte Instagram Marie_Lyah_va_la_vie. « C’est un journal sur mon cancer et mon deuil périnatal, mais je souhaite aussi informer et sensibiliser à la prévention. C’est ma thérapie, peut-être que j’écrirai un livre un jour. »
Même si elle est entourée de monde, « j’ai peur d’être incomprise et d’être un fardeau pour les autres. Mais je ne dois pas reprocher aux gens d’être heureux d’avoir des enfants vivants », explique celle qui a toujours su écouter et qui a tant besoin d’une oreille aujourd’hui.
«Je souris pour la façade, mais je crie à l’intérieur. Je pense constamment à ma fille que j’aime de plus en plus. Je lui ai promis que je vivrais alors j’essaie de survivre. Mais je suis incomplet, l’insouciance n’existe plus. Lyah est partie, je n’aurai plus d’enfants et la maladie pourrait revenir. Chaque jour, je me demande à quoi ça sert de rester en vie ; Si c’est le cas, je la retrouverai… Mais une mère n’abandonne pas. »
Concours photos
Marie a participé au concours photo national Estée-Lauder, avec le photographe rochelais Jérôme Blanchard. Il avait déjà pris des photos d’elle enceinte et avec Lyah, le nouveau-né. « Je me suis dit que si je mourais, il y aurait des photos de nous pour le petit. » Cette fois, Marie a posé avec la photo de sa fille « ma lumière ». L’image vient d’être sélectionnée pour la finale le 9 novembre à Paris. En attendant, le public peut voter jusqu’au 15 octobre sur prixdupublicteva-pinkribbonaward.fr