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Le devoir de vigilance adopté, mais affaibli par la macronie

Le 24 avril, le Parlement européen a approuvé la version finale de la directive sur le devoir de diligence. Sur les 628 députés européens réunis à Strasbourg, 374 ont voté pour, 235 contre et 19 se sont abstenus. «  L’adoption de ce texte constitue une avancée cruciale, d’autant qu’il a failli ne pas voir le jour, sous la pression des États membres. », félicité Marie Toussaint, tête de liste écologiste aux élections européennes. «  Les multinationales comme Total et Shein paieront pour l’exploitation des travailleurs et de la planète dans leur chaîne de production », a réagi Manon Aubry, tête de liste insoumise, qui a déclaré «  déplacé ».

Onze ans jour pour jour après la catastrophe du Rana Plaza, l’Union européenne (UE) a finalement adopté une loi pour espérer qu’un tel drame ne se reproduise plus. Le 24 avril 2013 à Dhaka, la capitale du Bangladesh, cet immeuble de huit étages s’est effondré, tuant plus de 1 100 personnes. Parmi eux, des ouvriers du textile, dont les ateliers travaillaient pour des marques comme Mango ou Primark, qui n’ont jamais été condamnés.

Ce texte européen, qui fait suite à la loi française promulguée en 2017 sur le devoir de vigilance, doit rendre les entreprises responsables des violations des droits humains et des dommages environnementaux commis tout au long de leur chaîne de production. Il rendra justice aux personnes touchées par leurs activités, partout dans le monde, en leur donnant accès aux tribunaux européens.

La fin d’un long chemin semé d’embûches pour ce texte, depuis la publication de sa première version par la Commission en février 2022. Sa portée s’est largement réduite, au fil des attaques des lobbys et des sabotages de la France. Un pays qui se targue pourtant publiquement, en Reporterrevouloir «  mener activement et jusqu’au bout le projet de directive ». Retour, en trois temps, sur cette entreprise de démolition.

La France a protégé le monde de la finance

Au cours des négociations, des questions épineuses ont dû être résolues. Parmi lesquels : l’inclusion ou non des services financiers dans le champ d’application de la directive. En d’autres termes, leUE devrait-il considérer que les institutions financières, telles que les banques, les fonds d’investissement, les assureurs et les fonds de pension, sont responsables de la manière dont leur argent est utilisé par les entreprises ? Le Parlement européen a pensé oui. Pas le ConseilUEl’institution qui représente les gouvernements des États membres.

Pour comprendre ce choix, il faut remonter à novembre 2022. Alors que le Conseil desUE était sur le point de donner sa position sur le projet de directive, un État membre a exigé que les services financiers ne soient pas inclus dans son champ d’application. Quel pays ? La France, révélée Médiapartqui a obtenu une note confidentielle de la délégation française.

«  Cette omission est immense, compte tenu de l’importance du secteur dans le financement des secteurs les plus problématiques. », a observé Marion Lupin, chargée de mission politique à la Coalition européenne pour la justice des entreprises. Comme l’a récemment montré le dernier rapport Miser sur le chaos climatiquepublié en avril 2023, les soixante plus grandes banques mondiales ont fourni 673 milliards de dollars de financement aux producteurs de charbon, de pétrole et de gaz en 2022, soit plus du double du budget français.


La plupart des victimes de l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh étaient des ouvriers du textile.
Flickr/CC PARSON 2.0 Acte/Rijans

«  Soyons pragmatiques : si vous financez un projet comme Papouasie GNL (le projet gazier TotalEnergies en Papouasie-Nouvelle-Guinée)vous savez très bien que le projet ne sera pas bon à court, moyen ou long terme, car il aggrave la crise climatique et provoque des violations des droits de l’homme, a déclaré Olivier Guérin, chargé de plaidoyer chez Reclaim Finance. Logiquement, il convient de l’éviter et d’en tenir les investisseurs responsables. »

Pourquoi un tel choix de la France ? Peut-être pour plaire aux grandes banques, mais plus sûrement à BlackRock, le plus grand fonds d’investissement au monde, comme le montre une enquête réalisée par l’Observatoire des multinationales. Selon’ONGLa réceptivité de la France aux demandes de BlackRock était directement liée à la volonté d’Emmanuel Macron et du gouvernement, «  soutenu par toute l’élite du monde des affaires »pour que la place de Paris soit la plus belle «  attractif » possible pour ces grands financiers américains.

La France, qui a défendu à tout prix cette exemption, a finalement obtenu gain de cause. De quoi ravir également le Mouvement des entreprises françaises (Medef) et la Fédération des industries allemandes (BDI), dont Reporterre avait obtenu une lettre adressée le 13 juillet 2023 au président Emmanuel Macron et au chancelier allemand Olaf Scholz, leur demandant d’agir en faveur du secteur financier.

Le revirement de l’Allemagne

À la mi-décembre 2023, les négociateurs du Conseil des ministres et du Parlement européen se sont mis d’accord sur un texte de compromis – exemptant ainsi le secteur financier. A cette époque, malgré les concessions, la victoire était presque acquise pour le ONG et aux partis de gauche et du centre, qui ont lutté pendant plus de deux ans pour le faire réussir. Ils se saluèrent ensemble «  une percée historique ».

La directive devait ensuite être ratifiée le 9 février par les ambassadeurs adjoints des Vingt-Sept. «  Cela aurait dû être une simple formalité, d’habitude on ne revient pas aux compromis trouvés en trilogue »explique Clara Alibert, chargée de plaidoyer au sein de l’association CCFD– Solidarité terrestre. Mais le vote a été reporté à plusieurs reprises par la Belgique, présidente du Conseil desUEfaute de voix suffisantes pour son adoption. «  Tous les observateurs étaient étonnés »se souvient Clara Alibert.

Au cœur de ce revirement : le choix de l’Allemagne de s’abstenir, suite à des désaccords au sein de sa coalition gouvernementale, qui regroupe le Parti libéral-démocrate (PDF), le Parti social-démocrate allemand (SPD) et Alliance 90/Les Verts (Grünen). «  Il suffisait de faire dérailler la machine », a déclaré Clara Alibert. D’autres pays ont emboîté le pas comme la Suède, l’Autriche, la Finlande et l’Estonie, qui ont indiqué leur intention de s’abstenir ou de voter contre. L’Italie a menacé de faire de même.

Et la France, dans tout ça ? Le 14 février, lors d’une audition à la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le nouveau ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a assuré que la France œuvrait diplomatiquement pour «  convaincre » ses partenaires pour «  faire aboutir ce point ». En coulisses, la réalité était tout autre.

La France a demandé l’exclusion de plus de 70 % d’entreprises concernées

Le 27 février, prenant par surprise tous ses interlocuteurs, la France réclame et obtient une modification du champ d’application de la loi et l’exclusion de plus de 70 % d’entreprises concernées. Alors que le texte prévoyait initialement de soumettre au devoir de vigilance toutes les entreprises de plus de 500 salariés et de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, seules sont désormais concernées les entreprises deux fois plus grandes (plus de 1 000 salariés) et réalisant un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros. . Seulement 0,05 % d’entreprises enUE seront tenus de se conformer à la directive, selon les calculs du Centre de recherche sur les sociétés multinationales.

Selon plusieurs sources, cette demande avait déjà été formulée le 20 février au soir par Bruno Le Maire, à Bruxelles, lors d’un entretien en tête-à-tête avec le ministre belge de l’Economie, dont le pays assure la présidence du Conseil. «  Loin d’explorer des pistes de compromis entre États membres, le décalage entre les déclarations publiques du gouvernement et sa position dans les négociations a mis en danger l’adoption du texte. »déplore Clara Alibert.

«  Macron, Meloni et les libéraux allemands (écoutez) les fables du lobby des affaires »

Le 28 février, après un nouveau report lié à la demande française, la négociatrice en chef au Parlement, la Néerlandaise Lara Wolters (S&D), dénoncé UN «  scandale ». Elle a directement fustigé l’attitude de «  Macron, Meloni et les libéraux allemands »dont elle accusait «  écoutez les fables du lobby des affaires ».

Le 15 mars, les États membres de l’Union européenne sont finalement parvenus à un accord. «  Ce fut un soulagement, plusieurs fois nous l’avons cru mort. Mais cet accord a vraiment eu un goût amer pour tous les défenseurs du devoir de vigilance »regrette Clara Alibert.

Après le vote final au Parlement, le texte sera désormais soumis à l’approbation finale des États membres. Il devra ensuite être transposé d’ici deux ans dans le droit national des vingt-sept pays.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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