Au Palais-Royal, Estelle Meyer se glisse dans les costumes d’époque de Sarah Bernhardt – actrice légendaire disparue il y a cent un ans – dans une pièce inégale qui monte peu à peu en puissance.
Attaquer Sarah Bernhardt n’est pas anodin. L’affiche de Le destin extraordinaire de Sarah Bernhardtqui reprend les courbes Art Nouveau d’un portrait de l’actrice réalisé par Mucha en 1886, suscite-t-il cet automne l’impatience, à côté du succès surconfirmé deEdmondd’Alexis Michalik, dans le même Théâtre du Palais-Royal. Comédienne de légende, star internationale, légende vivante et produit dérivé, Sarah Bernhardt a totalisé l’idée même de théâtre et incarné la grandeur plus que nature de ces icônes, ces « monstres sacrés » désignés par Cocteau.
Quel défi, alors, de faire incarner Bernhardt sur scène, puisqu’il s’agit de défier la légende sur son propre terrain, celui du jeu, et l’on sait combien le sien pourrait atteindre les sommets et « casser les cadres », selon l’auteur de Enfants terribles.
En dirigeant la bien-aimée Estelle Meyer dans le rôle-titre, Géraldine Martineau, pensionnaire de la Comédie-Française, ne prétend pas faire de sa pièce un catalogue des représentations de « la Divine ». Et c’est sans doute une intuition juste, réservant à quelques passages épargnés la mise en abyme du théâtre autour de pièces choisies – Ruy Blaspar Victor Hugo, ou l’aiglonpar Edmond Rostand.
Pour investir le monument, la pièce commence par le commencement, depuis la jeunesse de l’actrice, et remonte le fil du temps scène par scène jusqu’à sa mort en 1923, à l’âge de 78 ans. Le concours du Conservatoire, les débuts écourtés à la Comédie-Française, la célébrité connue à l’Odéon, la grande tournée américaine, l’amputation de la jambe droite : nombre des grandes étapes de sa vie sont là, accompagnées par une distribution vive et animée, qui manque parfois de nuances et où l’on apprécie particulièrement Isabelle Gardien en fidèle assistante.
Le problème est qu’en esquissant à grands traits cette vie aux dimensions hors du commun, la pièce nous induit en erreur quant à ce qu’était Sarah Bernhardt : une expansion de l’échelle de l’existence, une aura et un feu intérieur, c’est-à-dire quelque chose d’indicible, d’innarrable. S’étirant trop dans le récit académique des moments clés de son ascension, la pièce est plus intéressante dès qu’elle assume la dimension tragique de l’héroïne confrontée à un temps qui s’écoule et avec lequel elle semble constamment en décalage – trop juive pour la France de l’affaire Dreyfus, trop émancipée pour la morale patriarcale de l’époque.
Malgré cela, quelque chose finit par imprégner cette construction elliptique. Quelque chose de l’impossibilité, justement, de saisir la diva dans son intégralité, obligeant la pièce à une tentative de reconstruction fragmentaire et fantomatique, qui gagne peu à peu en étrangeté.
A cet égard, le choix d’Estelle Meyer, comédienne de caractère et de voix, qui chante et joue ici avec la même aisance, donne un autre sens à la pièce : s’il est vain de vouloir imiter Bernhardt, elle pourrait revivre comme attitude, comme principe de jeu, dans un mode expansif de présence sur scène. Il ne reste alors qu’à fomenter, au fil des dates, l’intensité nécessaire à cette incarnation.
Le destin extraordinaire de Sarah Bernhardttexte et mise en scène Géraldine Martineau, du 27 août au 31 décembre 2024, au Théâtre du Palais Royal, Paris 1euh.
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