Une réforme des retraites pour rien ? C’est ce qui pourrait paraître à la lecture du dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié jeudi 13 juin, et qui prévoit un déficit de 5,8 milliards d’euros cette année. Pour l’avenir, l’organe consultatif rattaché au Premier ministre est encore plus pessimiste : le trou devrait continuer à se creuser jusqu’à 0,4% du PIB en 2030 (environ 14 milliards d’euros), soit autant que celui anticipé par le même COR en 2022, avant la réforme des retraites de 2023.
Le COR n’efface cependant pas totalement les effets de la réforme, soulignant son effet positif sur les finances publiques, grâce à l’augmentation du taux d’emploi et, donc, des recettes fiscales ou des cotisations sociales générées.
Pour expliquer ce déficit, le COR avance plusieurs causes. Tout d’abord, « l’effet des augmentations de retraite »notamment celui de 5,3% des retraites de base au 1er janvier 2024, et celui, plus limité à 4,9%, des retraites complémentaires des salariés du privé.
« Le système souffre d’un problème de recettes, pas de dépenses »
Il s’inquiète surtout d’une activité économique moins dynamique que dans ses précédentes estimations. Aussi, même si les dépenses du système de retraite (380 milliards d’euros l’an dernier) seront réduites, de 13,4% du PIB à 13,2% en 2070, ce sont les recettes qui devraient surtout marquer le coup, passant de 13,6% à 12,4% du PIB. .
« Cela confirme que le système souffre d’un problème de recettes et non d’un problème de dépenses »« , insiste-t-on côté syndical où l’on dénonce, depuis longtemps, les baisses de charges qui sont d’autant moins de recettes. Mardi soir, lors d’une réunion organisée par les syndicats autour de la réforme de l’assurance chômage, l’économiste Michaël Zemmour a estimé le manque à gagner pour l’ensemble du système de protection sociale à 90 milliards d’euros.
Mais l’argument ne convainc pas le nouveau président du COR, l’économiste Gilbert Cet, proche d’Emmanuel Macron, qui a remplacé à l’automne dernier Pierre-Louis Bras, qui avait, contre le gouvernement de l’époque, contesté un dérapage des dépenses.
Un seul « scénario de référence »
Voulant rompre avec un reportage trop compliqué, où chacun dessinait les chiffres qui l’intéressaient, Gilbert This insista sur un seul « scénario de référence » qui repose, pour l’avenir, sur un chômage à 5% en 2030, un taux de fécondité de 1,8 enfant par femme, une amélioration de l’espérance de vie et une croissance annuelle de la productivité horaire du travail de 1% à partir de 2030.
« Si certaines hypothèses peuvent paraître optimistes, d’autres peuvent être défavorables : il est très difficile de savoir comment elles vont se combiner », reconnaît Gilbert Cet, qui a intégré les variantes. Celle d’une croissance de la productivité réduite à 0,4% fait craindre aux syndicats que le rapport ouvre la voie à une nouvelle réforme des retraites visant à réduire les dépenses en relevant à nouveau les limites d’âge. Le dernier chapitre du rapport énumère les «des ajustements à faire pour équilibrer le système de retraite». « C’est purement comptable et ce ne sont absolument pas des recommandations »prévient Gilbert This.
Pas de sous-indexation des retraites
Les retraites sont rapidement devenues un sujet de campagne législative. Alors que Jordan Bardella revient sur la réforme de 60 ans défendue par le RN, la majorité sortante, défendant sa politique de l’offre, refuse toute augmentation des coûts, et donc des recettes. Quant à agir sur les retraites, ce serait politiquement risqué même si le Rassemblement national fait désormais jeu égal (26%) avec Renaissance auprès des plus de 65 ans, un électorat jusqu’alors largement soutenu par le président de la République.
Alors que Jordan Bardella accusait le gouvernement de préparer sa sous-indexation – un » Ligne rouge « également pour le leader des Républicains à l’Assemblée, Olivier Marleix – Emmanuel Macron a clairement confirmé mercredi à midi que les retraites seraient augmentées en fonction de l’inflation au 1er janvier. Avec une inflation autour de 2%, ce geste devrait coûter environ 5,3 milliards d’euros.
Pour faire des économies, Gilbert Ceci décide donc, mais » personnellement « pour la suppression de la réduction de 10 % dont continuent de bénéficier les retraités » honoraires professionnels « . Une mesure qui aurait le mérite de sauver les retraités modestes, qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu, et rapporterait 4 milliards d’euros.
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Une situation contrastée selon les régimes
Le régime de base des salariés est déficitaire, ceci étant principalement dû aux transferts effectués en faveur de régimes très déficitaires (comme celui des agriculteurs).
Les régimes de services publics sont déficitaires, notamment celui des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux (CNRACL) qui, selon la Cour des comptes, représentera les trois quarts du déficit de la branche vieillesse en 2027. Par convention, l’Etat équilibre automatiquement les retraites de ses propres agents .
Le régime complémentaire des salariés (Agirc-Arrco), géré conjointement par les syndicats et les employeurs, serait excédentaire jusqu’en 2070.