Donald Trump va-t-il bousculer, voire piétiner, les relations entre la France et les Etats-Unis, et au-delà avec l’Europe dans le domaine de la défense ? Le passé récent peut fournir des indices qui remettent en question de nombreuses idées préconçues. Au-delà des divergences politiques, les cabinets ministériels français ont plutôt bien travaillé avec l’administration Trump entre janvier 2017 et janvier 2021, lorsqu’il était locataire de la Maison Blanche, selon plusieurs sources interrogées.
Il est vrai qu’il existe un courant relativement dominant dans la diplomatie française, symbolisé par l’ancien ambassadeur aux États-Unis Gérard Araud, qui souhaite préserver les relations entre la France et les États-Unis quelles que soient les administrations en place. Le duo formé par Berlin et Paris « doit être particulièrement ouvert envers la nouvelle administration américaine choisie par le peuple américain »a expliqué à Paris la semaine dernière le ministre des Armées Sébastien Lecornu, en présence de son homologue allemand, Boris Pistorius.
Le F-35 est l’avion le plus vendu en Europe
En Europe, le pragmatisme prévaut vis-à-vis de Washington au vu de la puissance des Etats-Unis dans le domaine de la défense et des ventes d’armes. L’Europe dépense sans compter avec les fabricants américains en équipements militaires. Selon le Sipri, environ 55 % des importations d’armes des pays européens sur la période 2019-23 provenaient des États-Unis, contre 35 % en 2014-18. « Plus de la moitié des importations d’armes des États européens proviennent des États-Unis »a précisé le directeur de Sipri, Dan Smith, « alors que dans le même temps, l’Europe est responsable d’environ un tiers des exportations mondiales d’armes, dont des quantités importantes proviennent de la région, ce qui reflète la forte capacité militaro-industrielle de l’Europe ».
Symbole de la dépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis, le F-35, avion de combat le plus vendu dans les pays européens (Belgique, République tchèque, Danemark, Finlande, Allemagne, Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni et Suisse) malgré ses problèmes récurrents et son prix exorbitant, notamment en termes de support. Les trois avions européens (Rafale, Eurofighter et le suédois Gripen) ont été écrasés par le F-35 de Lockheed Martin, toujours critiqué aux Etats-Unis.
Pourquoi de tels achats ? L’acquisition d’un avion de combat est le symbole fort d’un achat qui se veut politique. Cela a amené l’ancienne ministre des Armées, Florence Parly, qui entretenait d’excellentes relations avec son homologue américain James Mattis, à ironiser en mars 2019 à Washington sur la clause de solidarité de l’OTAN qui « s’appelle l’article V, pas l’article F-35 ». C’est également le cas du Patriot de Raytheon, le système de défense aérienne le plus vendu en Europe : AllemagneEspagne, Grèce, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Suède, Suisse et Ukraine.
Les États-Unis se tournent vers l’Indo-Pacifique
Dans l’esprit de Donald Trump, une alliance, dont celle de l’Otan créée pendant la guerre froide, doit forcément lui apporter quelque chose. Il n’aime guère ce type de propos tenus par Florence Parly à Washington : « L’alliance doit être inconditionnelle, sinon ce n’est pas une alliance ». Face et consciente des nouveaux défis posés par l’arrivée de Donald Trump, l’Allemagne, très atlantiste, se sent en première ligne.
Convaincu que le centre de gravité des Etats-Unis va migrer vers l’Indo-Pacifique, Boris Pistorius a appelé lors de sa visite à Paris aux Européens à « serrer les rangs » Et « pour remplir » de façon « crédible » le départ des Américains d’Europe, où sont encore stationnés environ 100 000 GI. « C’est quelque chose qui va arriver. »il a insisté.