Le défi centenaire de la « diffraction atomique » enfin résolu grâce au graphène

Depuis plus d’un siècle, la science s’est efforcée de démontrer la diffraction des atomes, un phénomène majeur pour comprendre la matière à l’échelle atomique. Cette quête a mis à l’épreuve les connaissances des physiciens, mais c’est récemment grâce aux propriétés étonnantes du graphène, un matériau révolutionnaire, que cette frontière scientifique a été franchie. 

La diffraction : un principe fondamental pour comprendre la matière

La diffraction est un phénomène où des ondes, qu’il s’agisse de lumière, d’électrons ou d’atomes, se propagent et interagissent avec des obstacles ou des réseaux réguliers. C’est en observant ce phénomène que les scientifiques ont pu découvrir les propriétés ondulatoires de la lumière et des particules, menant à la formulation de la dualité onde-particule.

Pendant des décennies, les scientifiques ont observé la diffraction des électrons avec succès, mais la diffraction des atomes restait un mystère. Les atomes, étant beaucoup plus massifs et complexes que les électrons, résistaient à ce phénomène, ce qui retardait de manière significative nos capacités à étudier la matière à son échelle la plus élémentaire. L’idée d’un jour observer la diffraction d’un atome à travers un cristal semblait bien lointaine.

Le graphène : une révélation technologique

La percée a eu lieu grâce au graphène, une forme de carbone qui se compose d’une seule couche d’atomes disposés en une structure hexagonale. Ce matériau ultra-fin, d’une épaisseur d’un seul atome, possède des propriétés exceptionnelles, notamment une grande stabilité, une conductivité élevée et une résistance hors du commun. Ces caractéristiques ont attiré l’attention des scientifiques du monde entier, qui ont rapidement exploré ses applications dans divers domaines, de l’électronique à la nanotechnologie.

C’est précisément cette structure atomique exceptionnelle qui a permis aux chercheurs de surmonter un obstacle majeur dans la diffraction atomique. Alors que les atomes à haute énergie ont souvent endommagé les cristaux traditionnels utilisés pour la diffraction, le graphène, avec sa finesse et sa robustesse, est parvenu à supporter les collisions avec les atomes sans être détruit. C’est ainsi qu’une équipe de chercheurs menée par Carina Kanitz à l’Université de Vienne a réussi à observer la diffraction des atomes d’hydrogène et d’hélium à travers une feuille de graphène.

Les résultats de cette expérience, publiés en juillet 2023, ont permis de valider une hypothèse fondamentale : même des atomes peuvent présenter des comportements ondulatoires à travers des cristaux, à condition que les conditions expérimentales soient optimisées, en particulier la durée d’interaction entre les atomes et le cristal.

Les chercheurs ont observé des schémas de diffraction avec jusqu’à huit vecteurs réciproques du réseau, ce qui démontre la cohérence et la précision de la diffraction. Le secret de cette réussite réside dans la faible durée de l’interaction entre les atomes et le graphène. Cette courte interaction empêche un transfert excessif d’énergie qui aurait pu endommager le cristal, permettant ainsi aux atomes de diffracter sans causer de dégradation matérielle.

Des particules agissant comme des ondes créent un motif de diffraction circulaire après avoir traversé une petite ouverture. cRÉDITS : DEGGINGER/BIBLIOTHÈQUE PHOTOGRAPHIQUE SCIENTIFIQUE

Vers de nouvelles frontières en physique et nanotechnologie

Cette percée en diffraction atomique ouvre de nouvelles perspectives dans la nanotechnologie et la physique des matériaux. En comprenant mieux les comportements ondulatoires des atomes, les scientifiques peuvent non seulement affiner les modèles théoriques de la matière, mais aussi développer des technologies de pointe permettant de manipuler la matière à l’échelle atomique. Cela pourrait avoir un impact majeur sur des domaines comme la création de matériaux sur mesure, l’imagerie atomique et le stockage d’information quantique.

Les implications pour les ordinateurs quantiques et la physique quantique sont également vastes. En observant les atomes en interaction avec des matériaux comme le graphène, il devient possible de manipuler et de contrôler ces atomes avec une précision inédite, ce qui pourrait rendre les ordinateurs quantiques plus puissants et plus accessibles. De plus, cela pourrait permettre une meilleure compréhension des phénomènes quantiques tels que l’entrelacement et la superposition, qui sont à la base des technologies de l’avenir.

Une pré-impression décrivant l’expérience est disponible via arXiv et n’a pas encore été évaluée par des pairs.

Jewel Beaujolie

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Jewel Beaujolie

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