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Le coût écologique insoutenable du boom de l’IA

IA ne rime pas avec climat. L’essor actuel du secteur de l’intelligence artificielle (IA) met particulièrement en péril les plans «  zéro émission nette » des grandes entreprises technologiques. Un graphique récent des résultats trimestriels de Microsoft montre que ses investissements dansIA explose, le géant technologique s’éloigne d’une hypothétique neutralisation de ses émissions de carbone d’ici 2030.

Selon une projection de l’Agence internationale de l’énergie, l’industrie mondiale des centres de données,IA et les actifs cryptographiques devraient doubler leur consommation d’électricité d’ici 2026, générant un excédent de 37 milliards de tonnes CO2 dans l’atmosphère. Cela représente l’équivalent de la consommation annuelle d’un pays comme le Japon. En France, ce seul secteur devrait générer, chaque année, 50 millions de tonnes de CO2 en 2050, préviennent les autorités de régulation Arcep et Arcom.

Sam Altman, le patron d’OpenAI, la société qui a popularisé l’utilisation de IA générative avec son programme ChatGPT, a admis en janvier dernier qu’il n’avait pas vraiment «  savoir mesurer les besoins énergétiques de cette technologie »alimentant une question lancinante : le boom de IA Est-il probable que cela aggrave le dérèglement climatique ? ?

Course à la puissance de calcul

Électricité, eau, terres rares, matériel (tous les composants d’un ordinateur) : l’empreinte matérielle de cette industrie numérique est longtemps restée un angle mort. À ce jour, elle reste «  très difficile d’avoir des données robustes pour quantifier le poids écologique réel de cette industrie »prévient Valentin Goujon, spécialiste de l’intelligence artificielle et doctorant en sociologie au Medialab de Sciences Po. La cause ? «  L’opacité des géants du numérique qui communiquent très peu sur leurs infrastructures informatiques, considérées comme des actifs stratégiques. »

Cependant, l’observation des ordres de grandeur disponibles donne le vertige. Car le boomIA est avant tout une course à la puissance de calcul. Et c’est d’abord le secteur des datacenters qui est en ébullition. La construction de datacenters de «  grande capacité » La demande d’électricité devrait tripler d’ici six ans, selon Synergy Research. Une courbe ascendante qui se reflète dans la demande d’électricité.


Centres de données Google dans l’Iowa, aux États-Unis.
Wikimedia Commons/CC PAR 2.0/Chad Davis

En France, cette accélération est déjà très concrète, notamment en Île-de-France. Le secteur des data centers pourrait à lui seul mobiliser la puissance de 5 à 7 réacteurs nucléaires d’ici 2030, affirme Cécile Diguet, directrice du département transformation urbaine de l’agence d’urbanisme d’Île-de-France, dans les colonnes de Monde. Et pour avertir : «  Attention à ne pas fragiliser le réseau comme en Irlande. »

Réseau saturé, stress hydrique et terres rares

En Irlande, pays qui se revendique à la pointe de cette industrie, ce boom devrait mobiliser un tiers de la production électrique totale du pays en 2026, selon une projection de l’Agence internationale de l’énergie, relayée par le GardienEn cas de choc de demande dû à des phénomènes saisonniers, comme un hiver rigoureux ou une tempête, cette forte demande pourrait conduire à une saturation du réseau électrique.

Cette tension est déjà très palpable aux Etats-Unis, où la construction de data centers explose, générant un triplement anticipé de la consommation électrique du secteur d’ici 2030. De quoi alimenter les inquiétudes de l’opinion publique, notamment parce que certains Etats comme le Texas doivent également supporter la très forte consommation des mineurs de Bitcoin.

Lire aussi : Datacenters : leur consommation d’eau va exploser

Outre la demande en électricité, il faut également compter avec la demande en eau, qui est largement utilisée pour refroidir les équipements. Google annonce une augmentation nette de sa consommation d’eau de 17 % pour 2023. % de plus qu’en 2022, alors que chez Microsoft on parle de 34 % d’augmentation en 2021. Mais l’eau n’est pas la seule matière première en tension.

Il faut également prendre en compte, en amont de la chaîne de production, la demande en minéraux et terres rares qui entrent dans la composition des puces et microprocesseurs, comme ceux fabriqués par le géant américain Nvidia. Actuellement, c’est notamment le cuivre qui voit sa production augmenter. «  siphonné » par l’industrie deIAselon le journal Wall Street.

Mais ces métaux précieux sont extraits dans des conditions sociales et environnementales souvent désastreuses. En Birmanie, cette industrie alimente ainsi une «  pillage généralisé des ressources naturelles »l’alarme est déclenchéeONG Global Witness : À Taïwan, premier producteur mondial de microélectronique avancée, cette industrie stratégique accroît le stress hydrique dans un pays régulièrement frappé par la sécheresse, montre le chercheur Gauthier Roussilhe.

Embryons régulateurs

À l’heure où le changement climatique s’aggrave, le défi environnemental posé par l’essor deIA ne peut plus être ignoré. Aux États-Unis, un projet de loi baptisé Artificial Intelligence Environmental Impacts Act a été déposé début 2024 au Congrès pour examiner en profondeur les conséquences écologiques de ce secteur et proposer une régulation adaptée. Un volontarisme affiché qui contraste avec la timidité duIA Loi européenne qui, tout en fournissant un premier cadre réglementaire pour le secteur, ne s’attaque pas à son coût environnemental.

En France, le groupe public Ecolab s’est emparé du sujet et propose une approche«  IA frugal » pour répondre à la soif d’énergie et de matières premières de ce secteur. Pour y parvenir, l’agence compte s’appuyer sur les pépites françaises de la GreenTech, des entreprises engagées dans la construction de technologies plus vertes et plus économes en énergie.

Au niveau international, l’engagement pour réduire le coût environnemental de l’intelligence artificielle est porté par la Green Software Foundation, qui rassemble des acteurs publics comme les principaux industriels du secteur, soutenus par de grands cabinets de conseil.

La géo-ingénierie comme palliatif

Les patrons des principaux géants technologiques impliqués dans la course à laIA semblent prendre conscience du problème du coût environnemental de leur industrie. Mais pour eux, l’enjeu reste surtout financier. Le patron d’Alphabet, la maison mère de Google, a reconnu dans un échange avec Reuters qu’intégrer Bard, leur chatbot doté deIA dans le moteur de recherche, conduirait à multiplier par dix le coût par requête. En effet, pour une requête simple, Google mobilise les données déjà indexées sur internet, alors qu’il ajoute une couche deIA pour le même service nécessite beaucoup plus de puissance de calcul. Pour un service égal,IA consomme trente fois plus d’énergie, note le chercheur Sasha Luccioni de l’entrepriseIA Visage qui fait un câlin.

Interrogé au Forum économique mondial sur l’avenir d’une industrie si gourmande en énergie et en matières premières, Sam Altman a choisi de s’appuyer sur le progrès scientifique et l’innovation. Le seul moyen, selon lui, d’absorber la demande exponentielle de son industrie. Il se déclare confiant dans les principes de «  La géo-ingénierie comme palliatif ».

Une déclaration aux accents technosolutionnistes qui n’étonne pas Loup Cellard, chercheur et membre du Medialab à Sciences Po et rédacteur en chef de la revue critique Tèque : «  La crise climatique est perçue comme une crise d’efficacité. Les industriels duIA s’appuient donc sur des solutions technologiques pour optimiser le secteur, sans jamais remettre en cause sa fuite en avant. »

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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