Certains soldats du Palmach, l’armée pré-israélienne, portaient des manches à balai sur leurs épaules pour faire croire à l’ennemi qu’ils portaient des fusils. En guise de bombardement, les premiers pilotes de chasse israéliens lançaient des grenades à main depuis leurs avions biplaces. Ils manquaient d’armes, mais pas de courage. En 1948, 1967 et 1973, Israël a affronté simultanément toutes les armées du monde arabe, le long de toutes ses frontières, alors que Tsahal était largement dépassé en nombre, manquait d’armes et de munitions en quantité suffisante, et que l’économie du pays était beaucoup plus précaire qu’aujourd’hui. Il y a trois raisons pour lesquelles Israël a triomphé de ses ennemis malgré ces désavantages et ces pénuries.
La première est que tous ces conflits représentent une menace existentielle pour l’État hébreu. Or, ce n’est pas du tout le cas pour l’adversaire.
D’où la deuxième raison, la motivation des troupes. Les combattants israéliens défendent leur patrie, leur famille. Qu’ils soient juifs, musulmans ou chrétiens, tous se battent pour les valeurs de liberté et de démocratie que prône leur nation. Tandis que les soldats arabes ou iraniens sont contraints d’abandonner leurs foyers et envoyés au feu sur ordre de dictateurs qui dirigent leur pays d’une main de fer.
La troisième raison est l’arme secrète qui assure la supériorité militaire de Tsahal, quelles que soient les forces en présence, les conditions sur le terrain, les différences de quantité et de qualité des soldats ou du matériel. Cette arme n’a besoin ni d’un hangar pour la stocker, ni de carburant pour la faire fonctionner. Les États-Unis n’ont pas besoin de nous la livrer et aucun embargo ne peut l’empêcher de fonctionner. Impossible à localiser, indestructible, elle a fait ses preuves à maintes reprises. Son nom de code est : chutzpah. Un mot hébreu qui signifie « culot », « joue », « audace ».
Dans une lutte contre le terrorisme et les forces de l’obscurantisme, il n’y a pas de règles du jeu à respecter, pas de parole à tenir. Acceptons demain un cessez-le-feu à Gaza en échange de tous les otages. Signons solennellement l’accord. Et reprenons les combats dès que le dernier otage sera rentré chez lui. Utilisons les filières de contrebande d’armes pour fournir des mitrailleuses bon marché qui s’enrayent et des grenades qui explosent dans vos mains. Annonçons officiellement et dans les médias que Sinwar, le bourreau de Gaza, est mort. Pour le forcer à prouver qu’il ne l’est pas. Une vidéo avec le quotidien ne lui suffira pas puisqu’elle peut être montée aujourd’hui avec les outils de l’Intelligence Artificielle. Nous négocions la libération des otages avec un fantôme, sans savoir si les réponses que nous donne le Hamas viennent vraiment de son chef.
Et surtout, taisons-nous ! L’une des faiblesses majeures de notre stratégie actuelle est la communication. Non pas tant parce que nous communiquons mal, mais parce que nous communiquons trop. Beaucoup trop. Tout est dit, déclaré, annoncé, discuté. La recette des plus grands coups de Tsahal et du Mossad a pour ingrédient essentiel le silence. Piéger, tromper, et ne rien dire, même après coup. Mais ces jours-ci, tout le monde a son mot à dire sur tout, y compris les généraux et les anciens chefs du Mossad. C’est saboter notre meilleur atout, celui qui a si souvent assuré notre imprévisibilité avec l’adversaire. Israël a oublié comment se taire.
Israël s’expose au point d’accepter de comparaître devant un tribunal dont le nom même de « tribunal international » est une insulte à la justice. Heureusement, l’opération du 8 juin, au cours de laquelle quatre otages israéliens ont été libérés des griffes du Hamas, nous a soudain ramenés à l’ère de l’audace, de l’imprudence et des coups d’État discrètement préparés. Et d’une bonne dose de « chutzpah ».