Le costume bleu marine, « ni trop chic, ni trop plouc »… la mode chez les politiques décryptée par les experts
Le costume bleu marine imposé par Nicolas Sarkozy, cravate obligatoire au Rassemblement National, pas du tout pour Jean-Luc Mélenchon ou costume pour Rachida Dati, que signifie la mode en politique ?
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des basiques, de l’audace mais surtout une convergence de styles quelles que soient les tendances. De Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et François Hollande, retour sur l’évolution du vestiaire politique en France, décrypté par des experts.
Le costume bleu marine
L’homme politique français a son uniforme, le costume bleu marine, ajusté et généralement un peu étroit, accompagné d’une chemise blanche et d’une fine cravate. Une gamme qui commence à s’imposer sous Nicolas Sarkozy, sonnant la fin du costume de flanelle grise.
« Ce costume bleu marine envoie respectabilité, autorité et surtout non-ostentation. On ne peut pas lui donner un prix, l’accuser d’élégance exagérée« , analyse le journaliste spécialisé dans la mode masculine Marc Beaugé. Selon lui, « la social-démocratie, le centre, allez avec ce lissage de style » et une convergence d’indices vestimentaires.
Le « ni trop chic, ni trop redneck »
Avec quelques contre-exemples, comme le long look austère de la socialiste Ségolène Royal avant d’opter pour un style plus décontracté dans les années 2010.
Les femmes politiques, de droite comme de gauche, ont elles aussi progressivement abandonné les tenues de créateurs, malgré le goût de certaines pour la mode et la couture, comme la ministre de la Culture Rachida Dati, que l’on voit presque exclusivement en tailleur-pantalon depuis son entrée au gouvernement.
En pleine Coupe du monde 2014, le journaliste Marc Beaugé a été convoqué pendant deux heures à l’Elysée, raconte-t-il : «avec ordonnance», pour le coaching en image de François Hollande, qui lui donne le mot d’ordre «ni trop chic ni trop redneck« .
Regarder à gauche ou à droite ?
En 2012, une étude publiée dans le Journal of Economic Behavior & Organization demandait à un échantillon de Français de désigner le camp politique de 550 candidats européens à partir d’une simple photo. « Nous avons regardé concrètement ce qui différenciait dans la tête des gens l’apparence d’un député de gauche ou de droite.« , explique son auteur, l’économiste Pierre-Guillaume Méon.
« On s’est rendu compte que, dans des looks très standardisés, c’était la couleur de la cravate qui jouait un rôle, rouge ou colorée pour la gauche, bleue pour la droite. Ensuite la proportion de députés barbus et moustachus qui est plus grande à gauche« , il ajoute. « Et enfin les lunettes, plus fréquentes à gauche qu’à droite. Ainsi que, pour une raison inexpliquée, montrer les dents en souriant, un marqueur droit« , dévoile l’économiste.
Pouvoir de communication pour le président
La macronie a rendu obsolète la chaussure de ville mais vante l’uniforme du costume bleu, emblème de l’homme politique. Pour se fondre dans le décor, l’ex-avocat devenu ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, l’adopte également, d’autant qu’il est demandé à ce grand amateur de montres de luxe de les laisser chez lui.
Emmanuel Macron, qui apparaît occasionnellement sur ses réseaux sociaux en tenue de sport ou en sweat-shirt décontracté, maîtrise également le pouvoir de la communication à travers le vêtement. Le 9 juin au soir, pour annoncer la dissolution, le président a exceptionnellement décidé de porter un… costume noir.
« Mieux que le Français moyen » au RN
Entré en force à l’Assemblée en 2022, le Rassemblement national utilise le vêtement pour asseoir sa stratégie de diabolisation. Après les élections législatives de cette année-là, Marine Le Pen impose le port de la cravate à tous ses élus, « même si presque plus personne n’en porte en France« , note Marc Beaugé.
« Le député RN doit être mieux habillé que le Français moyen« , décrypte l’expert, à propos de cette soi-disant stratégie »de la cravate« .
L’égalité pour Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon, leader des Insoumis, n’enlève pas sa chevalière, symbole de la tradition ouvrière et révolutionnaire. La France Insoumise (LFI) a elle aussi immédiatement politisé la question vestimentaire à l’hémicycle.
Accusé par LR Renaud Muselier d’avoir comparu « sale et débraillé« , le bloc des députés LFI saisit l’occasion pour un match nul à l’Assemblée le 26 juillet 2022 : tenue débraillée et cravate par-dessus.