« Le combat pour une fiscalité juste dépasse la seule dimension économique »
« Trop d’impôts tuent les impôts », « La France n’aime pas les riches », « Marre des impôts »… Depuis des décennies, la fiscalité est discréditée à coup de clichés et de fausses vérités, soupçonnée d’être à l’origine de tous les maux de notre société. Un discours pernicieux et cynique, qui a réussi à convaincre les classes moyennes que quand on parlait de taxer les plus riches, c’était en réalité elles qui étaient visées.
Politiquement, le travail de sape et de déformation de la réalité a parfaitement fonctionné. Prenons l’exemple de la fiscalité des successions. Alors qu’il constitue un puissant vecteur de reproduction des inégalités et que les 10 % les plus riches accumulent aujourd’hui plus de la moitié du patrimoine total – comme au XIXee siècle – les Français restent largement opposés à une augmentation des droits de succession. Une inversion de la réalité qui visait à réduire massivement les impôts des plus riches. Et le stratagème a fonctionné : aujourd’hui, la fiscalité sur la fortune a disparu dans toute l’Europe, sauf en Espagne.
Mais la réalité rattrape désormais l’idéologie : impossible de cacher l’explosion de la fortune des milliardaires à la fin de l’épidémie de coronavirus et pendant la crise inflationniste. Une situation de moins en moins tenable. Socialement d’abord, alors que 31% des parents européens sautent des repas pour nourrir leurs enfants, selon le Baromètre Libérer/Vivavoice. Ensuite sur le plan économique, lorsqu’il faudra financer la transition écologique, la défense et la réindustrialisation du continent.
Il y a plus d’un an, des économistes, comme Joseph Stiglitz et Gabriel Zucman, et plus de 130 députés européens appelaient à la mise en place d’un accord sur la fiscalité des ultra-riches, sur le modèle de ce qui a été fait pour les multinationales. En France, l’économiste Jean Pisani-Ferry, une des plumes du programme d’Emmanuel Macron en 2017, réclame une fiscalité « basé sur les actifs financiers des ménages les plus riches » financer la transition écologique ; Dominique Seux, éditorialiste du quotidien Les échosreconnaît que » les classes moyennes paient proportionnellement plus d’impôts que les ultra-riches ». Et à l’échelle internationale également, les choses évoluent très rapidement : le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne ont tous réclamé une taxation des ultra-riches.
Côté opinion publique, un récent sondage révèle que 65 % des Français sont favorables à un impôt temporaire sur les surprofits des entreprises, et plus de la moitié à un impôt sur la fortune. Dans l’ensemble de l’Union européenne, 78 % de la population pense que son gouvernement devrait faire davantage pour lutter contre les inégalités de revenus.
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