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le combat d’une mère contre l’inceste et les violences sexuelles

Julie s’est confiée à franceinfo et a dénoncé les difficultés rencontrées pour protéger ses enfants de leur père, condamné à un an de prison avec sursis après la découverte de pédopornographie. Elle exige que le principe de précaution soit appliqué dès le dépôt d’une plainte.

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En France, deux à trois enfants par classe sont victimes d'inceste, 96 % des agresseurs sont des hommes. Photo illustrative. (GETTY IMAGES)

« Un week-end, alors que l’homme était absent, j’ai vérifié son ordinateur pour voir s’il y avait des fichiers pédopornographiques »Julie* raconte à franceinfo. Elle a trois enfants, un mari, une vie parfaite, dit-elle, mais malgré tout un soupçon s’installe dans son esprit et finit par chambouler sa vie. Alors que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant fête ses 35 ans, mercredi 20 novembre 2024, les experts mandatés par l’ONU l’affirment : la France doit mieux protéger les enfants de l’inceste.

Les chiffres sont là : deux à trois enfants par classe sont victimes d’inceste, 96 % des agresseurs sont des hommes. Les experts, mandatés par l’ONU, appellent la France à «lutter contre la discrimination et la violence auxquelles sont confrontées les mères qui tentent de protéger leurs enfants de la prédation sexuelle« Mais aujourd’hui, des mères, comme Julie, sont hors la loi : elles accusent le père de leur enfant de l’avoir agressé sexuellement ou violé et refusent de respecter le droit de garde de ces hommes, en attendant que leur plainte soit traitée.

Dans le cas de Julie, qui s’est confiée à franceinfo, la police a retrouvé plus de 10 000 photos et vidéos dans l’ordinateur de son ex-mari, professeur des écoles. Il a été condamné à un an de prison avec sursis, à 24 mois d’obligation de garde et à l’interdiction à vie de travailler avec des mineurs. « Cette condamnation a protégé les enfants des autres, mais elle n’a pas protégé les miens« , résume-t-elle.

Durant ces deux années d’obligation de garde, le père ne peut en théorie voir ses enfants qu’en présence d’un tiers. Mais le jour des 3 ans du petit dernier, la crèche appelle Julie pour lui faire part de propos inquiétants.

« Il a dit spontanément : ‘Papa est méchant, il me caresse là où je ne veux pas’. J’ai refusé de lui laisser les enfants. L’homme porte plainte à chaque fois que je ne lui représente pas les enfants. »

La mère de trois enfants a également porté plainte pour agression sexuelle sur mineur. Mais quelques mois plus tard, son ex-mari a à nouveau le droit d’être seul avec ses enfants. Julie a laissé son fils partir en vacances avec son père et sa grand-mère paternelle en juillet dernier. Au retour de ce séjour, Julie reçoit un nouvel appel de la crèche et un nouveau témoignage de l’enfant : « Il me dit qu’il ne veut plus partir en vacances avec papa et grand-mère, que ‘Papa et grand-mère sont méchants.’ Papa touche mon willy. J’ai sorti mon téléphone, je l’ai filmé et j’ai de nouveau porté plainte à la police.« .

Depuis, Julie refuse une nouvelle fois de laisser ses enfants avec leur père. Elle attend mercredi 20 novembre la décision du juge aux affaires familiales qui doit donner raison à l’un des parents : chacun réclame la garde, le père réclame également 500 euros par jour de non-représentation de l’enfant. « J’ai vraiment, vraiment peur. Pourquoi mon fils n’est-il pas simplement cru et protégé ?« , interpelle cette mère.

Ce que dénoncent les mères comme Julie, et celles qui les défendent, c’est que la justice n’applique pas le principe de précaution au moment de porter plainte. Aujourd’hui, la suspension du droit de garde n’est automatique qu’en cas de mise en examen. Avant cette décision, le juge peut décider de retirer le père de l’enfant pour la durée de l’enquête, mais rien ne l’y oblige. Le fait de ne pas représenter un enfant peut quant à lui entraîner des peines de prison ou la perte de la garde de la mère.

Pour Agathe Morel, avocate spécialisée dans la défense des victimes mineures, les dossiers comme celui de Julie sont son quotidien.

« Ce sont des situations extrêmement fréquentes. Bien trop souvent, le principe de précaution n’est pas appliqué.»

Agathe Morel, avocate spécialisée dans la défense des victimes mineures

sur franceinfo

Pour cet avocat, le principe de précaution ne va pas à l’encontre de la présomption d’innocence. « C’est juste l’heure d’une enquêteexplique-t-elle. Alors on nous dit qu’ils sont trop longs. Mais ce n’est pas là le problème des mères qui dénoncent, il faut juste qu’elles soient plus petites. Il s’agit de ne pas prendre le risque de livrer l’enfant à un agresseur potentiel.« .

Maître Agathe Morel regrette également que le sujet reste méconnu des magistrats. « Je me souviens de l’année dernière à Bobigny, une affaire d’inceste. J’avais un avocat général qui était jeune, âgé de 30 à 35 ans. Elle ne connaissait pas les chiffres de l’inceste, alors que c’est son métier. C’est vertigineux. J’ai aussi été très surpris que lors d’une conférence, un juge des enfants aguerri reconnaisse que parfois les situations sont trop dures à supporter, il préfère donc être dans le déni.« , dit-elle.

Cette justice, qui cristallise les critiques, doit-elle s’améliorer ? Selon Cendra Leblanc du syndicat des magistrats, elle-même ancienne juge des enfants, des dysfonctionnements sont possibles, mais ils proviennent avant tout d’un manque de moyens. « Ce sont des décisions difficiles à prendre, qui demandent aussi du temps, de la réflexion, parfois des discussions avec d’autres collègues, dont nous ne disposons pas forcément.explique ce magistrat. Il existe une politique globale concernant la violence domestique. Mais en ce qui concerne les violences sur mineurs, le compte n’y est pas.« .

Il y a une semaine, le Sénat a voté l’extension d’une mesure d’urgence à l’inceste : l’ordonnance de protection. Cela permet aux juges aux affaires familiales de prendre des mesures d’éloignement, un outil actuellement réservé aux affaires incluant des violences conjugales. Mardi 19 novembre, la CIIVISE, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles contre les enfants, réunie en commission plénière, a souligné «l’urgence d’un texte pour mieux protéger les
enfants victimes d’inceste et de violences sexuelles« . Dans un communiqué, la commission estime « qu’en l’état actuel du droit, la protection des enfants prévue par la loi de mars 2024 arrive beaucoup trop tard au vu de l’heure de l’enquête pénale : il est donc indispensable de prévoir un dispositif d’urgence« .

*Le prénom a été modifié

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