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Le collège, lieu d’innovations linguistiques

Le collège, lieu d’innovations linguistiques

LLe collège est une vaste usine à mots, aux innovations lexicales généralement fugaces, qui forment un ciment social adolescent irremplaçable. « En adoptant un nouveau vocabulaire, le collégien manifeste son appartenance au groupe tout en existant comme sujet, différent des autres »souligne Cyril Trimaille, maître de conférences en sciences du langage à l’université Grenoble-Alpes. Ces acquisitions, précise-t-il, atteignent un pic en classe de 5eet.

Le but du jeu, comme on pouvait s’y attendre, est aussi de plonger les adultes dans les profondeurs de la perplexité à l’aide de nombreux contrepoints linguistiques. L’une des manifestations les plus récentes de cette quête d’autonomie linguistique est la manière dont les collégiens, et surtout les collégiennes, s’adressent à leurs camarades, y compris aux autres filles, en les appelant « frères ». Apparue dans les écoles des quartiers populaires, cette forme paradoxale de sororité, formulée avec un naturel désarmant, est couramment entendue en dehors des collèges des quartiers plus aisés.

« Pour certaines filles, c’est une manière de subvertir les formes de domination masculine, mais en général l’expression correspond à un simple mimétisme. »estime Cyril Trimaille. Une fois l’effet de surprise passé, cette apostrophe est généralement accueillie avec une empathie amusée par les parents. Jusqu’au moment où eux-mêmes sont adressés comme « frère » par leur progéniture. Dans la même veine, le collégien désigne tout ce qui est cher à sa communauté affinitaire en considérant que « c’est le sang ». Variante abrégée possible : « c’est le S ».

Mouvement perpétuel

Le réseau social TikTok, grand propagateur sémantique, est directement à l’origine du furtif « quoicoubeh », expression virale apparue en 2023 et disparue aussitôt. Le principe consistait à poser une question suffisamment vague à votre interlocuteur pour qu’il formule un « quoi ? » interrogatif vous permettant de lui renvoyer un tonitruant « quoicoubeh ! ». Humour préado…

Aux parents de adolescents n’aura pas échappé à la forte popularité d’expressions comme « de base », « avoir un crush » ou d’acronymes comme « PLS ». Celui-ci désigne littéralement la position latérale de sécurité mise en œuvre pour réanimer une personne ayant perdu connaissance et, au figuré, un état de choc (« le prof d’anglais n’en revenait pas, il était en PLS »). Autre création du collège : traiter quelqu’un de « baka », qui signifie « fou » ou « imbécile » en japonais. Un terme directement issu de la culture manga.

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