Le chemin de croix de Joe Biden

Même Donald Trump semblait gêné sur le plateau. C’est peu dire. Il n’y a pas eu de véritable débat sur CNN le 27 juin entre le candidat républicain et Joe Biden. Ce soir-là, à la surprise générale, le président des Etats-Unis a échoué dans son seul défi : montrer au public américain qu’il pouvait prétendre à un nouveau mandat malgré ses 81 ans. Il a vécu un calvaire dès la première minute, trahi par sa voix défaillante, par son esprit incapable d’articuler un argument, par sa mémoire, par sa mâchoire tombante et son regard vide.

Sur le plan humain, on aurait dit un naufrage au ralenti, retransmis devant 50 millions de téléspectateurs. Sur le plan politique, nul doute que l’on assistait à une explosion, tant les dégâts étaient immenses, voire irréparables.

Les jours qui ont suivi auraient dû provoquer une mobilisation totale de la campagne Biden-Harris. Ils n’ont pourtant fait qu’amplifier la contestation autour de la candidature du président. Chez les démocrates, le désarroi immédiat a laissé place à la panique, puis à une colère contenue, face à un constat : l’insuffisance de la communication officielle, pour répondre aux questions légitimes soulevées par le débat. Mais le parti lui-même s’était aligné sans broncher, en début d’année, derrière Joe Biden, lors de primaires purement formelles. Il a fallu attendre le débat pour que le tabou de sa condition vole en éclat.

Les donateurs trompés

Au lendemain de ce désastre, la priorité de l’équipe de campagne est de remplacer ces clips viraux par d’autres images positives. Le lendemain, Joe Biden s’exprime à Raleigh, en Caroline du Nord, devant des partisans surexcités. Sa voix et sa posture sont complètement différentes, mais l’exercice non plus. Pas de contradiction, pas d’improvisation : il lit sur un prompteur. « Je ne marche plus aussi facilement qu’avant. Je ne parle plus aussi facilement qu’avant. Je n’argumente plus aussi bien qu’avant. Mais je sais ce que je sais. Je sais dire la vérité. Je sais distinguer le bien du mal. Je sais comment faire ce travail. »

Cette séquence ne dissipe pas les doutes : elle ajoute à la confusion. Peut-on avoir un candidat sur le courant alternatif ? Une pluie d’éditoriaux et d’analyses s’abat sur la Maison Blanche, New York Times en tête. Le grand quotidien appelle le Parti démocrate à « placer les intérêts de la nation au-dessus des ambitions d’un seul homme. »

Certains donateurs, dont l’argent finance en grande partie la campagne, sont furieux : ils ont le sentiment d’avoir été floués. Lors du Festival des idées d’Aspen (Colorado), samedi 29 juin, le PDG du groupe Endeavor, Ari Emanuel, a souligné que Joe Biden avait promis de ne faire qu’un seul mandat. Il l’a comparé à son propre père, à qui il a confisqué les clés de sa voiture à 81 ans. « J’ai parlé à un groupe de grands donateurs, ajoute Ari Emanuel, et ils transfèrent tout leur argent au Congrès et au Sénat. Ou les courses électorales encore gagnables, si l’élection présidentielle est compromise.

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