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le chef du Hezbollah menace les chrétiens d’une guerre civile

le chef du Hezbollah menace les chrétiens d’une guerre civile

Une pluie battante glissant doucement sur les vieilles pierres d’une ville totalement silencieuse : ce lundi, les commerçants de l’ancienne Byblos, au nord de Beyrouth, avaient baissé leurs devantures pour protester contre l’enlèvement et l’assassinat de Pascal Sleiman, le chef local des Forces libanaises. . L’homme a été kidnappé et tué dimanche, puis son corps a été transporté vers la Syrie voisine et sa voiture abandonnée dans la région de Tripoli.

Sept Syriens ont déjà été arrêtés et affirment avoir simplement tenté de lui voler sa voiture : paniqués, ils ont alors tenté de traverser la frontière pour dissimuler leur crime. Une thèse d’un crime de droit commun qui ne convainc naturellement personne et surtout pas les deux principaux groupes chrétiens du pays, les Phalanges et les Forces Libanaises. Sans le nommer explicitement, tous les regards se tournèrent alors vers le Hezbollah, trop heureux d’attiser les braises des divisions religieuses à l’heure où il était lourdement bombardé par Israël à sa frontière sud.

Au-delà du fond de l’affaire, celle-ci prend très vite une tournure politique. Responsable ou non, le leader du mouvement terroriste Hassan Nasrallah a clairement accusé les partis chrétiens d’être « semeurs de discorde ». « Nous avons franchi une étape très, très, très dangereuse », a-t-il également déclaré, ciblant toujours nommément les chrétiens. Il a également consacré une partie de son discours à la mort de Mohammad Reza Zahedi, un cadre des Gardiens de la révolution tué par les frappes israéliennes sur le consulat iranien à Damas, laissant entendre que la riposte pourrait partir du territoire libanais.

Une tentative de détournement

Selon David Rigoulet Roze, chercheur associé à l’Iris et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégies, dont le dernier numéro était consacré aux polycrises et menaces existentielles qui pèsent sur le Liban, « La tension monte de plus en plus après les annonces américaines sur l’Iran ». Il estime probable que « Quelque chose se produit bientôt à la frontière avec Israël qui forcera le Hezbollah à intervenir plus directement. » C’est dans ce contexte qu’Hassan Nasrallah a alimenté les soupçons à l’égard de la communauté chrétienne, qui pourrait ne pas être à ses côtés dans son éventuel engagement contre Tel-Aviv.

David Rigoulet ajoute : « Dans le même temps, le Hezbollah ne peut se permettre d’être à l’origine du conflit et adopte actuellement une logique de réponse graduée sans envisager de se retirer en aval du fleuve Litani, limite couverte par la FINUL (Force intérimaire des Nations Unies au Liban). » Le risque existe d’ouvrir une boîte de Pandore avec un nouveau front, avec trois divisions israéliennes déjà opérationnelles à la frontière.

La suite après cette annonce

Depuis le déclenchement des hostilités par le Hamas en octobre dernier, l’organisation soutenue par Téhéran mène en effet une guerre larvée contre Israël, qui a déjà fait 355 morts et 90 000 déplacés, et fait craindre aux Libanais un rattrapage du pays. dans le conflit malgré lui.

Un problème qui s’ajoute à celui de la présence de plus de deux millions de réfugiés syriens au pays du cèdre, accentuant encore son rôle de caisse de résonance de toutes les instabilités régionales.

Un État infiltré par le Hezbollah

Depuis les accords de Taif en 1989, tous les partis politiques libanais ont déposé les armes, à l’exception du Hezbollah, qui est désormais la première puissance politique et militaire du pays. Elle surpasse également en puissance l’armée nationale d’un État incapable d’affirmer sa propre souveraineté, brisant de fait le fragile équilibre confessionnel forgé à la fin de la guerre civile.

« Le Hezbollah, c’est l’Iran ! » La question aujourd’hui est de savoir s’il s’emparera définitivement de toutes les institutions du Liban en imposant un candidat qui lui est favorable à la tête du pays.indique Gilles Delafon, chercheur à l’Institut Thomas More et spécialiste du Liban. Depuis un an en effet, le Liban, en plein déclin, n’a toujours pas de Président de la République (NDLR : selon la logique politique confessionnelle du pays, le poste est réservé à un chrétien, celui de Premier ministre à un sunnite et celui de de président de la Chambre à un chiite). » Les sunnites, majoritairement soutenus par l’Arabie saoudite, s’y opposent, tout comme les chrétiens anti-syriens.

En fait, la proportion de chrétiens ne fait que diminuer, victime de l’émigration, d’un faible taux de natalité, ainsi que des vagues successives d’immigration de réfugiés palestiniens et plus récemment syriens. Selon les différentes sources, ce chiffre s’élève entre 32 et 39 % de la population du pays, contre 45 % en 2010 et 54 % en 1956.

Toujours selon Gilles Delafon, « Les chiites constituent désormais la majorité démographique dans un système politique conçu pour les chrétiens et c’est là tout le problème ». D’autant que les chrétiens sont divisés entre le courant pro-Hezbollah du CPL (Courant Patriotique Libre) de Michel Aoun et les Forces Libanaises de Samir Geagea qui continuent de dénoncer l’influence de l’Iran, mais qui sont aujourd’hui très affaiblis, politiquement et militairement. Pour ne rien gâcher, il faut aussi ajouter à cette division, une fracture entre chrétiens du nord, pro-syriens, chrétiens du centre, ainsi que d’autres antagonismes claniques.

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