« Le Chant des pentes » de Simon Parcot, la montagne poétique et la vengeance des hommes
L’écrivain ambulant signe un récit onirique sur la quête d’une jeune fille privée de voix, son chemin singulier pour briser les tabous de tout un village.
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Dans son deuxième roman, qui a l’apparence d’un conte pastoral, La chanson des pistesParu le 30 août aux éditions Le mot et le reste, l’écrivain et philosophe des sentiers Simon Parcot nous emmène une fois de plus vers les sommets.
L’histoire : La jeune Gayané est emmurée dans le silence depuis sa naissance. Comme une dizaine d’autres enfants de son paisible village de montagne, sa voix et son langage sont restés coincés au creux de son ventre. A la suite d’un étrange rêve, elle se lance dans un voyage vers l’alpage et le sommet surplombant le village. Un pays autrefois habité par une communauté de siffleurs redoutés de tous les villageois. Guidée par le plus vieux berger, la jeune femme emmène dans son épopée un passeur, son âne et son meilleur ami. « avec un cœur trop grand pour ce village ».
Simon Parcot n’a pas son pareil pour raconter les histoires parfois exiguës de la vie dans les vallées, les souvenirs étouffés, les pâturages, les falaises abruptes et les sommets. L’écrivain de 29 ans laisse parler les vautours et les morts pour mieux comprendre les secrets et les non-dits de toute une communauté. Seule l’ascension de Gayané et de ses compagnons d’aventure brisera les tabous et dénouera les chaînes de plusieurs générations de villageois, héritiers des rivalités et des morsures du passé.
Dans les récits de Simon Parcot, c’est en chemin que les êtres progressent, que les âmes s’élèvent et se libèrent. D’ailleurs, quand il n’écrit pas, celui qui est aussi professeur de philosophie organise régulièrement des « randos philo » dans le massif des Écrins, où il vit désormais, et dans les environs.
Dans un style proche de son premier roman intitulé Le bord du monde est verticalSimon Parcot décrit des paysages comme nul autre. Là encore la montagne est le personnage principal. Tour à tour brutale, accueillante, féroce ou délicate, elle façonne les êtres, leurs peurs et leurs certitudes. Il faut monter haut, très haut pour percer les mystères de la vallée et s’en libérer.
Le roman met également en avant une communauté de siffleurs. Il s’inspire de cette langue autrefois parlée par les bergers du village d’Aas dans les Pyrénées pour amplifier la portée d’une phrase. Et pour mieux comprendre cette langue, l’auteur a imaginé un sonogramme. Les syllabes sifflées par Gayané, la jeune femme privée de voix, prennent forme au fil des pages. Cette transcription graphique accompagne le récit, y ajoutant un peu plus de poésie et de mystère.
La chanson des pistes raconte l’harmonie de l’homme dans la nature, cette manière ancestrale de ne faire qu’un avec elle, la vie au plus près des éléments. Il confirme sans aucun doute le talent de Simon Parcot à nous emmener très haut dans ces régions verticales.
La chanson des pistesSimon Parcot, éditions Le mot et le reste, 173 pages, 18 euros, 30 août 2024
Extrait :
Maniolos s’appuya sur son long bâton et s’essuya le front.
– En attendant, cela reste entre nous, je tenais à vous féliciter pour votre initiative d’hier, sur la place de l’église. Quel panache, quel courage, quel culot ! Mais quelle intelligence aussi. Voyez-vous… comme le ciment retient les pierres d’un mur, la vie paisible de nos villages repose sur des non-dits comme celui du mystère des siffleurs. C’était oser mettre les pieds dans ce plat. Car le mur s’est fissuré, et il a même tremblé, les enfants ! Mais il le fallait. Comme vous le dites si bien Hélias avec un cœur trop grand pour ce village, il faut avoir le courage de regarder nos légendes en face, d’affronter nos rumeurs, de faire éclater nos tabous…
Il s’arrêta et baissa la voix :
– À la longue, ce secret nous aurait tous étouffés…
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Grb2