L’édition 2024 du compte à rebours du Lancet, qui évalue les impacts du changement climatique sur la santé des populations, pointe du doigt la responsabilité des gouvernements et des compagnies pétrolières, qui continuent d’alimenter le phénomène et mettent ainsi en danger les habitants de chaque pays. Le rapport se veut cependant optimiste et appelle à mettre les questions de santé au cœur des discussions sur le climat.
» Un atlas de la souffrance humaine. » Ce sont les mots utilisés par le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, en 2022 pour décrire le 6e rapport du GIEC sur le climat. Alors que dire du Lancet Countdown 2024 ? Les 122 scientifiques qui ont travaillé sur sa conception admettent avoir révélé « les résultats les plus inquiétants en huit années de collaboration ». La revue scientifique britannique La lancette publie cette étude chaque année depuis l’accord de Paris sur le climat de 2015.
Sur les 15 indicateurs de suivi des risques sanitaires liés au changement climatique observés dans le rapport, dix ont atteint des records au cours de la dernière année de données disponibles. « Le changement climatique n’est pas une menace lointaine, mais un risque immédiat pour la santé »souligne Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), partenaire stratégique du rapport Compte à rebours du Lancet.
Chaleur mortelle de plus en plus courant
L’indicateur le plus impressionnant est la mortalité liée à la chaleur. Pour les plus de 65 ans, il a augmenté de 167 % en 2023 par rapport aux années 1990. En l’absence de réchauffement climatique, mais en raison du vieillissement de la population, cette augmentation aurait été de 65 %, souligne l’étude. Le changement climatique à lui seul a donc doublé le nombre de décès liés à la chaleur.
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Mais l’explosion du nombre de jours de chaleur extrême affecte aussi gravement les populations. Sur la période 2019-2023, les humains ont dû supporter en moyenne 46 jours de plus avec une chaleur menaçante par rapport aux années 1990. Aucun pays n’est épargné, mais de fortes inégalités en fonction de l’indice de développement humain (IDH) ressortent. » En 2023, 31 pays ont connu au moins 100 jours de chaleur supplémentaire, dangereuse pour la santé, par rapport à ce à quoi on pourrait s’attendre sans le changement climatique. dit le rapport.
En France, la mortalité liée à la chaleur est passée de 18 décès pour 100 000 habitants sur la période 2003-2012 à 31 pour 100 000 sur la période 2013-2022. Cela représente environ 8 840 décès supplémentaires, pour un total de plus de 21 000 décès.
Des effets dévastateurs sur la santé et l’économie
Lorsque la chaleur ne tue pas, elle a de nombreux autres effets dévastateurs. Pour citer quelques exemples : la promotion d’événements climatiques extrêmes, l’exposition accrue aux particules fines ou encore l’augmentation de la transmission de maladies infectieuses mortelles comme la dengue, le paludisme ou la vibriose.
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L’économie est profondément touchée. En raison des températures extrêmes, 512 milliards d’heures de travail potentielles ont été perdues en 2023, ce qui représente une perte potentielle de 835 milliards de dollars (771 milliards d’euros) à l’échelle mondiale. Là encore, de profondes inégalités entre pays existent, puisque pour les pays à faible indice de développement humain (IDH), ces heures perdues représentent en moyenne 7,6% de leur PIB. » Un nombre croissant d’études montrent que les avantages économiques d’une transition vers zéro émission nette de gaz à effet de serre dépassent de loin les coûts de l’inaction. rappelle le rapport.
Gouvernements et compagnies pétrolières responsables
Cette édition du compte à rebours du Lancet ne mâche pas ses mots sur les acteurs responsables de la catastrophe. » 84 % des pays étudiés pratiquent encore en 2022 des prix nets négatifs du carbone, c’est-à-dire des subventions nettes explicites aux énergies fossiles, pour un montant record de 1 400 milliards de dollars. Des montants souvent comparables aux budgets de santé des pays. et incompatible avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris. Pour la France, par exemple, en 2022, l’État a versé 25,5 milliards de dollars (23,5 milliards d’euros) de financement direct aux combustibles fossiles, en grande partie pour faire baisser artificiellement le prix de l’essence.
Les sociétés pétrolières sont également citées nommément. Dans le rapport, on peut lire qu’ils « renforcer la dépendance mondiale aux énergies fossiles » Et « mettre en danger la santé et la survie des personnes » en planifiant l’extraction de quantités beaucoup trop importantes de pétrole et de gaz.
Quels facteurs d’optimisme ?
Face à ce sombre tableau, les scientifiques constatent encore des améliorations. L’espoir réside dans une baisse de 6,9 % des décès attribués aux particules fines en extérieur entre 2016 et 2021, grâce à la réduction de l’utilisation du charbon dans les pays développés. Mais aussi dans la montée en puissance rapide des énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial.
» Les vies perdues à cause du réchauffement climatique ne reviendront pas, souligne Ollie Jay, professeur à l’Université de Sydney et co-auteur du rapport. On ne peut pas dire le contraire, on aurait pu l’éviter. Mais il y a des opportunités à venir, notamment lors de la COP 29 sur le climat où beaucoup de choses vont se décider. » Cette conférence se tiendra du 11 au 22 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan. Les auteurs du rapport espèrent que la santé sera placée au centre des discussions sur le climat