« Le calice le plus empoisonné de ma vie » : les utilisateurs de voitures électriques confrontés à des prix de recharge ultra-rapides peu clairs

Plus de 14.000 bornes de recharge ultra-rapides (plus de 150 kilowatts) ont été installées à grands frais sur les grands axes routiers et aux abords des villes, selon le baromètre du ministère de la Transition écologique et de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere), pour les voitures électriques.

Un coût moyen de 21,35 €

Mais il est souvent difficile de comprendre quel tarif vous allez payer au bout de 25 minutes, soit une recharge classique sur ce type de borne. Il s’agit généralement de recharger une batterie à environ 80 % de sa capacité, pour rouler quelques centaines de kilomètres.

Le coût moyen de la recharge ultra-rapide a atteint 21,35 € au premier semestre (pour 40 kWh, à 0,52 € le kWh, avec frais de service) selon un rapport de l’Avere. Le prix de ces recharges a augmenté de 6,77 % au cours des six premiers mois de 2024. Mais certains opérateurs facturent toujours au kWh et à la minute, et ce coût atteint alors 26,40 €.

Le coût de la recharge ultra-rapide peut également descendre jusqu’à 17 euros en moyenne pour les utilisateurs réguliers, avec une carte ou un abonnement. Mais même avec un abonnement, le prix du kWh peut passer du simple au double, selon les bornes, les opérateurs (TotalEnergies, Engie, Ionity) et les fournisseurs de cartes et d’abonnements (ChargeMap, Plugsurfing).

« Un déficit d’information des consommateurs »

« Cette voiture, c’était un cadeau pour ma fille, et c’est le cadeau le plus empoisonné de ma vie ! », fulminait jeudi Farah Hassani, 46 ans, sur l’aire de repos Cœur des Hauts-de-France. « Les machines ne fonctionnent pas de la même manière partout, il faut télécharger des applications différentes et bien réfléchir pour choisir la borne en fonction des applications qu’on a téléchargées (…) En janvier, ma fille aura eu la voiture pendant un an, on verra si on peut passer à une hybride », a souligné cette enseignante de français installée en Angleterre.

Dans un avis publié en juin, l’Autorité de la concurrence pointait « un manque d’information des consommateurs » concernant le coût de la recharge, à la fois avant la recharge, pour comparer les prix, mais aussi « pour connaître le prix réellement payé ».

Plus cher sur les autoroutes

Dans son avis, l’Autorité de la concurrence recommande d' »imposer » aux opérateurs une tarification systématique de la recharge au kWh, sans prise en compte du temps passé à la borne, ainsi que la transmission et la « mise à jour en temps réel, par point de recharge » de ces tarifs afin qu’ils soient comparables en ligne.

L’Autorité suggère également d’expérimenter l’affichage du prix de la recharge « en amont de la station et aux principales entrées d’autoroute », comme pour les carburants.

De plus, la recharge est bien plus chère sur autoroute qu’en périphérie des villes : il faut compter en moyenne 19,75 euros pour 100 km parcourus en voiture électrique, selon TotalEnergies, soit plus cher que pour la plupart des véhicules thermiques.

« Un frein »

L’Autorité des transports (ART) s’est penchée sur la question, constatant que ces tarifs constituent un « frein à l’électrification du parc automobile ». Selon l’ART, ces tarifs s’expliquent principalement par les coûts de construction des bornes de recharge et, parfois, par des coûts importants de raccordement au réseau électrique. Ces bornes sont encore rarement rentables, faute de voitures électriques en nombre suffisant.

Mais les appels d’offres des sociétés d’autoroutes sont aussi en cause, selon l’ART : leur mode de calcul les a poussées à sélectionner des opérateurs qui leur proposaient d’importantes commissions sur la recharge électrique. Celles-ci atteignent 18% du chiffre d’affaires en moyenne, bien plus que les 4,2% observés pour les autres activités (carburant, restauration).