Le brouillage du GPS perturbe les conducteurs et les pilotes au Liban, qui accusent Israël
Perte totale de repères. Hussein Khalil, chauffeur Uber à Beyrouth, a récemment vu son GPS lui indiquer qu’il se trouvait à… Rafah, dans la bande de Gaza ! La raison ? Elle serait liée au brouillage actuel dans la région, que les autorités libanaises imputent à Israël.
Le brouillage est l’une des nombreuses formes de la guerre qui se déroule depuis près de neuf mois dans le sud du pays entre le puissant Hezbollah libanais et Israël. Depuis que le Hezbollah a ouvert le front contre Israël le 8 octobre en soutien à son allié palestinien Hamas à Gaza, les Beyrouthins constatent régulièrement des perturbations dans l’indication de leur géolocalisation, notamment sur Google Maps.
Hussein Khalil montre des captures d’écran le montrant à Rafah, à l’aéroport de Beyrouth ou en dehors de la capitale. « Une cliente m’a appelé pour me demander si j’étais à Baalbeck », à plus de 60 km à l’est de Beyrouth, « et je lui ai dit que j’y serais dans deux minutes », raconte-t-il.
La perturbation de la géolocalisation via des applications de transport comme Uber est due à des interférences dans les signaux du système GPS, dont le gouvernement libanais accuse Israël d’être à l’origine.
« Perturber les communications du Hezbollah »
Freddy Khoueiry, analyste de la sécurité au Moyen-Orient chez RANE Network, explique comment « Israël utilise le brouillage GPS principalement pour perturber ou interférer avec les communications du Hezbollah ». Il ajoute qu’Israël utilise également « la technologie de falsification GPS, une autre tactique utilisée pour envoyer de faux signaux GPS, afin de… perturber l’utilisation des drones et des missiles à guidage de précision » que le Hezbollah utilise pour attaquer Israël.
Depuis le 28 juin, le niveau d’interférence apparaît élevé sur le site GPS Jam, spécialisé dans la collecte de données sur l’interruption des signaux de localisation géographique, au-dessus du Liban et de certaines régions de Syrie, de Jordanie et d’Israël.
Un porte-parole du ministère israélien de la Défense a déclaré qu’il n’était « pas actuellement en mesure de discuter de questions opérationnelles ». Cependant, l’armée israélienne a clairement indiqué au début de la guerre qu’Israël avait perturbé la navigation GPS « de manière proactive pour divers besoins opérationnels », informant le public que cette mesure pourrait perturber les applications qui utilisent la géolocalisation.
Les pilotes d’avion s’adaptent
Préoccupé par l’impact des interférences sur la navigation aérienne, le gouvernement libanais a déposé le 22 mars une plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle dénonce « les attaques d’Israël contre la souveraineté libanaise en perturbant les systèmes de navigation et la sécurité de l’aviation civile » dans l’espace aérien libanais.
Depuis mars, la Direction générale de l’aviation civile demande aux pilotes qui volent vers et depuis Beyrouth de « se fier aux kits de navigation au sol et de ne pas se fier au signal GPS qu’ils reçoivent en raison d’interférences », explique son président, Fadi el-Hassan. « Il est inconcevable qu’un pilote qui veut atterrir sur notre aéroport ne puisse pas bénéficier de la fonction GPS en raison d’interférences de l’ennemi israélien », déplore-t-il.
Avedis Seropian, pilote depuis cinq ans, explique avoir complètement abandonné le GPS ces derniers mois. « Nous y sommes habitués. Nous volons en nous basant sur la boussole et la carte papier », explique-t-il. Mais les défis sont sans précédent : « Parfois, nous sommes à 32 km d’altitude et l’écran nous montre au-dessus du sommet de Qornet el-Sawda », le point culminant du Liban à plus de 3 000 mètres. « Quand on ne voit pas le sol, que fait-on ? On peut vite se retrouver en état de panique et cela peut conduire à un accident ou à une catastrophe. »