Depuis, le gouvernement Trudeau a répété à maintes reprises que le français a besoin de plus de soutien
que l’anglais, parce que la langue est vers le bas
dans le pays.
Cependant, lorsqu’on regarde la répartition de l’effectif de la fonction publique fédérale, ce sont les anglophones qui semblent être favorisés par Ottawa et par des obligations linguistiques moins fortes. En effet, c’est au Québec, seule province francophone du pays, que le gouvernement fédéral exige le plus le bilinguisme de ses fonctionnaires.
Selon les données fournies par le Secrétariat du Conseil du Trésor, 68 % des fonctionnaires de la province doivent parler français et anglais pour obtenir leur emploi, alors que dans le reste du Canada, le bilinguisme n’est requis que pour 13 % des emplois, si l’on exclut les région de la capitale nationale, Ottawa-Gatineau.
Dans certaines institutions, comme l’Agence des services frontaliers, près de 100 % des postes au Québec sont classés bilingues, ce qui est loin d’être le cas ailleurs au pays, y compris dans la seule province à deux langues officielles, le Nouveau-Brunswick.
Le bilinguisme au fédéral, on va se dire les vraies choses, […] c’est bien pour les francophones. C’est une affaire francophone
reconnaît un employé de l’Agence des services frontaliers du Québec, sous condition d’anonymat.
Cette source, qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement, admet que de nombreux voyageurs doivent être servis en anglais lors du passage aux douanes dans sa province, mais il ne comprend pas pourquoi on ne pourrait pas s’inspirer des hébergements qui existent dans l’ouest du pays. .
En effet, au Canada anglais, ce ne sont pas tous les agents frontaliers qui maîtrisent les deux langues officielles. Les voyageurs qui désirent être servis en français peuvent choisir une file d’attente clairement désignée bilingue, où un employé les servira dans leur langue.
Dans un endroit comme l’aéroport Montréal-Trudeau, où vous avez 18 lignes ouvertes en période de pointe, si on en avait une ou deux exclusivement en français, cela ne retarderait pas les opérations.
dit-il, soulignant qu’il y aura toujours assez de voyageurs francophones pour les combler.
Par écrit, cependant, l’Agence des services frontaliers déclare queau Québec, presque tous les points d’entrée offrent des services bilingues, les postes doivent donc être désignés bilingues
.
Des dizaines de plaintes à l’Agence du revenu
Aux bureaux de l’Agence du revenu du Canada (ARC) à Québec – une ville à 97 % francophone – plusieurs employés estiment également être soumis à des exigences linguistiques plus élevées que leurs collègues anglophones ailleurs au pays.
Au cours des dernières années, certains d’entre eux se sont plaints au commissaire aux langues officielles, estimant que des postes étaient désignés bilingue
arbitrairement dans leurs bureaux, sans raison valable.
Exemple rapporté par plusieurs employés : dès qu’il y a des documents en anglais dans un dossier, comme une facture, l’Agence considère que c’est un vérificateur bilingue qui doit le traiter, même si le contribuable a rempli sa déclaration de revenus en français.
Il existe des solutions à cela
dit une personne employée auARC Au Québec. Si on ne parle que le français, on peut, par exemple, consulter un de nos collègues qui est bilingue et, parfois, même si on n’est pas très à l’aise pour communiquer en anglais, on peut comprendre la facture.
Si, dans l’Ouest canadien, il y a une facture en français dans un dossier, le poste deviendra-t-il bilingue?
demande une autre personne à l’emploi de l’Agence au Québec qui serait surpris que le vérificateur anglophone ait fait retirer le dossier
.
En juin 2020, le commissaire Raymond Théberge était d’accord avec les employés, jugeant, dans son rapport obtenu par Radio-Canada, que leARCn’avait pas établi objectivement les exigences linguistiques des postes visés par les plaintes
. Mais depuis, d’autres plaintes ont été déposées. De nombreux employés attendent même que leur cas soit entendu à la Cour fédérale.
C’est très difficile de progresser quand on n’est pas bilingue
confirme une source à l’Agence du revenu du Canada à Québec. Nous sommes souvent coincés dans notre carrière, même si nous avons beaucoup d’expérience.
L’ARCqu’il détermine les exigences linguistiques de ses postes en fonction de ses besoins opérationnels et des tâches effectuées par les employés
.
Mais Yvon Barrière, vice-président exécutif régional de l’Alliance de la fonction publique, un syndicat qui représente plus de 20 000 fonctionnaires au Québec, croit que les besoins opérationnels ont le dos large et que lesARCobjectifs de bilinguisme
. C’est la solution facile
selon lui.
» C’est toujours aux francophones de faire l’effort. […] Il y a effectivement une forme d’iniquité entre les langues officielles. »
Le ministre ne s’alarme pas
Le président du Conseil du Trésor ne semble pas du tout alarmé par le grand nombre de postes de fonctionnaires bilingues au Québec. Mona Fortier refuse même de reconnaître qu’il y a une inégalité entre la province et les autres régions, ou que les exigences linguistiques sont plus élevées pour les francophones.
Lorsqu’on lui dit que les deux tiers des fonctionnaires fédéraux au Québec doivent parler anglais pour obtenir leur emploi, elle répond, du tac au tac : La statistique que je préférerais qu’on me donne, c’est que 40 % de la fonction publique [au Canada] travaille en bilingue.
» Je veux reconnaître le fait que nous avons des opportunités pour les francophones qui parlent les deux langues officielles. »
Mme Fortier rappelle que le Québec compte plusieurs régions désigné bilingue
– par exemple, Montréal, Sherbrooke ou Compton en Estrie – où il y a une proportion importante d’anglophones. Ils ont le droit légal de travailler dans leur langue, ce qui pourrait expliquer en partie pourquoi, selon elle, le bilinguisme est plus en demande dans la province.
Cependant, comme le souligne le député Mario Beaulieu du Bloc Québécois, de telles désignations existent aussi dans le nord et l’est de l’Ontario, pour protéger la minorité francophone, qui compte environ 500 000 personnes, et malgré tout, seulement 10 % des postes sont désignés bilingues dans la province, comparativement à 68 % au Québec. Cela n’a aucun sens
il se lamente.
Selon M. Beaulieu, si c’est toujours aux francophones de parler en anglais
il est clair qu’Ottawa a certainement un impact anglicisant sur toute la population du Québec
.
Mario Beaulieu plaide pour que le français ait préséance sur l’anglais dans la province, même dans les institutions fédérales, et que le bilinguisme ne soit requis que lorsqu’il s’agit de servir Ayants droit anglophones
.
Le gouvernement de François Legault, pour sa part, veut qu’Ottawa tienne parole sur la démarche différencié
promis il y a deux ans : Nous sommes d’avis qu’en tant que seule langue officielle minoritaire dans tout le Canada, la langue française doit bénéficier de mesures particulières de protection et de promotion.
écrit la ministre québécoise des Relations canadiennes et de la Francophonie, Sonia LeBel.
L’important c’est de se comprendre
Une solution, pour favoriser les fonctionnaires francophones, pourrait être de revoir ce qu’on entend par bilinguisme, suggère le professeur à l’École nationale d’administration publique Jean-François Savard. Au gouvernement fédéral, explique-t-il, nous optons actuellement pour une approche où être bilingue implique de savoir parler, écrire et pas seulement comprendre l’autre langue
.
Or, en Suisse, ajoute M. Savard, les francophones sont généralement censés comprendre l’allemand et les germanophones le français, sans nécessairement s’exprimer dans la langue de l’autre.
Une telle approche pourrait, selon lui, rétablir un meilleur rapport de force entre les deux communautés de langue officielle, sans toutefois créer d’attentes irréalistes, notamment envers les anglophones, car il n’y a pas assez de personnes capables de parler français au Canada pour avoir une fonction publique entièrement bilingue
.
Une chose est certaine, conclut M. Savard, bien que le gouvernement fédéral répète depuis deux ans qu’il veut mieux protéger le français au Québec et dans le reste du pays, il semble surtout évident que ce qu’il protège, c’est le bilinguisme
.
canada-ici