Le banc, le public et un peu de trash talk, la recette des Blues pour redresser l’Allemagne
À la Porte de Versailles,
Inutile de faire semblant, on pensait vraiment qu’il allait falloir se passer de nos volleyeurs pour animer cette deuxième semaine des JO. Menés 2-0 par l’Allemagne lundi en quart de finale, les Bleus, en quête d’un fabuleux doublé à domicile après leur titre à Tokyo, sont passés tout près d’une énorme déception. « J’ai eu très peur », soupire le passeur Antoine Brizard. « On y a tous pensé, et c’est aussi ce qui nous a fait rester dans le match, en se disant que ça ne pouvait pas se terminer comme ça, devant tout ce public incroyable. »
Alors Earvin Ngapeth et sa bande se sont réveillés pour finalement faire tourner le voisin, au terme d’un tie-break haletant. « Je ne peux même pas expliquer comment on a réussi à faire ça, avoue Nicolas Le Goff. On va essayer de le faire pour lui, avec les quatre points clés de cette opération remontée.
Le banc
Pas dans leur élément, pris dans la pression de ne pas avoir le droit à l’erreur face à une nation sans référence internationale ces dernières années, les Bleus ont donc démarré le match à l’envers. Le contraste était saisissant avec des Allemands sûrs de leur plan de jeu, avec un alliage bloc-défense en acier et le colosse Gyorgy Grozer pour mettre à mal les quatre coins du camp adverse. Acculés, déboussolés, les Français s’en sont alors remis à leur banc, à commencer par Théo Faure.
Le meneur de 24 ans a clairement été l’élément déclencheur du réveil des Blues au début du 3e set. Auteur de 11 points, le troisième total le plus élevé de l’équipe derrière Ngapeth et Clevenot, il a également produit deux contres qui ont fait très mal aux têtes allemandes et un ace dans le temps d’argent« Nous avons travaillé là-dessus toute la saison et nous avons gagné beaucoup de matches importants grâce aux joueurs qui sont entrés en jeu », se souvient l’entraîneur Andrea Giani. « Tous les joueurs ont un rôle à jouer dans cette équipe, ils le savent et c’est important ».
Quentin Jouffroy a été l’autre grand homme de la fin de match, avec un joli centre placé derrière le contre allemand et deux contres au cœur de ce tie-break étouffant, pour permettre aux Bleus de revenir en tête alors qu’ils sentaient le souffle allemand sur leur nuque. Mais on peut aussi citer Yacine Louati ou Benjamin Toniutti. Globalement, ils ont tous apporté la fraîcheur et l’énergie dont l’équipe avait vraiment besoin. « On a la chance d’avoir un super groupe, tout le monde a le niveau pour être sur le terrain, et tout le monde est mobilisé, apprécie Barthélémy Chinenyeze. Cette victoire fait du bien, on est vraiment allés la chercher avec tout le monde. »
Allez brancher les Allemands
C’est l’arme secrète des Bleus. Ils ne sont pas les seuls à le faire, bien sûr, mais ils s’en servent régulièrement pour se donner un petit coup de boost et ne plus dormir. Nicolas Le Goff raconte : « À la fin du 2e set, on a essayé de mettre un peu de rivalité au filet. C’est devenu un peu chahuteur, on va dire. Certains joueurs de l’équipe ont un peu besoin de ça pour rentrer dedans. » Earvin Ngapeth, par exemple, qui a fini par faire perdre la tête au géant Tobias Krick. L’un des tournants du tie-break, puisque le pivot de 2,13 m a écopé d’un carton rouge alors que son équipe venait de marquer un point à 8-5. Résultat : un point donné aux Bleus, et un écart que les Allemands ne combleront jamais.
« Oh, ça a un peu chauffé, mais Tobias et moi on s’aime bien, on a joué ensemble pendant deux ans », plaisante après coup la star des Bleus. « C’est normal, c’est l’événement, la tension du match. » Le Goff pense que les Bleus ont gagné cette bataille de la désinformation. « Ils ont peut-être vu que ça nous avait remis en forme, donc ils ont voulu faire pareil au tie-break, mais on avait insisté là-dessus avant le match : on savait qu’on devait gagner sur le papier, mais que ce ne serait pas facile, et on s’était promis de ne pas s’énerver si on était menés », explique-t-il. Et on a réussi à le faire. »
Earvin Ngapeth
Il n’aura échappé à personne que, depuis longtemps, l’équipe française dépend de sa star offensivement. Alors, quand elle ne marque pas le moindre point durant tout le premier set, cela devient forcément compliqué. Les Allemands l’avaient bien étudié et tout au long de la première mi-temps, le joueur d’Halkbank Ankara s’est retrouvé en échec, avec quelques attaques à deux mètres qui faisaient pitié à voir.
Son coach a-t-il pensé à le sortir ? Andrea Giani ne peut s’empêcher de rire à cette question. « C’est un joueur spécial… On sait qu’il monte toujours en puissance », répond l’Italien. En effet. Ngapeth s’est lancé, petit à petit, jusqu’à électriser la fin du 4e set puis le tie-break. De toute façon, il n’aime rien tant que quand ça chauffe, et ses trois ou quatre smashs croisés du coin du parking, comme sa petite main gauche en toute fin de match, ont achevé la remontée des Bleus comme des coucous. « Il nous a fait beaucoup de bien en deuxième partie de match, confirme Quentin Jouffory. Un Earvin qui prend des risques et qui fonce dans tout ce qu’il entreprend, c’est super important pour l’équipe, surtout dans les moments de grosse pression comme ça. »
Le public
C’est peu dire que les 13 000 spectateurs massés dans le Hall 1 de l’Arena Paris Sud ont largement contribué au scénario fou de ce quart de finale. « Sans eux, je ne sais pas si on s’en sortirait », soupirait même Le Goff, passablement étonné du boucan qu’ils n’ont cessé de faire, même après la climatisation du deuxième set perdu. Le gain du troisième a permis au public de se défouler, et cela n’a cessé qu’au tie-break, disputé dans une ambiance de corrida.
« On fait des tie-breaks spécialement pour ça, lance Trevor Clevenot en riant. Non, vraiment, quand tu arrives à ce moment du match et que tu as ce public derrière toi, c’est un sentiment indescriptible. » Le soutien inconditionnel du public a aussi aidé le showman Ngapeth à se lâcher. « Il y a des moments où c’était dur, où on était dans le doute, et quand il nous pousse comme ça on oublie tout, ça nous donne de la force », confie le meilleur joueur du monde 2021. La demi-finale de mercredi contre le grand rival l’Italie, championne du monde en titre après avoir éliminé la France au tie-break en quarts de finale, sera une nouvelle magnifique occasion de le prouver.