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« L’avortement aux Etats-Unis, la grande fracture » de Cyril Denvers : « Un film militant contre l’obscurantisme »

Près de deux ans après que la Cour suprême a annulé Roe v. Wade, qui légalisait l’avortement au niveau fédéral, Cyril Denvers et Sophie Przychodny ont filmé les conséquences de cette régression. Dans un pays divisé entre « pro-vie » et « pro-choix », ils honorent le courage de celles qui luttent pour que les femmes restent libres de déterminer leur destin.

Ils sont tous réunis pour une soirée de gala, attablés autour de tables rondes joliment dressées aux nappes blanches. La verrerie brille, comme les bijoux sur les oreilles des femmes et les montres sur les poignets des hommes. Ils se tiennent la main pour prier avant le repas et trinquent joyeusement « à la vie ». Ces citoyens américains célèbrent la loi dite de « protection humaine », qui interdit depuis 2022 au Texas l’interruption volontaire de grossesse dès la conception, même en cas de viol ou d’inceste.

Cyril Denvers n’est pas un habitué des documentaires sur la lutte féministe, mais il a beaucoup travaillé sur les droits humains, notamment des mineurs. « Ce film est clairement une occasion en or pour décrire ce qu’implique le mélange sulfureux de politique et de religion dans un même pacte fondamentaliste pour gouverner les droits des individus. » dit le directeur de Avortement aux États-Unis : le grand fossédiffusé dimanche 23 juin sur France 5.

« Pour moi, c’est un film militant contre l’obscurantisme, mais pas anticlérical. D’ailleurs, le film se termine par le témoignage de Carolin Harvey, la maire de Carbondale, qui se dit profondément chrétienne. Carbondale est une ville sanctuaire avec deux cliniques d’avortement et Planned Parenthood. Elle conclut le film en disant que la religion, c’est chacun pour soi, avec son intimité, et qu’en aucun cas elle ne peut décider à la place des autres. il continue.

« Une vie de menaces permanentes » pour les médecins

Avec sa co-scénariste Sophie Przychodny, il essuie plusieurs refus de produire le film : « Nous essayons depuis longtemps de montrer ce qui se passe aux Etats-Unis, mais le sujet reste encore souvent tabou. Le débat est compliqué en France, ce n’est pas évident. Même si l’avortement est inscrit dans la Constitution, de nombreuses personnes continuent de s’y opposer. »

Trouver des médecins, des bénévoles et des femmes qui ont avorté a été extrêmement difficile. « Tout le monde est bouleversé par la situation. Il y a une sorte de chasse aux sorcières contre les patients et les médecins. Le plus difficile a été de gagner leur confiance et de nous laisser filmer à l’intérieur des cliniques », dit Sophie Przychodny. Le docteur Warren Hern, gynécologue, a accepté un entretien après six mois de négociations. Le médecin mène « une vie de menaces constantes », à tel point qu’il ferme les rideaux chez lui, ne dîne jamais avec sa femme près d’une fenêtre et veille toujours à garer sa voiture près des portes d’entrée.

A l’entrée de sa clinique, on passe le détecteur de métaux. Aucun patient ni membre du personnel médical ne pourra être filmé pour des raisons de sécurité. « Il nous a dit : « Si vous venez pour un entretien, je vous interdirai de parler du mouvement pro-vie. « Pour lui, ils ne sont pas du tout des défenseurs de la vie, cela voudrait dire qu’il serait un défenseur de la mort », dit Sophie Przychodny.

A l’inverse, les organisations militantes dites « pro-vie » étaient ravies de pouvoir présenter leur raisonnement. « Ils sont en croisade, dans une forme de prosélytisme et d’opération de communication constante. Nous leur avons dit que nous ne faisions pas un film anti-avortement, que nous montrions les deux côtés, et en un rien de temps, ils nous ont accueillis. » explique Cyrille. Si 62 % des Américains soutiennent toujours l’avortement, les mouvements anti-avortement contrôlent les forces politiques et financières, au premier rang desquelles la Cour suprême, et crient plus fort que leurs adversaires.

« Ils gardent les choses vagues pour que les médecins ne prennent pas de risques »

Surtout, ils sont mieux organisés et plus visibles : Joe Pojman, président de la Texas Alliance for Life, l’un des lobbys anti-avortement les plus puissants de l’État, a largement contribué à la création d’une loi très restrictive dans son État. Cyril Denvers et Sophie Przychodny l’ont trouvé au tribunal civil d’Austin, à l’été 2023 : en mars de la même année, sept femmes ont attaqué la loi texane, autorisant l’avortement uniquement lorsque la vie de la mère est en danger. Parmi eux, Amanda Zurawski : à 17 semaines, elle a perdu les eaux. Une fausse couche est inévitable.

Cependant, le cœur du fœtus bat toujours. Son médecin refuse d’enfreindre la loi et de provoquer une interruption médicale de grossesse, laissant son fœtus à l’agonie dans son ventre. Aux commandes, l’obstétricienne-gynécologue Damla Karsan demande que le Texas laisse les professionnels de santé déterminer les actions nécessaires dans ce type de situation. Mais « Ils ne se sont même pas embarrassés. Le résultat est finalement tombé avant le 31 mai : les plaignants ont vu leur demande rejetée. L’appel a abouti à ce que la loi ne soit pas modifiée. Ils ont déclaré avoir reconnu leurs souffrances, mais avoir reçu de mauvais conseils médicaux. C’est de l’hypocrisie. » » acquiesce Cyril Denvers.

Aucune précision médicale n’est fournie, pour dissuader les professionnels de santé d’agir. « Ils gardent les choses vagues, pour que les médecins ne prennent pas de risques. Alors qu’il y a des femmes qui témoignent qu’elles ont failli mourir chez elles à cause d’une septicémie », poursuit le réalisateur.

Un sujet phare de la campagne présidentielle américaine

A Denver, dans l’Etat démocrate du Colorado, le réalisateur et scénariste a suivi ces militants installés devant un Planned Parenthood. Ils brandissent des pancartes montrant des bébés dits « sauvés », ou des images de fœtus ensanglantés. Certains arrêtent les voitures, distribuent des tracts de propagande, prennent des photos des personnes et des plaques d’immatriculation, allant parfois jusqu’à les dénoncer à la police.

Parmi eux, Kevin, un ancien toxicomane, affirme avoir « sauvé » plus de 300 femmes à travers le pays. « Il a accepté que nous rencontrions une de ces femmes. Elle a reporté plusieurs fois, assez inquiète, et a fini par annuler le rendez-vous. Nous n’avons jamais su quelle était la vérité. Je pense que cela convenait bien à Kevin. C’est de la propagande, ces gens sont souvent payés par des lobbies locaux pour faire passer ce message. » témoigne Cyril Denvers.

L’avortement s’annonce comme un enjeu clé de la campagne présidentielle américaine. Le positionnement de Donald Trump, notamment sur l’avenir de la pilule abortive, sera crucial pour l’avenir des femmes américaines.

Avortement aux États-Unis : le grand fosséFrance 5, dimanche 23 juin, 21h

La révocation de l’affaire Roe c. Wade le 24 juin 2022 a conduit à une division radicale au sein de la plus grande démocratie du monde. Cyril Denvers, réalisateur, et Sophie Przychodny, co-scénariste, pressentaient ce tournant catastrophique. Ils ont filmé les victimes de ce jugement, mais aussi les militants anti-avortement, de l’été à l’automne 2023. Ils ont rencontré des femmes contraintes de voyager plusieurs jours, la plupart du temps à leurs frais, pour se rendre dans les cliniques les plus proches. plus près encore ouvert.

Les gynécologues ont peur d’exercer leur métier, régulièrement menacés par les militants anti-choix. Cyril Denvers peut compter sur les doigts d’une main ceux qui acceptent de témoigner, encore moins ouvertement, même dans les Etats démocrates. C’est toute une partie du pays, pourtant majoritaire, qui est prise en otage par l’intégrisme religieux au pouvoir. Ils n’ont pas peur, ils sont ravis de se présenter devant la caméra de Cyril Denvers, parti avec son équipe au Texas pour les rencontrer lors d’un gala organisé par le lobby à la tête de l’Etat et à Denver, devant un Family Planning, où ils brandissent des images et distribuent des tracts de propagande anti-avortement entre deux prières, pour dissuader les femmes. Un documentaire dur mais nécessaire.

La révocation de l’affaire Roe c. Wade le 24 juin 2022 a conduit à une division radicale au sein de la plus grande démocratie du monde. Cyril Denvers, réalisateur, et Sophie Przychodny, co-scénariste, pressentaient ce tournant catastrophique. Ils ont filmé les victimes de ce jugement, mais aussi les militants anti-avortement, de l’été à l’automne 2023. Ils ont rencontré des femmes contraintes de voyager plusieurs jours, la plupart du temps à leurs frais, pour se rendre dans les cliniques les plus proches. plus près encore ouvert.

Les gynécologues ont peur d’exercer leur métier, régulièrement menacés par les militants anti-choix. Cyril Denvers peut compter sur les doigts d’une main ceux qui acceptent de témoigner, encore moins ouvertement, même dans les Etats démocrates. C’est toute une partie du pays, pourtant majoritaire, qui est prise en otage par l’intégrisme religieux au pouvoir. Ils n’ont pas peur, ils sont ravis de se présenter devant la caméra de Cyril Denvers, parti avec son équipe au Texas pour les rencontrer lors d’un gala organisé par le lobby à la tête de l’Etat et à Denver, devant un Family Planning, où ils brandissent des images et distribuent des tracts de propagande anti-avortement entre deux prières, pour dissuader les femmes. Un documentaire dur mais nécessaire.

La révocation de l’affaire Roe c. Wade le 24 juin 2022 a conduit à une division radicale au sein de la plus grande démocratie du monde. Cyril Denvers, réalisateur, et Sophie Przychodny, co-scénariste, pressentaient ce tournant catastrophique. Ils ont filmé les victimes de ce jugement, mais aussi les militants anti-avortement, de l’été à l’automne 2023. Ils ont rencontré des femmes contraintes de voyager plusieurs jours, la plupart du temps à leurs frais, pour se rendre dans les cliniques les plus proches. plus près encore ouvert.

Les gynécologues ont peur d’exercer leur métier, régulièrement menacés par les militants anti-choix. Cyril Denvers peut compter sur les doigts d’une main ceux qui acceptent de témoigner, encore moins ouvertement, même dans les Etats démocrates. C’est toute une partie du pays, pourtant majoritaire, qui est prise en otage par l’intégrisme religieux au pouvoir. Ils n’ont pas peur, ils sont ravis de se présenter devant la caméra de Cyril Denvers, parti avec son équipe au Texas pour les rencontrer lors d’un gala organisé par le lobby à la tête de l’Etat et à Denver, devant un Family Planning, où ils brandissent des images et distribuent des tracts de propagande anti-avortement entre deux prières, pour dissuader les femmes. Un documentaire dur mais nécessaire.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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