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L’avancée inéluctable de la Chine dans l’UE

Au printemps dernier, les images de terminaux portuaires belges saturés de milliers de voitures électriques illustraient une inquiétude grandissante : celle de la capacité de l’industrie chinoise à inonder le marché européen. Au premier semestre 2024, les marques chinoises ont représenté plus de 10 % des ventes européennes de véhicules électriques neufs, une percée impressionnante quand on sait que ce chiffre était proche de zéro en 2019.

Un marché européen turbulent

Face à cette submersion annoncée, l’Union européenne, qui devrait interdire les nouveaux véhicules thermiques en 2035, a sorti les garde-fous pour protéger son industrie automobile. Le 4 juillet, Bruxelles a mis ses menaces à exécution et imposé des droits de douane supplémentaires pouvant aller jusqu’à 38 % aux constructeurs chinois, en plus des 10 % déjà en place. Une mesure défensive face aux subventions massives que Pékin a fait pleuvoir sur le secteur, jugées injustes par une enquête de la Commission européenne. La France s’est également armée, à son échelle. Le bonus à l’achat est conditionné depuis le début de l’année à la quantité de CO2 émise lors de la fabrication et du transport, ce qui exclut de fait les voitures chinoises.

Un mois plus tard, où en est-on ? Le bras de fer initié par l’UE a-t-il freiné l’avancée de la Chine ? Difficile à dire à ce stade. « Les Chinois se rendent compte que le marché européen sera moins prometteur que prévu »souligne Elvire Fabry, chercheuse en géopolitique des échanges à l’Institut Jacques-Delors. En effet, les ventes de voitures électriques s’essoufflent depuis le début de l’année. Mais malgré cela, l’Empire du Milieu n’entend pas reculer. Et pour cause : les Américains ayant fermé leurs frontières avec des droits de douane très élevés, l’Europe apparaît comme un débouché particulièrement stratégique.

Des usines chinoises sur le sol européen

Il faut dire que les industriels chinois ont eu le temps de voir le coup venir. Leur nouvelle stratégie, pour contourner ces droits de douane, mais aussi se faire connaître des consommateurs, est de venir fabriquer directement sur le sol du Vieux Continent. « Nous sommes dans un secteur qui est soumis à une concurrence extrêmement forte, il n’y a plus de solution où l’Europe serait gagnante »« Grâce à 230 milliards de dollars (210 milliards d’euros) d’investissements publics, l’avance de la Chine en matière d’innovation technologique et de compétitivité-prix est indéniable », explique Anthony Morlet-Lavidalie, économiste au cabinet de conseil économique Rexecode.

La Chine reste également en position de force car elle maîtrise le raffinage de minéraux essentiels à la fabrication de batteries. « Cette dépendance de l’Europe aux minéraux explique le calibrage de la réponse européenne », Elvire Fabry analyse. Car en cas d’imposition de droits de douane très élevés, la Chine pourrait, en représailles, couper le robinet des minerais stratégiques. Or, les Européens ne peuvent s’en passer. « Les taxes ne sont pas censées être prohibitives, mais visent à donner aux fabricants européens un peu de répit pour s’adapter et à encourager les Chinois à produire en Europe plutôt qu’à exporter. »poursuit le chercheur.

« La question qui se pose désormais est de savoir dans quelle situation l’Europe est la moins perdante ? L’implantation d’usines chinoises sur notre sol présente des avantages : la valeur ajoutée est française, les emplois aussi. »ajoute Anthony Morlet-Lavidalie. « L’objectif est d’optimiser le transfert de savoir-faire, croit Elvire Fabry, avec des usines chinoises qui emploient également des sous-traitants européens.

Récupérer les emplois et les compétences

De leur côté, les constructeurs européens tentent de s’approprier une part du gâteau en créant des joint-ventures avec les Chinois, comme Stellantis avec Leapmotor, ou Renault avec Geely. La question reste posée : sauront-ils maîtriser leurs coûts pour redevenir compétitifs ?

« Le prix des modèles européens va baisser, mais celui des modèles chinois aussi. Je ne vois pas comment on pourrait combler ce retard. »« Si les constructeurs européens ne parviennent pas à gagner la course aux prix bas, peut-être pourront-ils se démarquer avec d’autres arguments, comme la qualité de service ou les critères environnementaux », explique Maria Lee, spécialiste automobile chez Sia Partners, cabinet de conseil.

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La prolifération des usines chinoises en Europe

La Hongrie, proche de Pékin, abrite déjà de nombreuses usines de batteries, ainsi qu’une usine de bus électriques du géant BYD, qui y construit désormais une usine de voitures électriques. En juillet, le même groupe a annoncé une nouvelle en Turquie – qui, comme l’UE, avait émis des menaces de droits de douane élevés. Le constructeur Chery assemblera ses voitures en Espagne, et l’Italie serait en négociations avec Dongfeng. Plusieurs pays se bousculent également pour accueillir MG Motor, marque historiquement britannique mais rachetée par le groupe SAIC Motor, leader des ventes chinoises en Europe.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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