L’association retrouve son agrément après une longue bataille avec le gouvernement
« Pas de victoire »mais plutôt « un retour à la normale et au respect de la loi »estime Eric Alt, l’administrateur d’Anticor, au sujet du renouvellement de l’agrément de l’association anti-corruption pour trois ans. Celui-ci a été accordé in extremis par Gabriel Attal jeudi 5 septembre, quelques heures avant la passation de pouvoir avec Michel Barnier. Une décision qui met fin à de longs mois de lutte entre le gouvernement et l’association, créée en 2003 « lutter contre la corruption et rétablir l’éthique en politique ».
📢Aujourd’hui, place au soulagement : la Maison des Lanceurs d’Alerte se réjouit du renouvellement de son agrément@anticor_orgaprès 440 jours de lutte et 8 procédures judiciaires.🎉 Une immense victoire pour la lutte contre #corruption ! 🙌#JeSoutiensAnticorhttps://t.co/dTYfjfRf2L
— La Maison des lanceurs d’alerte (@mlalerte) 6 septembre 2024
En juin 2023, Anticor a perdu ce sésame à la suite d’une décision du tribunal administratif, validée quelques mois plus tard en appel. Dans un contexte de rivalités internes, une erreur de rédaction avait été détectée dans le décret signé par Jean Castex en 2021, à l’époque Premier ministre, entraînant l’annulation de l’agrément de manière rétroactive.
Concrètement, l’association ne pouvait plus se constituer partie civile dans des dossiers politiques et financiers sensibles, en cas d’inaction du ministère public. Un droit qui lui était pourtant garanti jusqu’à présent au même titre qu’à deux autres associations en France, Transparency International et Sherpa. « Un bon nombre de dossiers, au sujet desquels l’association avait reçu un avis de fin d’information, vont pouvoir reprendre »ajoute le magistrat Éric Alt, en évoquant la reprise d’une « une petite douzaine de cas » laissé en attente pendant plusieurs mois.
Plusieurs procédures lancées par Anticor
En tête de cette liste figure une affaire de favoritisme présumé, concernant les négociations de concession autoroutière entre le gouvernement de Manuel Valls et les entreprises Vinci, Eiffage et Sanef. Alexis Kohler, actuel secrétaire général de l’Élysée, était en charge de ce dossier – alors qu’il était directeur de cabinet d’Emmanuel Macron à Bercy – aux côtés d’Élisabeth Borne, à l’époque directrice de cabinet de Ségolène Royal, ministre de l’Environnement.
En juin 2023, Anticor a déposé une plainte auprès du parquet national financier, dénonçant « l’opacité quasi totale sur les conditions dans lesquelles ces contrats de concession ont été négociés et préparés entre 2013 et 2015 »Compte tenu du caractère rétroactif de la perte d’agrément, le PNF n’a pas donné suite à ces signalements.
Anticor a contesté à plusieurs reprises cette annulation d’agrément, qui réduit considérablement la portée de son action dans les dossiers sensibles. Face à l’absence de réponse du gouvernement – qui équivaut à un refus implicite de renouvellement – plusieurs procédures ont été ouvertes, notamment devant le Conseil d’État et devant le tribunal administratif. Le 9 août, ce dernier a statué sur la base d’une décision de justice. « ordonne au Premier ministre de examiner la demande d’approbation » de l’association anti-corruption « dans les quinze jours ».
Sous la menace d’une sanction financière
Et c’est finalement sous la menace d’une sanction financière que le gouvernement a décidé de reconsidérer l’affaire : le tribunal a prévenu que le gouvernement s’exposait à une amende de 1 000 euros par jour de retard sur le délai fixé par la justice. « Il est insensé qu’un gouvernement doive attendre qu’un risque financier pèse sur lui pour réagir »estime pour sa part maître Vincent Brengarth, qui représente l’association depuis 2021.
Le jugement signé par le gouvernement, rendu public jeudi 5 septembre par Anticor, reconnaît que ce dernier « répond aux conditions (…) agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l’exercice des droits reconnus à la partie civile”.
Dans trois ans, le comité exécutif se penchera à nouveau sur l’agrément de l’association. Ses membres contestent le fait que cette compétence n’incombe pas à une autorité indépendante de l’Etat. « Cette question nécessite un débat au sein d’Anticor, notez Me Vincent Brengarth, sur une éventuelle action de plaidoyer ou une forme de recours pour attaquer la constitutionnalité même de ce système ».
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