Fondée il y a seulement sept ans par d’anciens salariés de Palantir Technologies, une société proche du renseignement américain, Anduril Industries s’est rapidement fait un nom dans le monde de la défense et de la sécurité après avoir décroché des contrats de fourniture de tours de surveillance autonomes (AST) au service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis et de solutions anti-drones au commandement des opérations spéciales américaines (USSOCOM).
Anduril a récemment été approché par la Royal Australian Navy pour développer un drone sous-marin autonome de grande taille (XL-AUV). Puis, en avril dernier, son drone Fury a été sélectionné par l’US Air Force pour le programme Collaborative Combat Aircraft (CCA), lancé dans le cadre du projet d’avion de combat de 6e génération NGAD (New Generation Air Dominance).
Comment une si jeune entreprise a-t-elle réussi à s’imposer aussi vite face aux « poids lourds » de la base industrielle et technologique de défense américaine (DITB) ? « Nous n’attendons pas que nos clients nous disent ce dont ils ont besoin. Nous identifions les problèmes, finançons notre R&D (recherche et développement, ndlr) avec nos fonds propres et vendons des produits prêts à l’emploi. Nos idées deviennent réalité en quelques mois, pas en années », explique Anduril.
Et c’est en suivant cette démarche que cet industriel vient de dévoiler sa gamme de munitions « Barracuda », le 12 septembre dernier.
Ainsi, selon Anduril, les États-Unis et leurs alliés pourraient épuiser leurs stocks de munitions dites « complexes » en quelques semaines seulement si, par hasard, ils se trouvaient engagés dans un conflit de haute intensité. Or, les capacités de production des principaux fabricants américains, comme RTX et Lockheed-Martin, sont actuellement insuffisantes pour assurer un réapprovisionnement rapide, à moins de réaliser des investissements conséquents.
Pour y remédier, Anduril a donc développé le « véhicule aérien autonome Barracuda », c’est-à-dire un missile de croisière propulsé par un turboréacteur aérobie qui peut être fabriqué à grande échelle, à faible coût et, surtout, très rapidement. Pour cela, il faut « garder les choses simples »… c’est-à-dire réduire de moitié le nombre de sous-composants, utiliser des pièces disponibles dans le commerce et rationaliser au maximum le processus de production, en réduisant le nombre d’outils spécialisés nécessaires et en utilisant une main-d’œuvre peu qualifiée.
« Conçus dès le départ pour une fabrication à grande échelle, les taux de production de Barracuda sont calculés pour suivre le rythme de la menace et peuvent être doublés pour répondre aux pics de demande à court terme », promet Anduril.
Il a ajouté : « Un seul Barracuda prend 50 % de temps en moins à produire, nécessite 95 % d’outils en moins et 50 % de pièces en moins que les solutions concurrentes actuellement sur le marché. (…) En conséquence, la famille de véhicules autonomes Barracuda est 30 % moins chère en moyenne que les autres solutions, ce qui permet une utilisation à grande échelle. »
La gamme « Barracuda » se compose de trois modèles. Ainsi, plus petit que les deux autres et d’une portée maximale d’environ 160 km, le Barracuda-100 peut être tiré par un hélicoptère ou par un lanceur terrestre. Destiné aussi bien aux chasseurs-bombardiers (F-35, F-15, F-16 et F-18) qu’aux navires de surface, le Barracuda-250 peut emporter plusieurs types de charges utiles en fonction des missions. Il peut atteindre une cible située à 370 km.
Enfin, avec une autonomie de plus de 900 km, le Barracuda-500 est trop volumineux pour tenir dans la soute du F-35. En revanche, il peut être emporté par les F-15, F-16 et autres F-18, voire par les avions de transport C-130J Hercules ou C-17 Globemaster III s’ils sont conditionnés sur palettes, comme le prévoit le concept « Rapid Dragon » de l’US Air Force. Cependant, comparé au JASSM AGM-158B, sa charge militaire est dix fois moindre.
Cela étant dit, les effets de ces munitions « Barracuda » pourraient être augmentés si elles volaient en essaim, comme cela serait possible avec le logiciel Lattice, développé par Anduril.
Reste à savoir quel sort le Pentagone réservera à cette nouvelle gamme de munitions « complexes », alors que l’US Air Force recherche justement un missile à bas coût, dans le cadre du programme « Franklin », lancé par son unité dédiée à l’innovation en juin dernier.