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L’Allemagne autorise le déploiement d’armes hypersoniques américaines sur son territoire

En 1977, l’Union soviétique déploie des missiles balistiques de portée intermédiaire SS-20 Sabre, capables de neutraliser les contre-mesures nucléaires de l’OTAN basées en Europe. Les États-Unis réagissent rapidement en envoyant des missiles Pershing II en Allemagne de l’Ouest. Cela donne lieu à la « crise des euromissiles », l’initiative américaine provoquant également des réactions hostiles dans les milieux pacifistes. En 1983, le président François Mitterrand résume la situation en déclarant au Bundestag : « Les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles sont à l’Est ».

La crise des euromissiles a pris fin en 1987, avec la signature du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) par les États-Unis et l’Union soviétique. Ce texte interdisait le déploiement et la possession de missiles – balistiques et de croisière – d’une portée comprise entre 500 et 5 500 km. Cependant, comme d’autres traités de désarmement, il n’est plus en vigueur.

En effet, la Russie ayant été accusée d’avoir développé un missile d’une portée supérieure à 500 km – en l’occurrence le Novator 9M729 (code OTAN : SSC-8) –, les États-Unis ont dénoncé le traité INF en 2019. Sans attendre, ils ont modifié le programme PrSM (Precision Strike Missile) afin d’équiper le système M142 HIMARS d’un missile balistique capable d’atteindre une cible au-delà de 500 km.

Mais alors que les jours du traité FNI étaient comptés, certains responsables européens, comme Federica Mogherini, alors Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, ont exprimé leur opposition à voir le territoire européen redevenir un « champ de bataille pour d’autres puissances » comme par le passé.

Côté russe, le chef du Kremlin Vladimir Poutine a laissé entendre que Moscou allait acquérir des missiles jusque-là interdits. Les Américains « estiment désormais que la situation a tellement changé depuis la signature du traité INF en 1987 qu’ils doivent acquérir ces armes. Notre réponse à Washington ? Simple : nous ferons la même chose », avait-il déclaré en décembre 2018.

Le chef d’état-major des forces armées russes, le général Valéry Guerassimov, s’est montré beaucoup plus direct, menaçant les pays de l’Otan qui accepteraient d’accueillir sur leur sol des missiles balistiques américains de moyenne portée. « Ce n’est pas le territoire des États-Unis qui sera menacé de destruction, mais le leur », a-t-il prévenu.

Fin juin, M. Poutine a déclaré que la Russie devrait commencer à produire des missiles autrefois interdits par le traité FNI puis, « en fonction de la situation », « les déployer, si nécessaire, pour assurer notre sécurité ».

En tout cas, il n’y a pas si longtemps, l’Allemagne se disait opposée au déploiement de missiles sol-sol de portée intermédiaire sur son territoire.

« La politique des années 1980 n’aide pas à répondre aux questions d’aujourd’hui. Un déploiement de nouveaux missiles de moyenne portée rencontrerait une grande résistance en Allemagne » et « l’Europe ne doit en aucun cas être le théâtre d’un réarmement », estimait le social-démocrate Heiko Maas, lorsqu’il était encore chef de la diplomatie allemande, en 2018.

Cependant, la guerre en Ukraine a changé la donne, et même accéléré les plans qui étaient dans les cartons… En effet, le 10 juillet, en marge du sommet de l’OTAN à Washington, l’Allemagne a annoncé qu’elle accueillerait la variante sol-sol du missile de croisière Tomahawk, les missiles polyvalents SM-6 et les armes hypersoniques mis en œuvre par l’armée américaine à partir de 2026.

« Ces systèmes ont une portée nettement supérieure à ceux actuellement déployés en Europe », soulignent les autorités allemandes et américaines dans un communiqué commun. A noter que ces missiles n’emporteront pas de charge nucléaire, contrairement aux Pershing II des années 1980.

En bref, l’Allemagne accueillera le système Typhoon (ou Mid-Range Capability – MRC), conçu pour lancer des missiles SM-6 (RIM-174 Standard ERAM) d’une portée comprise entre 400 et 500 km) ainsi que des Tomahawks, capables de parcourir 2 770 km. C’est largement suffisant pour rejoindre Moscou depuis Berlin.

Quant aux capacités hypersoniques évoquées dans le communiqué, elles s’appuieront sur le LRHW (Long-Range Hypersonic Weapon ou « Dark Eagle »), dont la portée est identique à celle de la version sol-sol du Tomahawk.

Cette annonce n’a pourtant rien de vraiment surprenant. En 2021, l’armée américaine avait annoncé la réactivation, à Kassel (Mayence), du 56th Artillery Command, unité héritière du « 56th Field Artillery Command », qui avait été dissoute à la fin de la guerre froide alors qu’elle était chargée de superviser les Pershing II.

Cette réactivation a été décidée dans le cadre du programme « Multi-Domain Task Forces » (MDTF), lancé en 2019 afin de réunir au sein d’une même formation des capacités en artillerie, défense sol-air, renseignement, cyberguerre et guerre électronique. Et ce afin de pouvoir coordonner des frappes de missiles longue portée, via une force en réseau.

Dans une interview accordée le 11 juillet à la radio Deutschlandfunk, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius s’est réjoui du déploiement de ces missiles américains. « Cela comblera une grave lacune dans la défense du territoire des alliés de l’OTAN », a-t-il déclaré.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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