Emmanuel Macron a été l’un des premiers chefs d’État à s’adresser à son « Félicitations les plus chaleureuses » à Abdelmadjid Tebboune pour sa réélection à la présidence de l’Algérie. Quelques heures après la publication de son score de près de 95%, marqué par une abstention record et de fortes suspicions de fraude, l’Élysée a publié un communiqué jugé « particulièrement complémentaire » par plusieurs diplomates. « La France est particulièrement attachée à la relation exceptionnelle qui la lie à l’Algérie, dans tous les domaines (…) Sur la scène régionale et internationale, le dialogue entre nos deux pays est essentiel »le document officiel précisé.
Une main tendue dans un contexte de contentieux diplomatique qui perdure depuis fin juillet et la fameuse lettre du président français au roi Mohammed VI, publiée par l’Élysée, qui précisait que « Le présent et l’avenir du Sahara occidental » s’inscrivaient « dans le cadre de la souveraineté marocaine »En rompant sa neutralité et en entérinant la position marocaine sur un territoire disputé depuis près de cinquante ans avec l’Algérie, Paris a provoqué la colère d’Alger, qui a promis de sévères mesures de rétorsion, sans en définir les contours.
Les autorités algériennes ont annoncé le retrait de leur ambassadeur à Paris avec effet immédiat, mais en coulisses, un moyen de pression bien plus important a été utilisé : celui de l’immigration clandestine. « C’est la seule véritable arme dont dispose Alger contre Paris : les autorités algériennes savent qu’avec la question migratoire, elles ont des leviers considérables.estime Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie. Ils connaissent le contexte politique français, lisent la presse française, savent que ce sujet est au cœur de la politique intérieure et mobilise l’opinion.
Restrictions de visas, harcèlement administratif accru des diplomates à l’arrivée, mais surtout gel des laissez-passer consulaires. Alors que l’administration française a besoin de ce fameux sésame pour expulser les ressortissants illégaux sur son territoire, la vingtaine de consulats implantés en France, qui pourraient être en mesure de les délivrer, sont le plus souvent absents. Une rupture de coopération défavorable à la France, dont les centres de rétention administrative sont saturés de clandestins algériens que l’Hexagone peine à renvoyer chez eux, y compris lorsqu’ils ont commis des crimes et délits relevant de l’OQTF.
Des dizaines de clandestins algériens effectuent ainsi de simples « allers-retours » en avion entre les deux pays.
« Alger a un double verrou : délivrer ou non les laissez-passer consulaires, puis, dans les rares cas où il est décidé de les délivrer, de ne pas accueillir les ressortissants sur son sol. Une fois sur place, les autorités algériennes n’accordent pas l’autorisation aux ressortissants de descendre de l’avion, qui sont automatiquement renvoyés en France. »explique Driencourt. Au début du mois d’août, Le canard enchaîné L’AFP a révélé que pour faire payer à Paris son soutien au royaume chérifien, les autorités algériennes refusaient d’autoriser les vols charters de ses ressortissants expulsés par la France à atterrir sur son sol. Des dizaines de clandestins algériens effectuent ainsi de simples « allers-retours » en avion entre les deux pays, avant de revenir en France, le tout aux frais du contribuable français.
Une situation absurde, signe de la volonté affichée d’Alger de punir Paris pour sa position sur le dossier du Sahara occidental et son insistance à utiliser le levier de la coopération dans la lutte contre l’immigration clandestine à chaque crise diplomatique. En 2023, le gouvernement algérien avait d’ailleurs gelé la délivrance de laissez-passer consulaires lorsque la France avait décidé d’accueillir Amira Bouraoui, une opposante au régime algérien qui possède la nationalité française. La réélection d’Abdelmadjid Tebboune, félicité par le président français, ne devrait pas marquer un changement de stratégie diplomatique.