Nouvelles

Lait en poudre, arômes de synthèse, pratique de la congélation… Les canelés Baillardran suspectés d’être moins « naturels » qu’annoncés

CC’est un emblème girondin mondialement connu qui a comparu ce jeudi 5 décembre devant le tribunal correctionnel de Bordeaux. Pendant près de trente ans, la société Baillardran a régné en maître sur le canelé. Cette pâtisserie inventée au 16èmee siècle par les religieuses girondines pour nourrir les populations pauvres est devenu, sous la marque de l’entreprise de Philippe et Angèle Baillardran, un produit chic et cher. Et l’entreprise familiale compte aujourd’hui 150 salariés, répartis dans des points de vente positionnés pour attirer une clientèle triée sur le volet (gare Saint-Jean de Bordeaux, aéroports, Arcachon, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz…).

« A Arcachon, c’est gelé »

Garantis frais du jour, à base d’ingrédients nobles, naturels et de qualité issus de filières locales, les gâteaux Baillardran déclinés en variétés « classique », « pure vanille » ou « rochers » atteignent des prix supérieurs à ceux des canelés. concurrents, régulièrement critiqués par les entrepreneurs bordelais pour leur design industriel. Mais une enquête de la Direction de la Protection de la Population (DDPP) suggère que Baillardran avait quelque peu agrémenté sa recette avec des produits ou des pratiques non conformes aux qualités mises en avant. Au point de déclencher des poursuites pénales pour pratiques commerciales trompeuses.

Les inspecteurs de la DDPP ont constaté que l’entreprise avait pris l’habitude de congeler les canelés, notamment ceux invendus, afin de les proposer à la vente les jours suivants. « Le problème, c’est l’information des consommateurs. Vous annoncez vendre des produits frais du quotidien», observe le président Cyril Vidalie. L’entreprise affirme avoir privilégié cette méthode principalement pour les canelés invendus exposés en vitrine. Reste que le magasin d’Arcachon ne dispose pas de fours. « Les canelés d’Arcachon sont-ils frais tous les jours ? » interroge le juge. « Pas du tout, c’est gelé », reconnaît Philippe Baillardan, le fondateur de l’entreprise.

C’est quand même dommage, vous vendez un canelé vanille pure et c’est celui qui contient le plus d’arôme de synthèse”

Sur l’emballage des boîtes de canelés, Baillardan avait listé les ingrédients : sucre, œufs, lait, beurre, vanille et rhum. Mais la composition réelle dépassait quelque peu cette orthodoxie. Le lait était en fait du lait en poudre. « Nous avons découvert que le lait girondin était trop riche en eau. Avec du lait en poudre, vous avez la bonne quantité d’eau », explique le pâtissier. Les œufs ont été enrichis d’un produit pasteurisé. Et la vanille n’était plus aussi bio qu’annoncée, agrémentée d’arômes de synthèse. Tout comme le rhum, soupçonne la DDPP. Quant au beurre, il avait disparu de la recette.

« C’est quand même dommage, vous vendez un canelé vanille pure et c’est celui qui contient le plus d’arôme de synthèse », s’étonne le président. « Le canelé vanille pure signifie en réalité un canelé dépourvu d’alcool », répond le prévenu. « Ça ne s’appelle pas sans alcool, ça s’appelle pure vanille ! » » observe le magistrat. « Mon erreur n’a pas été de supprimer les mots. Mais ça fait trente-sept ans, tu aurais dû me le dire avant», soupire le prévenu, déclenchant l’ire de la procureure Marie-Noëlle Courtiau-Duterrier. Un premier contrôle anti-fraude réalisé en 2008 a permis de constater que certains produits annoncés ne correspondaient pas à ceux utilisés dans la recette.

« Vous êtes devant ce tribunal parce que vous avez une marque bien établie. Nous avons une forte exigence de transparence et d’intégrité de votre part. Pour quoi ? Parce que vos canelés valent trois fois plus que les autres», assène le magistrat. Selon la DDPP, sur un an, la différence entre les produits utilisés et ceux annoncés aurait permis à la marque d’économiser près de 600 000 euros. Sur cette base, le ministère public requiert une amende de 800 000 euros, dont la moitié forfaitaire, et l’affichage de la décision dans les magasins.

Le roi n’a rien trouvé à redire

« Derrière chaque canelé Baillardran, depuis sa conception jusqu’au moment où il est démoulé, il y a un pâtissier », rappelle l’avocat de la société M.e Sandrine Jouanau-Dumail. Le roi Charles et la reine Camilia, lors de leur visite, ne se sont-ils pas arrêtés pour déguster un canelé Baillardran ? « Nous n’avons reçu aucune critique de la part de la royauté ! » glisse l’avocat déplorant une enquête menée au « pire moment » alors que l’entreprise était en train de moderniser son laboratoire et que l’entreprise connaissait des problèmes d’approvisionnement tout en utilisant de la vanille « de haute qualité ». Face aux efforts de la société pour se mettre en difficulté, l’avocat demande une dispense de peine. « Il n’y a jamais eu personne de malade, sinon la presse en aurait parlé », glisse-t-elle.

Il y a quelques mois, dans une enquête menée par France 3 Aquitaine, des salariés dénonçaient des manquements aux règles d’hygiène et des problèmes de gestion. Le local visé par les salariés n’étant plus en service au moment du contrôle, il n’a pas fait l’objet d’une procédure. Mais l’Inspection du travail enquête actuellement sur d’éventuels cas de harcèlement, a indiqué le parquet.

Le tribunal correctionnel rendra pour sa part sa décision sur le volet consommation le 16 janvier.

Cammile Bussière

One of the most important things for me as a press writer is the technical news that changes our world day by day, so I write in this area of technology across many sites and I am.
Bouton retour en haut de la page