L’agriculture intensive tue les oiseaux, selon une étude menée dans 28 pays européens

Quelque 800 millions d’oiseaux ont disparu en Europe au cours des trente-sept dernières années, soit près de 20 millions par an. C’est le résultat d’une étude inédite par son ampleur (elle a été menée par une cinquantaine de scientifiques dans 20 000 sites de surveillance situés dans 28 pays européens), publiée ce lundi 15 mai dans la revue américaine Pnas (Actes de l’Académie nationale des sciences).
Selon ses auteurs, « abondance » espèces ont chuté de plus de 25 % entre 1980 et 2016, indiquant une tendance « systémique » Et « profond ». Une catastrophe pour la biodiversité, dont les chercheurs se sont efforcés de hiérarchiser les causes. Résultat : « Nous concluons que l’intensification de l’agriculture, en particulier l’utilisation de pesticides et d’engrais, représente la principale pression pour la plupart des déclins des populations d’oiseaux.», disent-ils, soulignant également les effets néfastes du réchauffement climatique et de l’urbanisation.
Les oiseaux des terres agricoles les plus menacés
Parmi les espèces étudiées, les oiseaux des milieux agricoles sont par ailleurs les plus menacés : leur nombre a diminué de 57 % sur la période observée, contre 28 % pour les oiseaux urbains et 18 % pour les oiseaux forestiers. L’effondrement est particulièrement brutal dans le cas des gobemouches tachetés (-63%) ou des moineaux domestiques (-64%) et, globalement, de tous les insectivores, qui souffrent de la disparition concomitante des insectes, également favorisée par l’élevage intensif.
« Malheureusement, l’extinction progressive des oiseaux n’est pas une grande nouvelle. Cela fait au moins dix ans que l’Ipbes (Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques – NDLR) alerter sur le sujet en pointant l’agriculture industrielle, avec son cortège chimique, comme le premier responsable du déclin de la biodiversité »rappelle Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
« Jusqu’à présent, de nombreuses personnes minimisaient l’impact des pesticides sur la perte de biodiversité. Ces travaux affirment de manière claire et catégorique que nous devons transformer en profondeur notre façon de produire notre alimentation et de gérer la Terre. On ne peut pas continuer comme ça. » alerte, dans la vie de tous les jours le monde,Le chercheur britannique Richard Gregory, qui a participé à l’étude.
À l’été 2022, la Commission européenne a présenté un plan visant à réduire de moitié l’utilisation des pesticides d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2015). Mais plusieurs États membres, dont la France, ont traîné des pieds et demandé, en décembre 2022, la réalisation d’une étude d’impact complémentaire, repoussant encore plus le début des négociations, malgré les critiques des ONG.
« Le gouvernement n’écoute pas les scientifiques »
« En tout état de cause, les objectifs annoncés ne pourront être atteints si l’on se borne à penser en termes d’alternatives techniques.balaie Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne. Il faut réfléchir à des alternatives économiques pour permettre aux agriculteurs de se passer de pesticides. Dans ce contexte, nous pensons qu’il faut plus de paysans, sur des exploitations plus petites, pour qu’ils soient protégés du libre-échange et qu’ils puissent acquérir un revenu qui dépende non seulement du volume de production mais aussi de leur capacité à répondre aux enjeux climatiques et environnementaux. »
« Nous disposons désormais de données extrêmement solides sur la dangerosité des pesticides. Ce qui manque, c’est une action publique pour réduire la dépendance de notre agriculture à ces produits. Mais le gouvernement n’écoute pas les scientifiques », dénonce François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures. Et d’insister :« Nous devons agir rapidement. Tant que les espèces n’ont pas disparu, elles peuvent revenir si les milieux sont recréés. Alors c’est trop tard. »
Ce mardi, les militants écologistes s’inquiétaient pourtant de la perspective d’une nouvelle régression : l’examen au Sénat d’un projet de loi, majoritairement porté par LR et le centre, qui prévoit, entre autres, que le ministre de l’Agriculture puisse suspendre, sous conditions , une décision de l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses).
Grb2