L’agriculture française sacrifiée par Emmanuel Macron
43 ans après Edith Cresson, Annie Genevard, enseignante de formation, membre du RPR, puis de LR depuis 1996, est la deuxième femme à devenir ministre de l’Agriculture en France. Elle prend ses fonctions dans un contexte d’aggravation de la situation d’un monde paysan sous-payé tandis que des maladies contagieuses transmises par les moucherons font mourir une partie du cheptel dans les exploitations.
Agée de 68 ans, membre du parti « Les Républicains » et députée du Doubs depuis 2012, Annie Genevard a été nommée samedi soir ministre de l’Agriculture. Elle succède au très discret Marc Fesneau, qui occupait ce poste depuis l’élection présidentielle de 2022. Lors du premier quinquennat du président Macron, quatre hommes ayant fait campagne pour lui en 2017 s’étaient succédé à ce poste. Le premier était l’ancien sénateur du Cantal Jacques Mézard. Il a été remplacé au bout de quatre semaines par Stéphane Travert, député socialiste de la Manche pendant le quinquennat de François Hollande. Travert avait été remplacé par Didier Guillaume, sénateur socialiste de la Drôme, en octobre 2018. A sa grande surprise, Didier Guillaume avait été contraint de plier bagage le 6 juillet 2020 pour laisser sa place à Julien Denormandie, un proche du chef de l’Etat, mais qui a pris ses distances avec lui depuis 2022.
Annie Genevard est la deuxième femme à occuper le poste de ministre de l’Agriculture après Edith Cresson entre mai 1981 et mars 1983. Elle accède à ce poste ministériel à une époque où le monde agricole rencontre de plus en plus de difficultés en raison de la faiblesse des prix à la production et de maladies contagieuses telles que la fièvre catarrhale (FCO) chez les ovins, la maladie hémorragique épizootique (MHE) chez les bovins. A cela s’ajoutent, dans certains endroits, la grippe aviaire dans les élevages de volailles et la peste porcine africaine transmise aux porcs d’élevage par les sangliers en Europe.
Le prix de la tonne de blé ne couvre plus les coûts de production
Le 10 septembre, la tonne de blé tendre livrée au port de Rouen pour l’exportation coûtait 214 euros contre 330 euros deux ans plus tôt. Selon Eric Thirouin, président de l’Association nationale des producteurs de blé (AGPB), le prix payé à la ferme n’était que de 175 euros la tonne, alors que le prix de revient est de 264 euros une fois déduites les aides européennes. Cela se traduit par une perte moyenne de 550 euros par hectare de blé tendre en France. A Creil, la tonne de maïs grain coûtait 203 euros le même jour contre 320 euros deux ans plus tôt.
Pour le blé comme pour le maïs, la suppression des droits de douane sur les céréales produites en Ukraine et vendues dans les pays membres de l’Union européenne a réduit les débouchés des céréales françaises dans nos pays voisins, ce qui fait chuter les prix dans les salles de marché. Dans le même temps, la Russie exporte de plus en plus de blé vers le continent africain et le Moyen-Orient, ce qui fait baisser les exportations françaises.
Sur notre marché intérieur, les produits alimentaires milieu de gamme et surtout haut de gamme voient leurs débouchés se réduire en raison de la baisse du pouvoir d’achat d’un nombre croissant de ménages. Le lait conditionné issu de l’agriculture biologique a vu ses débouchés se réduire de 19,3 % sur un an et le beurre bio connaît la même tendance avec un recul de 15,9 % par rapport à juin 2023. Résultat, les transformateurs font chuter le prix du lait issu des fermes converties à l’agriculture biologique. Alors que l’Europe menace de taxer les importations de voitures électriques chinoises vers le Vieux Continent, la Chine dit vouloir riposter en taxant les produits laitiers européens, dont 23 % de la valeur des exportations est fournie par la France, qui risque également de voir ses exportations de cognac vers la Chine surtaxées.
Maladies contagieuses et mortalité du bétail
Le 19 septembre, juste avant la passation de pouvoir, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a indiqué que la vaccination des ovins et des bovins contre les maladies contagieuses comme la fièvre catarrhale allait être étendue à la Région Bretagne en plus de celles déjà concernées, à savoir : les Hauts de France, la Normandie, l’Ile de France, le Grand Est, la Bourgogne-Franche-Comté, le Centre Val de Loire, les Pays de la Loire, l’Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que plusieurs départements de la région Nouvelle Aquitaine. Des vaccins gratuits ont été promis aux éleveurs, mais les commandes ne couvrent pas plus de 20 % des besoins. Alors que les vendanges sont en cours, les services de Marc Fesneau ont également publié le 19 septembre un texte ambigu dont voici un extrait :
« Adossé à l’encadrement temporaire des aides d’Etat Ukraine, le régime notifié propose de financer l’arrachage de vignes afin de pérenniser l’activité des exploitations viticoles, à hauteur de 4 000 euros par hectare, pour une enveloppe prévisionnelle de 120 millions d’euros au vu des résultats de l’enquête. L’aide serait accordée aux agriculteurs qui abandonnent, sur les surfaces ainsi arrachées, la production d’autorisations de replantation, et qui renoncent également à mobiliser ou à demander, pendant les six campagnes viticoles 2024 à 2029 inclus, des autorisations de nouvelles plantations. Ce régime apporte ainsi une réponse structurelle rencontrée par le secteur agricole, notamment du fait de la guerre en Ukraine, et contribuera à équilibrer et à mieux calibrer les volumes de production à long terme par rapport à l’évolution de la consommation. »
Emmanuel Macron, pilleur du monde rural depuis 2008
Avant le début de la guerre en Ukraine, la France exportait en moyenne 1,7 million de bouteilles de champagne par an vers la Russie. Dans le même temps, les trois régions viticoles d’Alsace, de Bourgogne et de Bordeaux exportaient en moyenne 12 900 hectolitres de vin par an vers la Russie. Il y a donc un lien entre la fermeture de ce marché et le projet d’arrachage des vignes en France, même si ce n’est pas la seule cause.
En ce jour de première réunion du nouveau Conseil des ministres, on s’abstiendra ici de porter un jugement sur le choix d’Annie Genevard d’occuper le poste de ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire avant de la voir à l’œuvre. Mais la complexité des dossiers, aggravée par la mondialisation capitaliste, rendra sa tâche difficile. Ajoutons que l’actuel président de la République se comporte particulièrement mal envers les agriculteurs depuis une quinzaine d’années. En 2007, il est chargé de rédiger le rapport de la commission Attali que la droite parlementaire utilise en 2008 pour faire voter la loi de modernisation de l’économie (LME) visant à réduire les prix agricoles à la ferme au profit des distributeurs à la demande de Michel-Edouard Leclerc au président Sarkozy. En octobre 2017, Emmanuel Macron prétend réparer cette injustice avec la loi EGALIM. Mais il pose cette condition : que les agriculteurs parviennent à remporter le bras de fer avec les distributeurs dans les négociations annuelles sur les prix d’entrée en magasin, alors que ce sont les transformateurs qui négocient avec les distributeurs !
Tromper ses interlocuteurs est la stratégie permanente du président Macron pour servir exclusivement les intérêts des milliardaires pour lesquels il a supprimé l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dès son arrivée à l’Elysée.
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